Case 21 - Cadeaux pourris, mais émotions garanties

Maxine

Le Torb'J est méconnaissable. Fermé au public, il s'est transformé en une grotte de débauche festive. Les guirlandes lumineuses clignotent frénétiquement, probablement prêtes à rendre l'âme à force de clignoter dans un rythme épileptique. Un sapin bancal trône au centre, ornementé d'une manière si chaotique qu'on pourrait croire qu'un enfant aveugle et en colère l'a décoré. Sous ce sapin, un tas de paquets colorés s'accumule des cadeaux aussi menaçants que mystérieux.

Le principe est simple : chacun d'entre nous a pioché un nom et un thème de cadeau. Mais ici, pas question de féliciter la créativité ou d'échanger des éloges. Non, le but est de ravager les nerfs de la personne qui ouvre le paquet. Et connaissant la bande, personne n'y échappera.

Je sirote ma bière, adossée au bar, observant ce joyeux bordel avec l'enthousiasme d'une hyène prête à bondir. Tobias, le boss, joue au maître de cérémonie, son habit de père Noël mal ajusté et sa barbe synthétique le faisant ressembler à un ours polaire dépressif. Damien, alias la perche, arbore son sourire narquois habituel à croire qu'il est incapable d'avoir une expression normale. Ginette, avec son pull de Noël lumineux, tire sur sa clope comme si c'était la seule chose qui pouvait la maintenir en vie. Et puis, il y a Vava, la diva du Torb'j, dont l'excitation est aussi insupportable qu'une chanson de Mariah Carey en boucle.

Le boss tape dans ses mains pour capter notre attention.

— Bon, bande de bras cassés, vous connaissez les règles ! Les cadeaux sont au pied du sapin. Personne ne sait qui a offert quoi, mais croyez-moi, ça va être épique !

Un silence s'installe, lourd de promesses.

Le premier à s'avancer est la perche. Bien sûr que ce serait lui. Ce mec aime attirer l'attention plus que n'importe qui.

— Allez, Damien, montre-nous ce que tu vaux, lance Ginette, le menton relevé, une clope coincée entre ses doigts.

Il attrape un paquet rectangulaire, aussi discret qu'un éléphant dans un magasin de porcelaine. Il déchire le papier avec une précision irritante, révélant un étui noir. Tout le monde se penche légèrement, curieux.

— Oh, qu'est-ce qu'on a là... commence Tobias, un sourire narquois aux lèvres.

Ouvre l'étui pour découvrir un couteau en céramique bon marché avec « Uriel, ange de l'extermination » gravé dans une police Comic sans.

— Ça... c'est une blague ?

La salle éclate de rire. Moi, y compris. Tobias, qui ne peut pas résister à l'envie d'en rajouter, agite son verre de vodka.

— Pas du tout. Un outil de qualité pour couper les tomates ET les têtes. Double usage.

Damien serre la mâchoire, les sourcils froncés. Mais il ne dit rien. Il sait qu'il ne peut pas gagner contre Tobias dans ce genre de joutes. Il referme l'étui, le pose à côté et se sert un verre pour digérer l'humiliation.

— Au suivant ! clame le boss, toujours hilare.

Je m'approche du sapin et attrape un paquet rectangulaire. L'emballage est trop soigné pour que ce soit honnête. Je déchire le papier pour découvrir un cadre doré. Mon cœur rate un battement.

La photo encadrée est... Diantre !

La fameuse photo que la perche a prise de moi lors de la punition. En sous-vêtements, une dinde rôtie recouvrant ma tête, et des guirlandes lumineuses enroulées autour de mon corps. Mon sang bouillonne.

— Qui est le fumier qui a osé ?

Je redresse la tête pour fusiller la perche du regard. Il lève les mains pour se dédouaner. Cependant, Ginette explose de rire, la tête contre le comptoir.

— C'était toi ? Comment t'as eu cette photo ! hurlé-je.

— J'ai mes sources, et certaines connaissances pour pirater le téléphone de Damien.

Je me décompose. La perche s'est également fait humilier en parallèle. Hors de question que je garde ce cadre. Il va finir dans un feu de joie.

— J'espère que tu as une bonne assurance vie Ginette, grommelé-je en attrapant ma bière.

