Case 7 - Noël en sourdine
Elder
Les coudes posés sur le bureau, les mains tenant ma bouche, je fixe l'invitation sur mon écran. Chaque année, le caméléon me l'envoie. Chaque année, je la refuse. Cependant, cette année, il sera là. J'ai beau fuir, m'éloigner de lui, il me traque, me retrouve. Un signe ? Une ouverture dans la faille ? Un monde sombre où il est difficile de s'y glisser à part pour ceux qui savent comment en profiter.
L'occasion est parfaite.
J'appuie sur la touche pour la contacter. Elle décroche au bout de deux tonalités.
— Elder mon chou à la crème pâtissière, que me vaut l'honneur de ton appel.
— Bonjour à toi aussi Vera, réponds-je à sa joie. T'as reçu l'invitation du caméléon ?
— Sache que c'est moi qui lui envoie chaque année. Une occasion pour nous les hackeurs de se fondre dans la foule ni vu ni connu, et de profiter de récupérer des données.
Ne jamais se rendre dans un endroit sans y avoir des intentions cachées, le propre de notre métier. Mais cette soirée semble bien différente de ceux auxquels ils m'avaient convié jusqu'à présent. Une couverture pour Interpol, profitant des compétences de la panthère. Un terrain de jeu pour le caméléon qui joue sur deux terrains. Un monde que j'ai longtemps côtoyé et dont j'évite depuis quelques années.
— Alors tu fais dont de ta présence cette année ? quémande-t-elle en bout de ligne.
La seule occasion de le voir ne serait-ce que pour pirater son téléphone.
— Oui.
Je l'entends taper sur son bureau comme sur un tambour. Criant d'une voix aiguë, me perçant les tympans aux passages.
— Enfin, le caméléon va pouvoir rencontrer Elder, il n'attend que ça depuis que tu l'as contré sur son jeu pirate.
Un sourire s'affiche sur mon visage. Une humiliation d'un hackeur à un autre en bonne et due forme. Nous convenons du point de rendez-vous et des détails pour que je passe inaperçu aux yeux de mes ennemis.
— Bon, ça va être un point simple à gérer de ce côté, indique Vera. C'est une soirée déguisée, et ils sont plutôt bons joueurs à chaque fois.
— Parfait.
On met fin à la conversation. Mon regard se porte de nouveau sur l'écriture dorée de l'invitation : grande soirée annuelle de Noël, Paris, Four seasons hôtel Georges V. mercredi 11 décembre, 21h00.
Quelques jours de préparation, achat de billet d'avion, je quitte le japon pour me rendre sur place. Avec toutes mes précautions.
Maxine
Deux gamins qui se fait engueuler pour leurs conneries, voilà ce que nous sommes actuellement la perche et moi face au boss, assis devant son bureau. Il tient l'ardoise des décomptes de nos points, mais c'est souvent accompagné d'une rouste.
— Non, mais cette année vous avez mis la barre haute, ce n'est pas possible. En plus, vous y impliquez l'entourage, beugle-t-il rouge de colère.
Faut jamais énerver papa ours.
— D'un côté, Damien aime les couguars, murmuré-je en regardant le mur.
Sans compter sur ma manie à enfoncer le clou. Je reçois une tape à l'arrière de la tête.
— J'ai hésité de mettre la guirlande de bob l'éponge, j'aurais dû, réplique celui-ci.
— Assez ! hurle le boss en tapant du poing sur son bureau.
Il porte ses doigts sur ses paupières closes.
— Vous me fatiguez.
Or, je devine que Damien sourit autant que moi à cet instant. Des purges, voilà ce que nous sommes. Tobias s'assoit lourdement dans son fauteuil, en soufflant d'exaspération. Il attrape son paquet, s'allume une cigarette, puis attrape une pile de feuilles.
— Max, tu as reçu une nouvelle menace si je ne me trompe pas ?
Je tourne la tête vers lui, fronce les sourcils. Comment a-t-il su ?
— J'ai mes sources, répond-il à ma question silencieuse.
Fichtre. Une vraie caméra de surveillance le boss. Ses yeux se lèvent derrière ses feuilles.
— Une mission en duo vous attend mercredi prochain, j'ai pu vous obtenir des invitations à la soirée annuelle de Noël, tenue par un monde que nous connaissons bien.
— Si invitation il y a, nous ne pourrons pas nous planquer sur les toits, confirme la perche.
— Exact. Déguisement exigé, car soirée costumée. Ils ont leurs petits plaisirs, que voulez-vous, ricane le boss.
Je ne sais pas pourquoi, mais je crains le pire.
— La cible ? m'enquié-je en voulant détourner mon pressentiment.
— Vladimir Blagadov, le fils du second du parrain de la mafia russe.
Je n'arrive pas à retenir le rire qui s'échappe.
— L'un des frères Bogdanov a fait des bêtises ? rié-je de ma propre blague.
Le boss me fusille du regard avant de secouer la tête.
— Raison et façon, demande la perche en gardant son sérieux.
Quand sa parle boulot, il ne plaisante jamais. Rabat-joie. Ma langue claque mon palais.
— À coucher avec la femme de son chef.
Aouche. Pas bon signe ça.
— La façon, gorge tranchée, bien évidemment pendant qu'il s'envoie avec une poule de luxe.
Je tique.
S'il demande deux tueurs, ce n'est pas sans raison.
— Et à voir ta tête, tu devines très bien Max, la poule c'est toi.
Diantre.
— Et ma punition est que l'un choisit le costume de l'autre. La condition : Votre visage doit rester caché.
Double diantre.
La perche tourne son visage vers moi. Un large sourire édenté fait remonter ses fossettes.
Je suis dans la merde.
— La poule de luxe doit pouvoir planquer son arme, le prévins-je.
— T'inquiète pas pour ça, susurre la perche d'une voix profonde.
Je te maudis le boss.
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