Maxine
Je claque la porte de mon appartement, un sac de boucherie à la main. Le papier brun est taché de jus, et l'odeur métallique de la viande flotte déjà dans l'air. Le boucher n'a pas posé de question, bien sûr. Pourquoi le ferait-il ? Mais il aurait peut-être hésité s'il savait que ce qu'il m'a vendu allait finir sous une couche de paillettes.
Je dépose le sac sur la table de la cuisine, allume une cigarette et m'assois. L'idée me fait sourire : une boîte décorée, un écrin de velours, et au centre... surprise garantie.
Je sors les fournitures : une boîte en bois brut, de la peinture rouge vif, et un pot de paillettes multicolores qui auraient fait pleurer n'importe quel décorateur de sapin. Mes talents artistiques sont... discutables, mais ce n'est pas une excuse pour bâcler mon chef-d'œuvre.
Je commence par peindre la boîte. La première couche est catastrophique : des coulures partout, des empreintes de doigts sur les bords. Tant pis, ça ajoute du charme. Je passe à la décoration intérieure, collant un morceau de velours noir au fond. La colle me colle aux doigts, et je jure en silence.
— C'est toi ou moi, foutu morceau de tissu, marmonné-je, avant de forcer le tout en place.
Je prends une bouffée de ma cigarette, la fumée m'aidant à réfléchir. La pièce maîtresse arrive. Le morceau de viande. Je le sors avec précaution, comme s'il s'agissait d'un joyau, et le pose au centre du velours. Il est épais, sa texture crue capturant parfaitement la lumière blafarde de ma lampe de cuisine.
Maintenant, la touche finale : la corne de licorne. Un accessoire multicolore en plastique, probablement conçu pour un anniversaire d'enfant que j'arrache sans ménagement du serre-tête et qui trouvera ici une nouvelle vocation. Je l'enfonce dans la viande avec une précision chirurgicale.
Paillettes. Beaucoup de paillettes. Que je saupoudre en explosant de rires ! Machiavélique. Dérangée. Prête à enfermer dans un asile. Elles recouvrent le steak comme un manteau scintillant. Le résultat ? Une abomination festive qui ferait frissonner même les plus grands maîtres de l'art contemporain.
Je referme la boîte avec soin. Vava va hurler. J'ai hâte d'être à demain.
Damien
La nuit est glaciale, et la place où les manifestants se sont réunis est déserte, à part quelques lampadaires qui vacillent. La mission est simple, en théorie : tuer trois gars déguisés en elfes, semant le chaos dans un parc d'attractions. Une mission standard, rien de trop complexe. Et pourtant... quelque chose cloche.
J'ajuste mon oreillette, scrutant les environs. Je les vois enfin. Trois silhouettes se détachent dans l'ombre. Leurs costumes de Noël sont grotesques : des masques de clowns exagérément souriants, des grelots qui tintent à chaque pas, et du maquillage dégoulinant. Une vision tirée directement de mes cauchemars.
Je déglutis. La sueur commence à perler sous mon col, malgré le froid. C'est idiot. Je ne devrais pas réagir comme ça. Ce sont juste des clowns. Rien de plus.
Je m'approche avec précaution, ma lame prête, mais dissimulée. Le premier clown tourne la tête brusquement, son masque de sourire figé, braqué dans ma direction. Mon cœur rate un battement. Je serre les dents, m'efforçant de rester concentré.
— OK, les gars, dis-je d'un ton ferme, on remballe le cirque et on rentre à la maison.
Le clown ne bouge pas. Un grelot tinte faiblement. Puis un rire retentit, aigu, strident. Cela vient de derrière moi. Je me retourne d'un coup, mais il n'y a rien. Juste le vent.
Le deuxième clown s'avance. Il tient un faux cadeau dans les mains, qu'il tend vers moi. Instinctivement, je recule.
— Qu'est-ce que c'est que ce bordel ? murmuré-je, la panique montant.
Ils avancent, lentement, leurs grelots et leurs rires résonnant dans la nuit. Ma main tremble alors que je lève mon arme. L'un d'eux tire un pistolet à eau et m'arrose de liquide rouge. Mon esprit vacille. Le sang factice dégouline sur ma veste, mais dans ma tête, c'est réel.
— Ne faites pas ça, grogné-je, ma voix trahissant ma nervosité.
Un autre rire éclate, cette fois accompagné d'une musique mécanique. Un orgue de barbarie miniature posé près d'un banc se met à jouer « Douce nuit ». L'atmosphère est irréelle. Je recule, mes chaussures glissant sur le pavé. Les trois clowns se rapprochent, leurs masques illuminés par des LED.
Je perds patience. Je lance mon couteau. La lame tourne avant de se planter dans la tête de l'un d'eux, perçant le masque du clown. Mais en dessous... un autre masque, identique, apparaît. Mon souffle se coupe. Je recule encore, trébuchant presque.
Et puis, comme un éclair, je comprends. Ce n'est pas une mission ordinaire. C'est Maxine. Elle est derrière tout ça. Je devrais être en colère, mais la peur étouffe toute autre émotion. Ces clowns, ces masques, cette ambiance... Elle savait. Elle sait que je détestais les clowns, que leur présence me paralyse.
Inconsciemment je ris jaune. Lorsqu'un grelot roule à mes pieds. Je le regarde avec une horreur muette.
— Max, grogné-je entre mes dents, serrant mon arme.
Les clowns éclatent de rire une dernière fois avant de disparaître dans l'ombre. Tout ce qu'ils laissent derrière eux, c'est le chaos dans ma tête et une carte posée sur un banc :
« Revers tu l'auras, dix points pour moi. »
Je déchire la carte en deux, ma respiration saccadée. Elle va me le payer. Mais pas maintenant. Pas ici. Je dois d'abord sortir de cet enfer. Sauf qu'ils reviennent à la charge. Me faisant hurler comme une fillette.
L'un des clowns s'approche rapidement, mais avant de m'atteindre, il tombe raide mort. Une balle dans le cœur. Les deux autres se retournent. Scrute les alentours. S'affaisse après un impact dans leurs costumes.
Je tremble de peur, de rage et de soulagement. Sortant de l'ombre, mon ami Tony. Un fusil sur l'épaule. Un sourire remonté aux oreilles. Il m'aide à me relever en me tendant sa main.
— Ton cri était magnifique.
— Ta gueule, rétorqué-je en m'époussetant le pantalon. Comment tu as su que j'étais là ?
Il pose son fusil contre le pavé et s'appuie dessus.
— J'ai vu le commanditaire de la mission. Il m'a dit que le tueur qu'il avait engagé ne pouvait pas honorer le contrat et l'avait transmis à son collègue. D'une logique à l'autre, j'ai deviné que le collègue en question était toi.
Je serre les poings.
— Ah d'ailleurs, commence-t-il.
Il me tend un paquet entamé de guimauve.
— C'était devant ta porte, et viens de sucre d'orge.
Je vais la tuer !
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top