Chapitre 6
L'heure passa à toute vitesse, les deux hommes échangèrent anecdotes et autres. Éric ne lui posa aucune question sur comment Marc en était arrivé à devoir vivre dans la rue, et celui-ci le remercia silencieusement. Une fois terminé, Madeline revint vers eux, et posa le ticket de paye. Marc sursauta. Il en avait oublié la chose la plus logique du monde. Payer. Il avait consommé, maintenant il fallait payer. Marc se sentit bête. Très bête. Cela faisait-il trop longtemps qu'il vivait dans la rue pour ne pas se souvenir d'une chose aussi anodine ? Marc déglutit lentement. Mais avant qu'il n'ouvre la bouche, Éric le rassura :
- « C'est moi qui vous ai emmené ici, donc il en revient normal que ce soit moi qui vous offre tout ceci. Un petit remerciement de ma part, pour avoir ramené notre fille. »
De son perchoir, Madeline l'interrompit :
- « Je n'ai pas compté le café de Marc. » Celui-ci se retourna, surpris. Madeline lui fit un clin d'œil. « Un petit geste de ma part. »
Marc y répondit d'un sourire gêné et d'un petit « Merci Madame ». Il se croyait être devenu un enfant, à qui on offrait tout un tas de cadeau pour Noël. Car du point de vu de Marc, toutes ses intentions étaient des cadeaux, qu'il n'aurait pu imaginer avoir. Cela lui gonfla le cœur. Les deux hommes se levèrent ensuite, et sortirent du café sous un petit tintement, et un « Au revoir » de Madeline. Une fois dehors, le froid mordit le visage des deux hommes. La nuit était tombée, les lanternes étaient allumées. Les ruelles étaient éclairées d'halos jaunes, et les décorations de Noël scintillaient de mille éclats. Comme convenus, Éric emmena Marc vers sa demeure.
Ils arrivèrent devant un portail bas, entouré d'une palissade en bois, remplis de lierre. La nature reprenait ses droits. Un petit chemin s'élançait vers la porte d'entrée, qui était ajourée d'une grille ancienne. La maison était en pierre. Le petit jardin partait vers l'arrière de la maison à partir de la gauche. Éric ouvrit le portillon et laissa entrer à sa suite, Marc. Huit, neuf, dix pas, et ils étaient sur le perron. Éric sortit ses clés et ouvrit la porte en grand en hurlant un « C'est nous » retentissant. Une voix lui répondit.
- « Je suis dans la cuisine. »
Marc était gêné. Il ne savait pas quoi faire, ni comment se comporter. Un véritable enfant. Ils se déchaussèrent et Éric emmena Marc dans la cuisine, d'où s'échappait une odeur exquise. Yuri s'affaissait à préparer dans une grande casserole un met des plus savoureux, à en juger par l'odeur qui s'en dégageait. Le ventre de Marc grogna. Malgré les cookies dégustés, il avait encore faim. Il jeta un coup d'œil aux deux amants, qui discutaient dans devant la casserole. Ils n'avaient pas entendu les cris de son estomac. Marc poussa un soupir de soulagement. C'est alors qu'il se demanda où était passé la petite Lys. D'où il se trouvait Marc pouvait voir la salle à manger dans son intégralité ainsi que la cuisine. Un escalier, dans un coin de la pièce, devait mener vers les chambres et autres pièces de la maison. En parcourant les pièces du regard, l'homme ne vit aucune trace de l'enfant. La voix de Yuri ramena son regard dans la cuisine.
- « Etes-vous allergique à quelque chose ? »
La question déconcerta Marc, qui y répondit, étonné :
- « Non, pas à ce que je me souvienne. »
- « Super ! » S'exclama Yuri en regardant, les yeux pétillant son mari.
Elle partit alors dans une pièce à droite, et en ressortit avec trois gros bocaux. Éric se tourna vers l'homme et lui demanda s'il voulait boire quelque chose. Marc déclina l'offre, en se demandant de plus en plus pourquoi il était ici. Pourquoi Yuri avait incité son mari à emmener un inconnu chez eux. Surtout quelqu'un comme lui, un sans-abri. C'était rare, voir, à sa connaissance, jamais réalisé. Il en était à la fois surpris, et si heureux. Cela faisait des années qu'il n'avait pas conversé avec d'autres personnes que ses amies SDF, ni avait été dans une maison, et encore moins n'avait pris un café et des cookies.
