Maxine
Mon téléphone vibre sur ma table de chevet. Je me tourne sous la couette, grognant face à la courte nuit que j'ai eue. Mes moutons ne m'ont pas apporté la grâce du marchand de sable. Je tends ma main hors des couvertures et attrape mon portable. Je glisse mon doigt sur l'écran, la luminosité m'éclate les rétines.
Un message. Même format. Une enveloppe avec une chanson de Noël. Cette année, il me gâte. Mon lanceur d'alerte m'en envoie un deuxième.
« Le marchand de glace est dans la place. »
Six mots. Pas un de plus. Et pourtant, ils frappent comme un coup de poing. Ce style cryptique, cette absurdité assumée... Cela ne peut être que Léon.
Un soupir m'échappe. Léon, cet ancien tueur à gages reconverti en hackeur insaisissable. Un mélange de protecteurs, de mentors et de casse-pieds chronique. Et s'il est à Paris, c'est que quelque chose se prépare. Je tente de le contacter, mais il ne répond pas. Ou plutôt, la ligne n'est plus en service.
Je soupire. Sors de mon lit. M'allume une cigarette et me rend à l'évidence. Mes sourcils se froncent. Léon aime lancer des défis. Et le message parle de glace. Je me dirige vers mon ordinateur, ouvre une page internet et effectue des recherches. Je trouve un food truck étrange appelé La Glace de Rudolph, garé près d'un marché de Noël sur les Champs-Élysées. La description mentionne des cornets de glace « festifs » décorés de paillettes comestibles. Je grimace.
Rapidement, je me lave. M'habille. Attrape mon sac et glisse mon beretta dans mon jean. Puis quitte mon studio.
Quand j'arrive sur place, l'air est saturé d'odeurs de vin chaud et de cannelle. Des enfants courent partout, leurs rires m'agacent déjà. Le stand est facile à repérer : un père Noël ventru sert des glaces en chantant des chansons de Noël. L'horreur.
— Un indice, grogné-je en approchant du stand.
Le père Noël me dévisage, interloqué.
— Euh... vous voulez une glace, madame ?
— Non. Je veux savoir pourquoi ce camion est ici.
Il hésite, puis me tend un cornet de glace rouge et blanc.
— Grande Roue, murmure-t-il en fixant un point derrière moi.
Je prends la glace, ignore le garçon qui pleurniche à côté de moi après avoir fait tomber son cornet, et m'éloigne. Une partie de moi espère que Léon s'étouffera avec ses propres indices.
Je me dirige vers la Grande Roue, un monstre scintillant planté au centre du marché. À sa base, un elfe en plastique clignote frénétiquement. En regardant de plus près, je trouve un mot attaché à sa main :
« Les réponses se cachent dans le rouge et blanc. »
— Rouge comme mon sang qui bout, et blanc comme la page vide que Léon aurait dû remplir avec des explications, murmuré-je sarcastique.
Mes yeux balayent les environs et tombent sur un carrousel décoré des mêmes couleurs. Les chevaux peints et les rennes sautillants sont insupportables, mais je monte sur l'un d'eux, parce que, bien sûr, Léon ne peut pas se contenter de simplicité.
Sous la selle, je trouve un autre indice :
« Dernière étape : où reposent les secrets de glace. »
Je descends du carrousel, mon humeur aussi glaciale que l'air hivernal.
L'indice est clair, mais aussi sinistre. Une chambre froide. Mais laquelle ? Après une réflexion rapide et quelques appels à des contacts peu recommandables, j'apprends qu'un établissement funéraire proche utilise une ancienne morgue pour ses services. La pièce mortuaire correspondrait à la glace. Charmant.
J'arrive devant un bâtiment austère, décoré malgré tout d'une guirlande lumineuse ridicule. À l'intérieur, le réceptionniste me fixe avec curiosité, mais je l'ignore et m'enfonce dans les couloirs jusqu'à trouver une porte portant l'inscription : chambre froide.
L'air glacé me frappe dès que j'entre. Les tiroirs en acier brillant évoquent un calendrier de l'avent morbide. En plein centre de la pièce, un tiroir est ouvert. À l'intérieur, pas de corps, mais une boîte cadeau enveloppée de papier rouge et blanc. Je la prends avec précaution, mes doigts engourdis par le froid.
Je déchire le papier, les mains tremblantes, et découvre une boîte en bois. Gravée dessus : pour Maxine. Le royal.
Je reste immobile, le souffle court. Cela fait des années que mon père adoptif est mort, et pourtant cette boîte... cette écriture... tout est authentique. Je l'ouvre avec précaution. À l'intérieur, un warfare folding première génération. Posé dans son écrin. Sans un mot. Cependant, c'est bien le sien.
Je m'assois lourdement sur le sol glacé, incapable de bouger. Le froid me mord la peau, mais je n'y prête pas attention. Une partie de moi veut pleurer, mais les larmes ne viennent pas. Mon père, même dans la mort, a trouvé un moyen de m'atteindre.
Et Léon. Il savait. Il m'a amenée ici.
Je sors de la chambre froide, la boîte en bois serrée contre moi. La colère et la gratitude se mêlent en moi dans un mélange étrange. Léon a joué avec moi, mais pour une fois, ce n'était pas pour me manipuler. Peut-être.
Dans la rue, je regarde les lumières scintillantes et les enfants émerveillés. Cette fois, je ne fais pas pleurer de gamins. Pas encore.
Je prends mon téléphone et compose un message crypté pour Léon.
« Trouvée. Pourquoi ? »
Je l'envoie, sachant qu'il ne répondra probablement pas. Mais quelque part, je sens qu'il attend la prochaine partie.
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