Les autres continuent de rire, tandis que Vava la Valentina sautille en direction du sapin. Son humeur joyeuse s'efface quand elle n'aperçoit pas de cadeaux assez volumineux pour contenir ce qu'elle souhaite. Je m'allume une cigarette quand elle attrape enfin son paquet. Savourant d'avance son état. Balayant mon humiliation d'avant.

Elle l'ouvre. Découvre la boîte richement décorée. Une odeur s'en dégage. En même temps, ça fait deux heures que c'est sorti du réfrigérateur. Vava retire le couvercle et son expression se décompose en même temps que mon sourire s'élargit.

— Quoi... c'est... c'est une LICORNE ?! s'étrangle-t-elle, avant de réaliser que la corne multicolore est plantée dans un steak de cheval couvert de paillettes.

— C'est ta licorne. Bonne dégustation, réponds-je avec un sourire machiavélique.

Elle hurle, ses larmes aux yeux.

— Tu es horrible Max, me reproche Ginette en se levant pour consoler Vava.

Ah c'est vrai, pas touche aux danseuses, mais c'était trop tentant. Tobias lui s'écroule de sa chaise, les larmes aux yeux. Il va nous faire une syncope avant la fin de la distribution à se train là.

— J'avoue tu as fait fort sur ce coup, je n'aurais pas pu égaler ce niveau, me murmure la perche à mes côtés.

Il aurait pu l'égaler, mais dans un autre domaine. Vava fuit les lieux du crime et en pleure. Il en faut toujours un qui n'apprécie pas nos cadeaux. D'où le fait que l'on devient de moins en moins nombreux chaque année.

Le boss tape sur ses cuisses et se lève à son tour. Il ouvre son paquet avec l'enthousiasme d'un gamin. Il en sort une bouteille de vodka... ou du moins, ce qui semble être de la vodka. L'étiquette artisanale proclame fièrement : Pour désinfecter ton humeur. Bonne chance avec ton foie. La bouteille est à moitié pleine et son contenu a une teinte douteuse, oscillant entre le jaune et le vert.

Tobias secoue la bouteille en souriant.

— Ginette, c'est toi qui as fait ça, hein ? lance-t-il.

— Pourquoi moi ? rétorque Ginette, faussement indignée.

La serveuse à côté se trahit en étouffant un rire nerveux. Tobias la fixe un instant, puis éclate de rire.

— Allez, santé ! déclare-t-il, avant de vider une gorgée... et de recracher immédiatement.

Nous explosons de rire devant ce spectacle. Prêt à s'essayer à tout, celui-ci, il ne pourra pas l'avaler.

C'est au tour de Ginette. Elle s'approche, sceptique, et saisit un paquet rond enveloppé dans un papier violet brillant. Elle déchire l'emballage et découvre... une trousse de maquillage d'un rose criard, ornée de strass collés à la va-vite. Le contenu ? Une collection douteuse de rouges à lèvres et fards aux teintes improbables : bleu électrique, orange néon, et vert acide.

Ginette éclate de rire en ouvrant un rouge à lèvres qui se brise immédiatement.

— Sérieusement ? Qui m'a collé ce truc ?

Personne ne répond, mais tout le monde rigole.

— C'est parfait pour toi, lance Damien en ricanant. Enfin, si tu veux ressembler à une voiture volée.

Elle le fusille du regard, mais son sourire reste. Elle attrape une cigarette et se détourne, marmonnant : les p'tits cons.

— Oh j'aurais bien voulu avoir son thème, j'aurais pu trouver mieux, me moqué-je en écrasant ma cigarette.

— Avec du cambouis pour le fard à paupière, rétorque la perche en me donnant un coup de coude.

On échange un regard de sous-entendu. Nos rictus s'affichent. On se serre la main.

— Alliance l'année prochaine ? demandé-je.

— Tu as lu dans mes pensées.

Les derniers cadeaux reçus par les serveuses restantes. Un carnet avec des bons de massage dans une boutique plus que douteuse. Je ne pense pas qu'elle en ressortira relaxée. Quant à l'autre, une tête de mort en résine transparente avec une photo de son chat à l'intérieur.

Nous avons été plus qu'inspiré cette année. Et dans la joie, la bonne humeur et les pleurs, nous trinquons à la fin de cette édition de sale secret Noël. 

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