Case 5 - Opération sucre d'orge

Damien

J'enfile mon pantalon à pince noir. Attache les pinces de mes bretelles noires que je laisse pendre en me rendant dans mon salon. Mes sacs sont disposés sur la table basse, tout le matériel est prêt pour la mission.

J'attrape mon paquet de Malboro, sors une cigarette que je coince entre mes lèvres et allume. La douceur de la vengeance à enfin sonné. Je me dirige vers le comptoir marbré, prends mon téléphone, puis compose un numéro.

— Caméléon rose à l'appareil que puis-je pour vous ange de l'extermination ? répond-il à la troisième tonalité.

— Une mission plus que banale. J'ai besoin de tes yeux et de tes oreilles.

— C'est comme si c'était fait, à partir de quelle heure ?

Je regarde ma montre et lui indique pour huit heures zéro, zéro. Quand je me mets à lui répondre comme un agent secret, il sait que même si la mission est simple, elle doit être minutieuse, au millimètre près. Je mets fin à la conversation, puis tire la dernière latte de ma cigarette avant de l'écraser dans le cendrier. Je me rends dans mon dressing et décroche l'une de mes chemises blanches du cintre, et l'enfile. Boutonnant chaque bouton avec une lenteur savoureuse en me fixant dans le miroir. Le reflet de mon regard noir me renvoie tout le sérieux et la jouissance que cette mission m'apportera.

Après avoir rabattu mes bretelles sur mes épaules et mis ma veste de costume noire, j'enfile mes chaussures lustrées. Je jette un regard sur la température extérieur, on avoisine les zéro degré. Temps couvert. Prévision de chute de neige. Je me dirige vers l'îlot central de mon dressing et y sors des gants en cuirs, une écharpe et un bonnet noir. De retour dans le salon, j'enfile ma veste. Attrape les sacs, et quitte mon appartement.

Tout un sifflotant un air de Carol of the Bells, je me dirige vers mon Alpin garé dans le parking privé des VIP. Je dépose les sacs à l'arrière, grimpe côté conducteur, insère la clé et démarre ma belle bombe aux courbes exquises. D'un crissement de pneu, je sors du parking, direction la cible.

Par chance à mon arrivée, une place se libère non loin du bâtiment. J'ouvre ma boite à gants, attrape mon oreillette que je positionne immédiatement.

Dix-neuf heures cinquante-cinq.

Je patiente sagement assis dans l'Alpine. Comme un mort. Contrôlant ma respiration à l'excitation de cette mission. Le stress gagnant peu de terrain.

Dix-neuf heures cinquante-huit.

La connexion s'établit avec mon hackeur favoris. Mon complice. Mes yeux et mes oreilles quand ma cible à une tendance nerveuse.

— Sucre d'orge sort de chez elle.

Un rictus s'affiche sur mon visage quand je me regarde dans le rétroviseur.

— Qu'en est-il de la mère Noël et de son renne ? interrogé-je en ajustant le col de ma veste.

— Elle ne bouge pas de sa position. L'opération peut commencer.

Je sors de ma voiture, attrape les sacs à l'arrière, puis me dirige vers le bâtiment. Le code est déjà craqué. Je n'ai qu'à pousser la porte. D'un pas sûr, et silencieux, je grimpe les marches menant à destination. Arrivée devant la porte, je glisse ma main dans la poche intérieure de ma veste, prends le nécessaire de crochetage, et attaque la manœuvre pour forcer la serrure. Le déclic m'annonce la réussite, la porte s'ouvre en grinçant, l'odeur de tabac froid me prend les narines.

— Je peux allumer la lumière ? demandé-je en entrant dans la pièce.

— Sucre d'orge est dans le métro, tu peux y aller.

J'appuie sur l'interrupteur, puis souffle d'exaspération quand je vois les immondices jonchant le sol et le bordel aux alentours.

— Faut vraiment qu'elle se trouve une femme de ménage, inspiré-je dépité.

— Elle prendrait la fuite en deux secondes, rit le caméléon.

C'est pas faux.

— Prévient moi dès que sucre d'orge est dans la zone.

— Avec ce que je lui ai confié en mission, elle ne sera pas de retour avant demain.

— Parfait !

Je pose les sacs sur la commode de l'entrée, puis défait et retire ma veste que j'accroche sur les crochets du mur. Première phase : Ranger, nettoyer, décrasser tout ce bordel. Ça ne tiendrait qu'à moi, le feu s'y propagerait déjà pour tout cramer. Mais ce bâtiment ne comporte pas qu'une seule locataire.

