II
Lorsqu'il posa le pied sur la terre ferme, le soleil avait disparu du ciel. Ses parents, Krenntek et Peliitek, dormaient déjà, mais Ipal et Rilaan avaient attendu qu'il revienne. Tout le monde savait très bien qu'il ne fallait pas s'inquiéter, mais « on n'est jamais à l'abri d'un ennui » disait son fils. Et, avec sa fille, Apuuntak renchérissait « Jamais n'existe pas car il y a Toujours ». C'était un précepte qui se transmettait de génération en génération, les premiers mots du premier homme lorsqu'il avait accédé au rang de sage de la tribu Tek-Tek. L'histoire de leur tribu était taboue depuis qu'ils avaient perdu leur grand nombre. Nous n'accéderons à ce savoir qu'en devenant sage, avait décrété un de leurs ancêtres. Et nul n'avait remis en cause cette décision.
Les enfants allèrent se coucher en silence et Apuuntak s'endormit en priant les ancêtres sages de ne pas lui envoyer d'autres visions.
Il ne rêva que de l'endroit où ils s'installeraient – ce qui était tout de même inhabituel pour lui.
Le lendemain, ce fut Rilaan qui le réveilla, car ses deux enfants étaient toujours excités quand ils allaient s'établir ailleurs.
Chacun démonta l'endroit de la cabane où il dormait, et les parties communes furent réparties entre eux suivant la méthode que chacun avait le mieux élaborée. Le matériel fut entassé sur une sorte de long et haut panier monté sur des pierres que Rilaan avait taillées et polies en d'épais disques. Ils se mirent en route, le chef en tête. Apuuntak ne cessait de jeter des coups d'œil hésitants dans son dos, que le sage n'avait pas manqués de remarquer. C'était justement à Krenntek qu'Apuuntak hésitait à parler. Il hésitait à lui raconter sa vision et à lui faire part de ce qu'il avait ressenti alors qu'il assistait à la mort de la jeune femme de l'autre tribu. Il se dit que s'il avait été le seul concerné, c'est qu'il avait été désigné ; sinon Krenntek serait intervenu. Et ils avaient toujours vécu en marge. Lorsqu'il leur avait révélé l'existence d'une autre tribu, aucun n'avait fait entendre son désir de faire connaissance. Il fallait qu'il garde tout cela pour lui ; c'est mieux comme ça, se dit-il. Et il mit un terme à ses délibérations.
Sur ce, la tribu Tek-Tek arriva sur les lieux de son nouvel établissement.
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