02:09 affichait l'horloge digitale de cet appartement. Et cela faisait maintenant quatre heures que le jeune résident était penché sur ses livres d'études. La main dans les cheveux, les dents crispées et les yeux bouffis de sommeil. Les études supérieures jusqu'à présent ne lui réussissaient pas. Il avait raté sa première année, et l'avait recommencé. En même temps le commerce ce n'est pas la joie, mais il était déterminé. A vingt-deux ans le jeune homme avait toujours un visage assez enfantin, ses cheveux noirs bouclés le rajeunissaient encore plus et lui donnait l'air d'avoir dix-sept ans. Un juron sorti de sa bouche, et il s'affala de tout son long sur son fauteuil lâchant un soupir grave. Il avait abandonné les révisions, il allait tout simplement sécher ce cours. Après tout ce ne sont pas les partiels, se disait-il. Attitude de perdant, fainéantise dans tout son terme ? Non, il prévoyait son échec à cet interrogation écrite et il anticipait déjà son échappatoire. Il savait qu'il ne pourrait pas toujours fuir mais il profitait tant qu'il en était possible ; parfois la fuite reste la meilleure solution. Et sur cette pensée, il décida de s'endormir.

La nuit passa rapidement et la journée aussi d'ailleurs. De ses yeux marron il observait la mer de par sa fenêtre. Il l'observait longuement avec un sourire radieux. Souvenirs d'enfance et nostalgie s'en émanait ; souvenirs heureux comme souvenirs tristes. Une vibration se fit dans sa poche arrière, puis plusieurs d'affilés. Un appel, deux trois mouvements et il décrochait.

« Allo ?

-Endy j'ai besoin de toi.

-J'arrive. »

Il raccrocha d'un geste et dévala les escaliers vers l'immeuble d'en face. Il grimpe jusqu'au septième étage et frappe à la porte 369. Deux minutes et la porte s'ouvrit. Une jeune fille apparut un enfant dans les bras qui s'agitait comme un diable. Des cris, puis un bruit sourd sortant de l'intérieur de l'appartement. La fille accourue à l'intérieur et gronda un jeune garçon, pendant qu'Endy rentrait le sourire aux lèvres.

« Je ne suis pas fort avec les enfants, si c'est ça que tu veux Aïlha. »

Le jeune homme s'affala sur le canapé, tout en s'étirant. C'était un habitué des lieux, il y venait régulièrement. Ce n'était pas sa petite amie non, ni sa sœur. Sa meilleure amie ? Il n'avancerait pas jusque-là non plus, mais ils s'appréciaient beaucoup. La propriétaire de l'appartement déposa le gamin qu'elle portait dans les bras et roula des yeux à l' intention du noiraud. Ses yeux d'un gris presque translucide étaient légèrement rouges. Elle faisait baby-sitter sur ses temps libre pour se faire de l'argent, sa maison ressemblait presque a une garderie. Aïlha soupira en attrapant les clés de sa voiture.

« Pas grave. Tu ne t'occuperas que d'un bout de chou. Tu as de la chance je te laisse le plus sage.

-Comment ?! Mais...

-Je dois ramener ceux-là chez leurs parents. Tu peux me rendre ce service tu seras un amour d'accord ?

-Putain. »

La jeune demoiselle attacha ses longs cheveux blonds, aux bouts roses en chignon. Mit les chaussures aux trois autres enfants, et sortit sans l'ombre d'un procès.

« Putain. » répéta-t-il doucement.

Il ne savait vraiment pas s'y prendre avec les gamins. Mais il n'avait pas le choix maintenant ils étaient seuls tous les deux. Le petit garçon vint tendre ses mains devant Endy avec un petit sourire angélique, il gazouilla doucement attendant que son interlocuteur le prenne dans ses bras. L'étudiant hésita longtemps, mais quand le garçon s'apprêtait à sangloter, il le prit délicatement dans ses bras en soupirant. Le gamin s'endormit vite dans ses bras, et il y eut un silence de plomb. Un silence qu'Endy n'aimait pas, il préférait encore les cris d'enfants.

Le temps passait et Aïlha ne revenait pas. Le soleil n'était certes pas encore couché, mais il n'allait pas tarder. Le petit garçon c'était réveillé et voulait aller dans le parc, en bas de l'immeuble et n'arrêtait pas de pleurer. Il ne voulait pas prendre de décision, mais finit par céder au gamin.