Deux heures s'écoulent ainsi où l'ange de l'extermination que je suis s'est transformé en monsieur propre. Maniaque que je suis, je me pose mille et une questions sur le fait qu'elle arrive à tacher le plafond avec de la bolognaise. J'aurais tout vu avec elle. Je profite de me griller une cigarette à la fenêtre une fois que tout a été nettoyé.

— Savoure, savoure, mon ange. J'ai entendu ta respiration tout le long, susurre le caméléon.

Je tire une latte.

— Et ça t'a excité ? demandé-je le regard perdu dans le ciel noir.

— Si tu savais, ce n'est plus pareil depuis que j'ai posé mes bagages en Corée. Je fais officiellement office de plante verte.

Le coin de mes lèvres s'étire.

— C'est vrai que ça fait longtemps que je ne t'ai pas arrosé.

Je l'entends s'étouffer dans l'oreillette. J'écrase ma cigarette dans mon cendrier portable, me retourne et attaque l'opération sucre d'orge. Tu vas prendre cher Maxine.

Maxine

J'avance à l'orée du levé du soleil dans les rues désertes de Paris. Tourne mon cou qui craque, bâille, et cligne des yeux en les ouvrant en grand. Le froid me pique les rétines et me chatouille le nez. Je me serai bien passé de cette mission de dernière minute, je voulais savourer la crise cardiaque de Gertrude en planque, mais j'ai eu une demande express. Et c'est le mois des contrats absurdes.

Quoique, celle-ci était rigolote, je devais buter le père Noël. Du moins, celui qui traînait sur la place Pigale et qui emmerdait les macs et leurs gagne-pains. Je sors mon téléphone de ma poche, envoie un SMS à Tobias pour lui acter la mission, puis arrive à mon immeuble.

J'ai les jambes en coton, et ne rêve que de compter mes moutons pour trouver grâce auprès du marchand de sable.

La montée des marches est longue et éreintante. C'est qu'il m'a fait courir le gaillard cette nuit. Dernier palier, ma porte est devant moi, mon souffle est chaotique. J'insère la clé dans la serrure, la tourne, ouvre. Je ferme les yeux en bâillant à m'en décrocher la mandibule, pose les clés sur ma commode, referme la porte. Me fige.

Une odeur me parvient aux narines. Je fronce les sourcils. Appuie sur l'interrupteur. Me retourne aussi sec.

— Diantre !

La vitrine de la galerie Lafayette a élu domicile dans mon studio. Des guirlandes agrafées aux murs clignotent de toutes les couleurs. Un sapin en plastique est posé dans un coin, décoré avec soin. On pourrait croire que les mères aux foyers des états unis se sont passé le mot pour me rendre visite.

Des plateaux de biscuits, richement décorés de sucre glace et de glaçage, sont disposés sur ma table. Du pain d'épice, de la cannelle, des guimauves, des sucres d'orge... Je ne sais plus où donner de la tête. Mon palpitant s'est momentanément arrêté.

Les draps de mon lit ont pris les couleurs de fête. Je me précipite vers ma salle d'eau. Des stickers de sucrerie ont envahi mon miroir et la paroi de ma douche. La rage commence à grimper en flèche. Je tourne la tête vers mon plafond. Me dit que ce n'est pas possible. Cependant, le doute m'habite. Je grimpe sur mon lit, pousse sur la trappe, attrape ma mallette que j'avais laissée ici. La pose sur mon lit et l'ouvre.

Mes yeux s'agrandissent d'effroi.

— Mon... Mon... non ! soufflé-je en tendant mes mains tremblant vers mon bébé.

Mon Artic Warfare Magnum Folding est recouvert de papier cadeau rayé blanc et rouge avec un gros nœud rouge et du bolduc. Mes boites de cartouche sont dans le même état. Mais le pire, c'est mon ordinateur qui décide de s'allumer tout seul, répandant la chanson de Tino Rossi : petit papa Noël. Mon nom s'affiche sur l'écran avec échec et math affiché en dessous.

Je hurle de colère contre la machine que j'explose contre le mur.

Damien

— Je t'envoie la vidéo avant que ça ait coupé ?

— Bien que sa réaction fut épique à travers les jumelles, je veux bien pouvoir remâter sa décomposition.

— Tu es sadique, rigole le caméléon dans l'oreillette.

— Si seulement, soufflé-je la fumée de ma cigarette, sur le toit en face de la fenêtre de Max. Si seulement.

Je disparais, retour à la maison. Opération sucre d'orge, actée !

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