Chapitre 11
- Allô ?
Erine manqua de lâcher son portable, s'étant persuadée qu'il n'allait pas décrocher au vu de l'heure tardive.
- C'est Erine, fit-elle d'une voix qu'elle espérait assurée.
- Erine ? Bah tient ! Quelle surprise ! rigola Claude de l'autre côté du mobile, je pensais que tu n'aurais pas besoin de mon numéro ni même de m'appeler en plein milieu de la nuit ?
- Je n'ai pas appelée car j'ai besoin de toi ou quoi que ce soit, ne te fais pas de fausses idées ! Ne trouvant juste pas le sommeil, je pensais que cela ne serait pas une mauvaise chose de pouvoir converser avec quelqu'un !
- Oui bien sur, j'aurais du m'en douter, ricana-t-il, ce n'est pas ton genre de faire des cauchemars actuellement et de vouloir en parler avec quelqu'un.
- Je ne vois pas de quoi tu parles ! Si tu n'es pas content je raccroche !
Il y eu un petit silence, suivit par un soupir qui se voulait blaser. Finalement, Claude reprit la parole, son ton n'étant plus aussi moqueur qu'au départ, même si une pointe de narquois restait perceptible dans ses paroles.
- Bien, dans ce cas partons du fait que tu m'appelle juste pour avoir une personne au bout du fil, qu'est ce que tu fous réveillée aussi tard ? Je pensais qu'une princesse dans ton genre avait besoin de sommeil pour avoir une belle peau et un air frais.
- Eh bien figure toi que j'étais en train de travailler sur mon japonais, je suis une femme sérieuse qui n'abandonne pas facilement figure toi. Donc, n'ayant nulle envie de dormir, j'ai continué d'apprendre et de renforcer mes bases dans cette langue atroce.
- Roh tu exagères ! Le japonais n'est pas si horrible que ça à apprendre, c'est juste que tu n'y mets pas du tien. Ou alors tu n'as pas le talent nécessaire pour y parvenir ?
Piqué au vif, Erine plissa les yeux, même s'il était incapable de la voir au vu de la distance entre eux.
- Je ne te permets pas de me sous estimer de la sorte, je suis la future héritière de ma famille et j'en suis parfaitement digne et j'en possède toutes les compétences !
- Alors pourquoi tu ne connaissais pas déjà le japonais ? nargua Claude qui prenait clairement un malin plaisir à s'amuser ainsi avec elle et ses nerfs.
- Cela n'avait aucun intérêt à mes yeux, je vivais en France, pourquoi me fatiguer à apprendre une langue d'un pays se situant à l'autre bout du globe.
- Ta mère est pas japonaise d'origine ? Ca aurait été logique que tu apprennes sa langue au moins, vu que tu es à moitié japonaise du coup.
- Tsss, foutaises.
Elle savait très bien qu'il avait raison, mais elle s'était toujours convaincue de la non nécessité d'apprendre le japonais. A cette époque, elle n'aurait jamais cru y mettre les pieds, se sentant totalement française. Tout ce temps, elle n'avait fait que fuir la réalité. Au fond, elle l'avait toujours su, mais c'était voilée la face, se cachant derrière un masque d'arrogance et de reine. Et elle avait fini par y croire, se trompant elle-même.
- Bon, sinon, tu comptes cracher le morceau ou continuer de tourner autour du pot comme tu fais ?
- Qu'est ce que tu veux dire ? fit mine de ne pas comprendre Erine en jouant avec une mèche de cheveux.
- Tu m'appelles pas à 4h du matin pour le fun, alors sois tu ramène la vraie version soit je raccroche et je retourne mater mon porno.
- Je te demande pardon ??
Il explosa de rire et elle éloigna légèrement le portable de son oreille pour ne pas y laisser un tympan. Avec lui, impossible de savoir si c'était sérieux ou une vaste blague.
- Je plaisante, c'est bon. Je jouais juste à un jeu sur mon portable.
- J'espère bien.
Une image s'était invitée dans son esprit et elle la chassa aussi vite qu'elle le pu, ce n'était pas le moment de penser à une scène de la sorte !
- Alors, j'écoute.
- Très bien, mais ne considère pas cela comme une victoire de ta part ! Je te le dis uniquement car j'en ai pris la décision.
- Ouais ouais, je connais la chanson à force.