Ils descendirent jusqu'au parc, et l'enfant couru jusqu'aux balançoires, faisant signe a Endy de venir. L'enfant riait et lui faisait penser à son enfance. Du temps où il allait à Hawaï toutes les vacances avec sa sœur et sa mère. De par sa mère, il était originaire d'Oahu ; l'île principale de l'Etat d'Hawaï. Mais elle est morte avec le père, à ses sept ans et ils ont dû arrêter d'y aller car sa petite sœur pleurait à chaque mention d'endroits, ou de choses en rapport avec leurs parents. Elle avait été suivie par un psychologue pendant cinq ans avant de reprendre le dessus sur la douleur. Endy, quant à lui, est resté silencieux sur la mort de ses parents. Vivant la douleur seul, ne voulant pas infliger ses peines à sa famille.

Depuis l'accident, lui et sa sœur ont vécu à Los Angeles avec leurs grands-parents paternels dans une villa assez luxueuse. Leur père était un homme d'affaire riche, ayant plusieurs firmes il nageait presque dans la richesse. Mais pour lui son père a toujours été quelqu'un de bien, profitant de son peu de temps libre avec ses enfants. L'accident a vraiment marqué sa vie, et c'est pourquoi il a décidé de faire des études de commerce pour remettre sur pied l'entreprise de son père. Et en plus de cela, pour continuer son engagement il a dut laisser derrière lui sa petite sœur et ses grands-parents. Sa grand-mère l'appelait souvent, et son grand-père de temps en temps, mais il n'avait aucune nouvelle de sa sœur. Il n'arrivait pas à la joindre, elle ne l'appelait pas non plus. Sa grand-mère lui disait que tout allait bien pour elle, mais il voulait entendre sa voix.

Un homme passa en face du gamin, puis lança un regard à Endy. Un regard glacial, remplit de folie plutôt. Endy fut parcouru d'un frisson crispant. Puis d'un simple sourire carnassier il fit un salut de la main.

« La vérité n'est pas toujours celle qu'on croit » murmura-t-il à l'attention du jeune universitaire. Endy frissonna au son de sa voix ; il attrapa le garçon par la main, puis s'éloigna rapidement de l'individu inconnu. Perplexe par les propos il ne vit pas son ami Aïlha se diriger vers eux. Il sursauta lorsqu'elle posa sa main sur son épaule.

« Hey, tu es à cran parce que je t'ai laissé seul avec Kewan ?

-.. Non, non désolé j'étais dans mes pensées.

-Et bien ressaisit toi. On dirait que tu as vu le grand méchant loup. »

Aïlha de dos ressemble à une jeune américaine, mais en réalité c'était une asiatique. Originaire du Vietnam et ayant du sang japonais dans le corps, elle n'était pas native des États-Unis. Ses cheveux teints portent à confusion de loin, mais de près elle a la peau bronzée et les yeux bridés.

« Bon je te laisse, à demain Endy-Juan »

Endy rentra chez lui sans perdre de temps. Toujours bouleversé par l'inconnu, il monta les escaliers sans remarquer les jeunes dans les escaliers, ou alors les autres locataires de l'immeuble. Il rentra dans son appartement et s'enferma dans la salle de bain, il fit couler l'eau du robinet sur sa tête pour se rafraîchir. Le téléphone sonna dans le salon. Il alla répondre.

« Bonsoir Endy-Juan Johannsen.

-Bonsoirs.

-Regarde un peu autour de toi, ne vois-tu rien de changé ? »

Endy s'exécuta et observa son appartement. A première vu rien n'avait changé. Puis, il regarda plus attentivement, et remarqua que tous les cadres photos étaient rabattus. Et ceux des murs étaient carrément posés à terre, devant-derrière. Et plus loin, sur une table basse un cadran cassé laissant la photo déchiré au sol. Un frisson le parcourus. Quelqu'un s'était introduit chez lui. Et il n'avait rien remarqué.

« Qui est à l'appareil ?

-Tu le sauras bientôt.

-Que voulez-vous ?

-Regarde sur la table de ta cuisine. » Tonalité.

L'interlocuteur avait raccroché. Le jeune universitaire laissa glisser le combiné le long de ses doigts tremblant un peu. Qui n'aurait pas froid dans le dos, après avoir eu une conversation téléphonique pareille ? Personne. Endy alla doucement dans la cuisine. Rien d'anormal, il entra et alluma la lumière. Une enveloppe sur la table, et près de cette enveloppe un morceau de papier tamponné.

Le jeune ouvrit l'enveloppe et lut le contenu. Une simple phrase.

« Ton père a échoué, bienvenue dans le jeu. »