Case 8 - Mission au royaume des jouets
Maxine
Mes yeux fixent le plafond de mon studio. Le jour est bien avancé, mais ma motivation est au minimum syndical. Mon humeur au beau fixe. L'envie de me lever à zéro. Pourtant, il ne me reste plus que trois jours pour trouver ce foutu déguisement pour la perche. Et passer par Amazon, ce n'est pas possible. Les délais sont longs voir pas respecté, la période est ainsi faite. Ne pas compter sur les livraisons pendant les fêtes de fins d'année. Dernier recours possible : faire les boutiques.
Je fais la moue. Bats des jambes sous ma couette et chouine comme une gamine :
— J'ai pas envie !
Mes pieds repoussent la couette. Ma carcasse se redresse tel un zombi. Assise sur le rebord de mon lit, j'essaie de motiver mon cerveau et mon corps à se lever. Je prends une grande inspiration, expire longuement et me mets debout.
J'ai bien fait du repérage sur le net la veille, mais bordel, le boss l'a fait exprès de nous l'annoncer que maintenant. Son vieux sourire en quittant son bureau m'a mise sérieusement sur cette piste. Fumier !
Douche, lavage de dent, habillage, sac à dos, clopes, je suis paré pour affronter cette journée. Je regarde l'heure sur mon téléphone : midi. Il ne devrait pas y avoir grand monde à cette heure-ci, de plus c'est dimanche. Je verrouille ma porte, descends les escaliers, croise ma grande amie.
— Mademoiselle Nyx, quel mauvais temps vous fait sortir de chez vous ?
Je ferme les yeux, l'ignore, continue mon chemin. Son caniche dans ses bras se met à aboyer.
— Toujours aussi aimable à ce que je vois, rajoute Gertrude.
J'émets un grognement dans le fond de ma gorge. Je suis toujours au taquet pour la rembarrer, mais là ce n'est pas vraiment le jour. Et ça ne lui plaît pas, car elle commence à s'égosiller sur le colis qu'elle a reçu.
Qu'elle s'étouffe avec son dentier bon sang ! Puis je disparais dans la rue.
Je sors de la bouche de métro Louvre-Rivoli. Direction King jouet. Je trouverai peut-être mon bonheur là-bas. Je m'allume une cigarette pour détendre mes nerfs en me dirigeant vers le magasin. La rue Rivoli semble calme, si ce n'est que je regarde que mes pieds en marchand, la tête planquée sous ma capuche. Grommelant comme pas possible sur cette situation grotesque. On me bouscule. Je redresse la tête, alors que le passant s'excuse. Mes yeux s'écarquillent d'horreur.
Cauchemar.
La rue est bondée. Je suis face au magasin qui afflue de monde. Bordel de merde. J'écrase ma cigarette dans mon cendrier tout en regardant d'un air dépité la devanture du magasin.
Pitié !
Mon pied se tourne pour que je puisse partir dans le sens opposé. Fuir. Loin, très loin d'ici. Mais ma mission à venir me rappelle à l'ordre. Sonne comme une alarme dans mon cerveau. Je hais les magasins. Internet c'est la vie pour les achats. Un combat se joue entre mon corps qui veut se carapater et mon esprit professionnel qui m'incite à pénétrer dans l'antre des enfers.
J'y vais, j'y vais pas...
Il faut que je trouve une distraction pour entrer. Une pensée, n'importe quoi. Un objectif. La perche. Son déguisement. Peut-être un petit extra pour Vava et ses foutues licornes.
Vava ! Voilà ma distraction. Trouver de quoi accessoiriser son cadeau. Un sourire narquois s'affiche sur mon visage. Déterminée, j'entre enfin les bras ballants dans le magasin. Les musiques de Noël tournent en boucle, les bips des caisses sonnent en résonance, les clients courent avec leurs listes en main. Une migraine se profile à l'horizon. J'aurais dû m'enfiler des bières avant de venir, j'aurais eu le cerveau embrumé pour affronter cette collision d'horreur. Et pour saupoudrer le tout, des nénettes déguisées en lutin à côté d'un père Noël assis sur son fauteuil.
— Quand faut y aller, faut y aller, me résigné-je une fois passées les barrières.
J'attaque en premier lieu par Vava. Rayon princesse and co, je trouve rapidement un serre-tête avec une corne multicouleurs pailletées. J'enchaîne dans l'allée de créativité et remplis rapidement mon panier de paillettes, de colle extra-forte, de peintures, pinceaux, velours. Elle va être gâtée notre Vava. Par contre, je ne garantis pas le résultat, je ne suis pas manuelle. Je hausse les épaules sur cette réflexion, et me dis que je verrais ça le moment venu. Notre soirée du secret ne se fait pas avant le 23 décembre. J'ai le temps pour commander l'élément central de son cadeau.
Bon, la danseuse c'est accompli, plus qu'à filer dans le rayon adéquat pour la perche. Il y a moins de monde qui se bouscule, et m'attendant à ce qu'il va faire comme coup bas pour m'achever, je compte bien répliquer pour l'entraver. Je scrute les étagères à la recherche de la pépite. Plusieurs choix s'offrent à moi. Une dinde, une boule de Noël avec patin à roulettes, un sapin, la tenue traditionnelle de Noël chevauchant un renne... Une ampoule éclaire mes idées.
Je sors mon téléphone, compose un numéro, il décroche immédiatement.
— Ouais !
— T'es d'une humeur à givrer, remarqué-je à son timbre.
Je l'entends soupirer, mais je ne me démonte pas fac à lui, je suis pire.
— Est-ce que par hasard, serais-tu sur le sol français actuellement ? Où aurais-tu la possibilité d'y être avant mercredi ?
— Non, je suis en mission et je ne peux pas me libérer, répond-il grincheux.
— Je croyais que tu avais raccroché ?
Un faible rire se répercute dans le téléphone.
— Si je raccroche totalement, je finis par rouiller. Mais si tu m'appelles, c'est que tu as besoin d'un costume pour une mission.
Ne pas demander comment il sait cette information.
— Aurais-tu quelqu'un à me conseiller, c'est assez pressé et...
— Et t'as horreur de rester dans un magasin de jouets, rétorque-t-il immédiatement.
Je ferme les yeux.
— Je t'envoie le numéro d'un pro qui fait des merveilles dans des délais courts. Ne t'occupe pas pour le paiement, il me doit un service.
— Merci Léon.
— Attention à toi mercredi, je ne voudrais pas me faire botter le cul par le royal dès que je boufferai les racines.
Je coupe la communication. Souris en regardant le message s'afficher. Il a toujours un œil sur moi. Quoi que je fasse. Même en étant en mission, il a fait ses recherches et a ressenti le désespoir de me trouver dans ce que je hais le plus.
J'arrive à la caisse automatique, passe mes marchandises, paies puis sur l'air de la reine des neiges qui passe par les enceintes, je me sens enfin libéré, délivré.
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