Erine souffla légèrement, remettant ses idées en ordre. Quittant son lit elle décida de s'asseoir sur sa fenêtre, ouvrant en grand les volets pour contempler la nuit.
- Mes cauchemars n'en sont peut être pas vraiment.
- Hum ? Comment ça ?
- En réalité, ce sont des fragments de mon enfance. Je voyais continuellement une petite fille se confronter à sa mère et se faire rabaisser plus bas que terre. Mais, cette petite, c'était moi tout le long, et je faisais face à ma mère. C'était moi tout le temps. Les dessins déchirés, la robe en lambeaux, tout cela m'appartenait. Des choses que je possédais et qu'elle a détruites, considérant que ca m'était inutile.
Claude ne disait rien et elle se doutait qu'il ne devait pas comprendre grand-chose à ce qu'elle disait. Néanmoins, elle ressentait une étrange sensation, comme si parler et avouer lui faisait du bien et faisait disparaitre un poids invisible qu'elle portait sur ses épaules.
- J'avais six ans, ou peut être moins, je ne sais pas vraiment. Mais quelque chose d'autre m'interpelle. Ces rêves, ces souvenirs, je ne les avais pas. J'ai fini par comprendre que c'était moi, mais les souvenirs n'étaient pas présents dans ma tête. Un peu comme si j'avais fini par les oublier.
- Peut être un traumatisme psychologique, évoqua alors Claude, ça arrive que ton esprit oublie des trucs pour te protéger et éviter que ça te traumatise trop.
- Un oubli volontaire...
- Mais bon, ça ne t'a pas empêché de devenir une petite peste imbue de toi-même et extrêmement arrogante et supérieur ! Ca devait être dans ton ADN !
Erine, contrairement à son habitude, ne réagit pas, et resta silencieuse quelques instants. Finalement, la seule chose qu'elle arriva à formuler fut :
- Oui, peut être bien.
Cette fois, ce fut au tour de Claude de rester silencieux, il n'avait pas du penser un seul instant à cette réponse.
- Je n'avais jamais remarqué, mais les étoiles sont belles, rajouta-t-elle.
- Les étoiles ?
- A Paris, il y a toujours de la lumière, même en plein milieu de la nuit on ne peut pas voir le ciel. Ici, je les vois.
- Ouais, c'est vrai que le ciel est beau ce soir.
Elle se doutait qu'elle le prenait par surprise en parlant d'étoile, mais avant aujourd'hui elle n'avait jamais réellement pris le temps de s'attarder sur la plus simple des choses. Ici, à 4h du matin, elle contemplait pour la première fois un véritable ciel étoilé, traversé par la voie lactée qui se répandait comme des paillettes dans ce vaste univers.
- Erine, ça va ? C'est pas ton genre de parler d'étoiles comme ça.
Il avait raison. Ce n'était pas du tout son genre. Etait-ce son âme de petite fille brisée qui revenait lentement à la surface ? Ou sa carapace était peut être en train de se fissurer, petit à petit, révélant failles et faiblesses dans son être et sa personnalité.
- Tu as raison, mais qu'est ce qui est réellement mon genre alors ? Qui suis-je en réalité ? Suis-je Erine la pimbeche superficielle, ou bien cette petite enfant coincé dans le bureau de sa mère en attente de la prochaine réprimande.
Elle ne savait plus qui elle était. Peut être la fatigue jouait-elle sur son esprit et faisait qu'elle ne savait plus trop ce qu'elle disait.
- Je vais te laisser, bonne fin de soirée Claude.
- Hein ? Att-
Elle raccrocha et laissa retomber son bras le long de son corps, les yeux levés vers le ciel. Elle ferait bien de retourner se coucher, elle avait besoin de dormir.
Claude soupira devant son portable et son regard se posa sur l'écran d'ordinateur face à lui. Il n'avait plus la motivation de se remettre dans son film. Quelle idée de reprendre à un coup de téléphone devant un film X, forcément ça l'avait coupé dans son élan !
- Elle était bizarre quand même ce soir...
Il éteignit son ordinateur et se leva, allant ouvrir ses volets pour contempler lui aussi le spectacle nocturne qu'offrait la nature chaque nuit.
- Bon, elle a pas tort, le ciel est beau. Pour une fois qu'elle complimente quelque chose dit donc.
Il soupira et passa une main dans ses cheveux. Il ne savait plus où se placer avec cette histoire. Mais peut être finirait-elle par se souvenir, un jour...
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