- « Tenez. »
Marc sursauta devant les trois bocaux remplis, qui venaient d'apparaître sous son nez. Yuri les lui brandissait. Marc ne comprit tout d'abord pas. Yuri sourit, et dit :
- « C'est pour vous. C'est une ratatouille, cela va pouvoir être conservé durant bien une semaine. Ce n'est pas grand-chose, mais c'était pour vous remercier, pour tout. »
Marc resta bouche bée. Jamais il ne s'était imaginé qu'avoir aidé la petite Lys à retrouver ses parents le mènerai jusqu'ici. Il avait eu la chance de pouvoir goûter des cookies maison, et un bon café chaud. Et ce simple geste lui réchauffa tellement le cœur, qu'il ne sut que dire en prenant les trois bocaux tièdes. Il ouvrit la bouche et bredouilla des remerciements. Un véritable enfant.
- « Voulez-vous rester manger avec nous ce soir ? » Continua Yuri, blotti contre son mari.
- « C'est très aimable à vous, mais je vais devoir décliner l'offre. Vous avez déjà fait beaucoup, je ne sais comment vous remercier. »
- « C'était plutôt à nous de vous remercier. » Répliqua Éric, en souriant.
Sur ses mots, Marc ne s'attarda pas plus dans cette mignonne demeure, avec ses habitants généreux. Sur le pas de la porte, Marc eut un pincement au cœur. Il aurait voulu revoir une dernière fois la petite Lys, et revoir son sourire joyeux. Il s'était lié d'amitié avec cet enfant pleine de vie. Alors qu'il tournait les talons en disant un « au revoir » à Yuri et Éric, il entendit des pas précipités et une petite voix crier :
- « Attendez !! »
Marc se retourna, pour voir passer à toute vitesse, entre les jambes de ses parents surpris, une petite fille. Ses cheveux blond cuivré s'envolaient en cascade sur ses épaules. Ses yeux d'un vert émeraude pétillaient. Marc eut une bouffé de joie. Lys s'arrêta devant l'homme, et tout essoufflée, lui tendit une feuille pliée en deux. Il s'agenouilla à ses côtés, déposa sur le côté les trois bocaux et prit délicatement la feuille.
- « Merci petite Lys. »
Alors qu'il allait l'ouvrir, l'enfant le retint en secouant la tête.
- « C'est un petit cadeau de Noël. Mais il ne faut pas l'ouvrir, c'est pas encore l'heure. J'espère que ça te plaira. » Marc voulut répondre, mais la petite continua : « Merci d'avoir retrouvé mon papa et ma maman, comme tu me l'avais promis. Et joyeux Noël ! »
Un magnifique sourire naquit sur le visage de la petite. Si insouciante, si vivante, si joyeuse. Marc sourit à son tour. Cette petite procurait de la joie tout autour d'elle. Marc plia la feuille et la mit dans sa poche de manteau.
- « Je l'ouvrirai à Noël alors. Joyeux Noël à toi aussi Lys. »
La petite lui sauta alors au cou. Marc en resta stupéfait. Pendant une fraction de seconde, il resta figé, puis il enroula à son tour le petit corps fragile de ses bras. Le câlin ne dura que quelques secondes, mais cela avait prodigué un sentiment de joie à l'homme qui avait tout perdu, à l'homme qui ne pouvait voir ses enfants grandir, qui ne pouvait pas les prendre dans ses bras comme il l'avait fait avec la petite Lys. La gorge de Marc se noua tendit qu'il partait loin de cette maison. Son bras gauche soutenant les bocaux, sa main droite dans la poche, le bout de papier la caressant, il partit rejoindre ses confrères dans la nuit de Noël. En passant devant l'église de la commune, Marc regarda l'heure. 11h32. Dans une vingtaine de minute, c'était Noël. Dans une vingtaine de minute, il allait pouvoir regarder ce qu'il y avait sur la feuille. Un vent glacial lui griffa le visage. A cette heure, il n'y avait personne dans les rues. A cette heure, tout le monde fêtait en famille le réveillon de Noël. Ses pensées allèrent vers ses enfants, puis vers la famille de Lys.
- « Merci. » Murmura Marc, dans l'air froid de l'hivers, marchant d'un pas léger vers le parc, où il pouvait voir un petit éclat de lumière.
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