Case 6 - Fantômes, Paillettes et Flingues

Maxine

Je nettoie mon arme avec précision, ruminant mon idée de vengeance envers celui qui a osé transformer mon studio en chalet du père Noël. Je vois rouge autant que le nez de Rudolf. Les noms des potentiels candidats tournent en boucle dans ma tête. Ginette n'aurait pas l'audace de m'affronter ainsi. Le boss, juste retour de la petite blague à Gertrude. La perche... Un sourire mauvais s'anime sur mon visage. Il n'y a que lui qui en serait capable.

— Crois-tu que tes amis seraient capables de te faire ce coup bas ?

Je redresse la tête de mon fusil. Scrute ma pièce avec minutie. Entendrais-je des voix ? Mes yeux se plissent. Mais à peine je reporte mon attention sur mon arme, la douce voix reprend la parole.

— Tu étais si heureuse auparavant.

Mon geste se fige. Heureuse ? Moi ?

— Nous n'avons pas la même conception du bonheur, baragouiné-je en me redressant.

Elle est là. Minuscule. Assise sur ma table. La peau livide. Une parfaite réplique de moi, enfant, souriant. Chaste. Pure. Innocente. Balançant ses jambes dans le vide. Me tendant la main. D'un mouvement automatique, sentant mon coeur se serrer, je la lui attrape. Une lumière blanche nous enveloppe, me ramenant dans un lointain passé. Un souvenir depuis longtemps enterré.

Une prairie. Une maison. Une famille regardant leur fille jouer à la poupée sur la terrasse. Une larme roule sur ma joue.

— Tu étais pleine de vie, sourit mini moi du passé.

Bien que je devrais ressentir de la nostalgie, de les revoir en vit. Se serrer l'un contre l'autre. Mes sentiments en sont tout autre. J'attrape mon beretta coincé dans la ceinture de mon jean, et le pointe sur la tempe de la gamine en retirant le cran de sécurité.

— Pour des bons souvenirs, on repassera, car le cauchemar qui s'en est suivi est plus ancré que ces traîtres ayant vendu leurs âmes à Lucifer.

Elle roule des yeux en soupirant.

— La prochaine fois que je dois rendre visite à une âme torturée, autant qu'il me file le manuel avant.

Un rictus s'affiche sur mon visage. C'est qu'elle a du caractère la petite. Elle claque des doigts, la lumière blanche nous enveloppe de nouveau et nous projette à mes quinze ans. Il est là, sirotant sa bière à la belle étoile. Une écharpe entourant son cou, un bonnet rouge sur sa tête et une doudoune épaisse. La neige à recouvert le jardin où je m'éclate à faire une bite de neige.

Il s'allume une cigarette et m'appelle pour que je le rejoigne. Mon moi du passé accourt à sa demande, tandis que je m'approche de lui en tendant la main. Un rêve que j'effleure du bout du doigt.

— J'aurais dû commencer par lui, murmure mini moi à elle-même.

Ce n'était pas mon premier Noël avec lui, mais ce fut le soir où il m'a offert ma première arme. Trois ans après m'avoir libéré de ce démon. Trois ans à m'apprivoiser et me chouchouter.

— Tu ne trouves pas que ça ressemble à Léon ? demande la moi du passé en pointant la bite de neige.

Il explose de rire. M'invite à prendre une photo autour de mon œuvre pour l'envoyer au destinataire. L'un de mes meilleurs souvenirs avec lui. Quand je ne le faisais pas tourner en bourrique.

— Rappelle-toi de ces moments de joie que tu partageais avec ton père et ta famille adoptive, ne plonge pas dans un cercle vicieux de vengeance et de sang.

— Ta gueule mini moi, laisse-moi profiter.

Elle souffle de nouveau.

— Tu es irrécupérable.

Et claque des doigts en effaçant le duo père, fille, qui trinque dans le froid, en me plantant au milieu de mon salon.

— Mini moi ? chuchoté-je frustré de ne plus la voir. Ramène-moi en arrière.

Silence. La garce. Je retourne vers ma mallette, en repensant à cet agréable rêve qui est si rare. Mon papa. Ma vie. Mon... Une musique joyeuse me vrille les oreilles. Je me retourne et tombe sur mon double.

Fichtre ! C'est quoi ce bordel ? Autant la gamine, je me disais que c'était un rêve, autant là je dois me payer une sacrée hallucination. Ils ont mis quoi dans les gâteaux ? Je n'aurais pas dû m'empiffrer avant d'en manger.

— Hello, je suis la toi du présent, chantonne-t-elle d'une voix guillerette.

Je confirme, ils ont poussé la drogue super loin. Un alter ego en tenue de bonne sœur rose pailleté, fredonnant des airs de fête, le tout en suçant un sucre d'orge. J'en suis bouche bée.

