Case 3- Secret Sale noël

Elder

La jambe remuant au rythme de la musique se diffusant dans mon casque, mes doigts pianotent sur le clavier. Plusieurs fenêtres et documents sont affichés sur mes écrans. Chaque année, à la même période, je reçois ce boulot. Une enveloppe numérique animée à envoyer. Une farce grotesque qui s'ouvre avec une musique digne d'un mauvais marché de Noël, suivie d'un message aussi lugubre qu'inutile : « Tu es la prochaine. »

La première fois, j'ai cru que c'était un piège. Je me suis plongé dans les commandes pour en comprendre l'origine, mais tout est parfaitement crypté, et le client reste insaisissable. Aucun contact direct, juste des instructions anonymes. Mais il paye bien, alors je m'exécute, sans poser de question. Au fond, ce n'est qu'une autre transaction dans l'obscurité du dark web. Un peu de beurre dans les épinards, pendant mes longues vacances de fuite pour échapper à mon géniteur.

Cette année ne fait pas exception. Je fixe l'écran, les doigts en suspension au-dessus du clavier. La commande est là, comme un rituel immuable. Cible : MAX. Un nom sans visage, sans contexte.

— Encore toi, soufflé-je en ouvrant le fichier contenant l'animation.

Un renne dansant apparaît brièvement, suivi d'une petite boîte qui s'ouvre, libérant les mots comme une menace enfantine : « Tu es la prochaine. »

Je secoue la tête, fatigué de cette mascarade. Pourquoi quelqu'un prendrait-il la peine de payer une somme si absurde juste pour envoyer ce genre d'alertes à des inconnus ? Et pourquoi toujours au moment de Noël ? Peut-être un sadique qui trouve du plaisir à gâcher les fêtes d'un autre. Peu importe. Je ne suis pas là pour juger, juste pour exécuter.

Je me connecte à un réseau que je sais sécurisé, scanne le fichier pour m'assurer qu'il n'y a pas de mouchards qui pourraient me trahir, puis entre l'adresse fournie par le client. Un clic, et l'enveloppe part.

— Joyeux Noël, marmonné-je en lançant le programme de nettoyage pour effacer mes traces.

Le boulot est fait, mais quelque chose me dérange cette année. Une sensation, presque une intuition. Pourquoi ce nom, Max, revient-il toujours ? Ce n'est pas la première fois que je le vois. Depuis trois ans, il est le seul cible de cette commande. À croire qu'il est pris dans un jeu bien plus grand que celui auquel je participe.

Je me penche en arrière sur ma chaise, les mains derrière la tête, les yeux fixés sur les lignes de code qui s'effacent peu à peu de mes écrans.

— T'es qui, Max ? murmuré-je à voix basse.

C'est une question que je ne devrais pas me poser. Ce n'est pas mon problème. Mais dans mon métier, la curiosité est un vice tenace. Je tape son nom dans un moteur de recherche spécialisé, à l'abri des regards. Pas de résultats. Aucun alias associé, aucune empreinte numérique significative. Soit elle est un fantôme, soit quelqu'un s'assure qu'elle le reste.

Maxine

— Bon maintenant que le bar est fermé et que la princesse nous fait enfin don de sa présence, nous allons pouvoir commencer le tirage au sort, annonce Tobias en déposant les pintes sur les tables.

Tout le beau petit monde est réuni pour notre traditionnel tirage au sort du secret sale Noël. Principe un peu dévié du jeu de base, gardant les mêmes règles, mais nous permettant de nous offrir les pires cadeaux qu'il soit. Tout en ne se faisant pas choper au moment de la distribution. J'ai un sourire pincé quand je repense à la poupée gonflable que j'ai offerte à Damien l'année dernière. Sa petite particularité étant qu'elle avait une tête de clown. Il a bien flippé quand il a fini de la gonfler.

— J'espère que Max ne va pas me tirer cette année, grommelle-t-il en me jetant un regard noir.

— Ça dépend de la manière dont tu veux être tiré, répliqué-je en me penchant en avant avec un large sourire.

— Stop !

Papa ours, pas content. Si on continue comme ça, papa ours nous mettra au coin, c'est sa spécialité. J'attrape ma pinte et la porte à mes lèvres. On est en petit comité, les principales têtes du bar : Tobias, Ginette, la perche et moi. En plus de quelques serveuses qui aiment ce genre de jeu entre nous et Vava.

— Nouvelle règle cette année, annonce joyeusement le boss, le cadeau à offrir sera affiché avec le nom associé.

Diantre ! Pourquoi une telle punition ?

— Au moins, je serais sûr de ne pas recevoir de clowns cette année, ricane la perche.

Zut, j'avais plein d'idée pour lui en ce rapport. Je maudis le con qui a soumis cette idée au boss. Chacun se lève à son tour pour aller écrire son nom et son souhait de présent au comptoir avant de glisser leurs bouts de papier plié dans l'urne disposée à côté. Viens mon tour, avec aucune idée en tête. À part des armes. Mais cela resterait un beau cadeau, je ne vois pas comment cela pourrait être tourné à mon désavantage.

La tête posée contre mon poing, le stylo cogne contre nerveusement sur le bar. Aucune suggestion ne me vient. Le vide. Le néant. Quand il s'agit des autres, sa fuse à cent à l'heure, mais pour moi le silence règne. Si un objet en particulier ne me tente pas, autant partir sur la bouffe. C'est parti pour la minute de réflexion.

Nourriture. Noël. Une envie particulière. Qu'est-ce que je ne mange pas généralement en symbolisme avec cette fête ? L'ampoule s'allume dans mon cerveau et note mon souhait sur le papier avec un sourire triomphant : une dinde. Allez-y, celui qui tombera dessus aura très peu de possibilités entre m'offrir l'animal vivant ou l'animal mort. Voir un poulet en caoutchouc qui couine. Je glisse mon papier dans la fente et déclare haut et fort :

— À voter !

Les derniers passes, puis le boss ramène l'urne en la secouant comme un shaker.

— Petit rappel, si vous tombez sur votre nom, vous remettez le papier et vous repiochez, bien sûr, tout le monde ferme les yeux pendant le tirage, informe Tobias avant d'ajouter, je commence pour superviser la suite.

Nous fermons tous les yeux pendant qu'il ouvre l'urne, puis je l'entends farfouiller dans la boîte. Son petit rire sournois nous indique qu'il a tiré le jackpot. Il appelle ensuite la personne suivante qui tire à son tour. Jusqu'à dire mon nom.

— J'ai bien cru que j'allais prendre racine sur la chaise, râlé-je en me levant.

Nous ne sommes plus beaucoup à passer. Je me penche au-dessus de la table et tire le papier, puis le déplie. Au grand dam, je tombe sur Vava et sans avoir à le deviner, elle y a mis sa passion : les licornes. Bordel ! Ça va être compliqué.

Les derniers tirent leurs papiers. Certains sont en mode réflexion pour trouver comment détourner le souhait, quand d'autres, leurs sourires sournois trahissent déjà leurs cerveaux en ébullition. Pour ma part, Vava me file du fil à retordre. Un secret sale Noël, comme on les aime. Nous levons nos pintes et trinquons à celui qui fera pleurer ou enrager son prochain. Le défi est lancé. 

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top