— Ferme la mâchoire Max, tu pourrais gober une mouche ou bien autre chose, rit-elle en glissant le sous-entendu.

Je secoue la tête pour reprendre mes esprits. Et cligne plusieurs fois des yeux.

— C'est quoi ce délire ?

— C'est Noël, ma chérie ! couine-t-elle sur excité, je suis là pour te montrer la joie des fêtes présente.

Mon cerveau bug. Hors service. Je n'arrive pas à réagir, surtout quand elle m'entraîne par la manche de mon pull et se met à chanter tout en descendant les escaliers de l'immeuble. Elle pousse la porte de l'entrée, puis on se retrouve dans le Torb'j en un clignement de paupière.

Vava fait son show devant les chiens aboyant sa prestation. Mais elle est vite dégagée de la scène par mon alter ego. Je tourne la tête vers le comptoir où j'aperçois la perche, un torchon sur l'épaule, versant de l'eau mousseuse sur le bar.

Et la c'est le drame.

Un flash mob grandeur nature, chantant et dansant en synchronisation avec la poule de la scène. Damien, debout sur le bar, se déhanchant avec le boss. Une comédie musicale version Noël. Là, sous mes yeux. Soit je me mets à rire, soit à pleurer. Cependant, mes yeux restent agrandis, figés, hébétés. Ma bouche ouverte, laissant la bave s'écouler. Dans un état second.

L'alter ego saute de la scène et s'approche de moi en sautillant.

— Profite de la vie Maxine, et croque là à pleine dent ! rit-elle en tapant dans ses mains. Et pour la petite info du bordel dans ton studio, c'est Damien qui l'a réalisé.

— Je le savais, m'écrié-je en levant le doigt.

Or, elle n'est plus là. Je suis de nouveau chez moi, seule. Il me faut impérativement une cigarette pour évacuer ce moment plus que gênant, voire choquant. D'un côté, j'ai de quoi me moquer de la perche.

J'attrape mon paquet, sors une blonde, l'allume, me retourne. Et c'est reparti. Cependant, l'ambiance est différente. Glaciale. La fumée de la cigarette envahit tout l'espace. Enveloppe mes meubles, mon studio, mon corps. Elle se disperse, me traînant dans un cimetière. Plusieurs pierres tombales s'alignent sous mon regard. Des voix se distinguent. Murmure. Pleure. Crache leurs venins.

— Cela l'a emporté.

— La vengeance est un plat qui se mange froid.

— Ça à fait un flop comme son ventre quand elle retirait sa gaine.

Cupide. Sanguinaire. Tarée. Assoiffée. Machiavélique. Le diable...

Je m'approche des voix, mais leurs ombres disparaissent quand je les atteins. Je me demande bien de qui ils parlent. La brume se déplace, laissant entrevoir un chemin, puis une silhouette se tenant au-dessus d'une tombe. Mes pas me guident silencieusement à son côté.

Sans surprises, mon reflet me projette sa tenue macabre. Ses lèvres colorées de noir. Sa peau blanche comme la neige. Une cape la recouvrant de la tête au pied, tenant une faucille dans la main. Le regard fixe sur la pierre.

— Si je suis la logique du délire que je vis, j'ai vu le passé que j'ai bien failli zigouiller. Le présent qui m'a fait faire un choc épileptique...

Je ne m'en remettrai jamais de ce passage.

— Donc tu dois être mon futur.

Elle hoche lentement la tête en silence.

— Qui se trouve sous terre pour qu'il ou elle soit si bien décrite.

Elle tend le doigt vers les inscriptions, pourtant, je ne regarde pas.

— Je voudrais bien savoir qui porte une gaine, insisté-je en détaillant son visage.

Son bras reste dans la même position. Mes yeux se portent enfin sur les écritures : Maxine Nyx, dit Max. Une tueuse avide de vengeance, battant le record de fumée sur les pompiers.

Ma tête se penche sur le côté, mes yeux se plissent.

Cupide. Sanguinaire. Tarée. Assoiffée. Machiavélique. Le diable... La mort.

Je lâche un gros soupir, et tourne ma tête vers mon futur. J'arque mes sourcils, toute en affichant un sourire innocent.

— La mort m'annonce ma mort, mais sache que la mort c'est moi. Elle ne m'attrape pas, je la devance à chaque fois.

Elle se tape le front dépité.

— Échec et math ! indiqué-je triomphante.

J'ouvre les yeux. Fixe mon plafond. Ce n'était qu'un rêve. Doux, choquant, exaltant. Mais m'apportant un indice précieux. Ne change pas, et va botter le cul de la perche.

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