Case 17 - Froid comme la glace
Elder
De retour à Tokyo, je m'installe devant mon ordinateur, la lumière du matin perçant à peine à travers les stores. L'appartement est silencieux, mais mon esprit tourne à toute vitesse. Depuis que je suis rentré, je n'ai qu'une obsession : retrouver cette femme. Cette énigme armée et masquée qui m'a échappé.
Ni son nom, ni son visage, ni sa véritable identité. Rien.
J'ai passé des heures à fouiller dans les moindres recoins des fichiers que j'ai pu récupérer à Paris, mais tout mène à une impasse. Les données sont corrompues, effacées. Quelqu'un de bien plus doué que moi a couvert ses traces. Je déteste l'admettre, mais je vais avoir besoin d'aide.
La panthère accepte rarement de m'aider directement. Elle préfère faire semblant d'être occupée à Interpol, alors que tout le monde sait qu'elle passe la majorité de son temps à jongler entre ses passions pour les chats et les vieux films d'espionnage. Quant au Caméléon, l'ombre insaisissable... il a ce don agaçant de savoir bien plus qu'il n'en dit.
Pour les contacter, je n'ai qu'une option : Frost Wars. Un jeu vidéo grotesque où des elfes de Noël combattent des lutins pour sauver des sapins enchantés. C'est là qu'ils se retrouvent pour discuter de leurs affaires secrètes, sous couvert de massacres festifs. Je soupire en lançant le jeu.
L'écran de chargement est déjà un affront : un Père Noël obèse armé d'un fusil à pompe éclate de rire en arrière-plan. Le genre de truc que Vera adore.
Je rejoins leur partie.
Sur l'écran, mon avatar, un bonhomme de neige équipé d'un lance-flammes, se matérialise dans un décor de Noël enneigé. Devant moi, un elfe vert, qui pourrait bien être Vera, pulvérise un groupe de lutins explosifs avec une précision insultante.
— T'es en retard, Elder, dit une voix dans mon casque. Le ton moqueur de la panthère ne laisse aucun doute.
— Je bossais, rétorqué-je en soupirant. Certains d'entre nous ont encore des vraies responsabilités.
— Oh, monsieur est jaloux que je sois payée à jouer, ricane-t-elle.
Un autre avatar se joint à nous. Un renne fluo, ridiculement grand, armé d'un lance-neige. Le Caméléon. Bien sûr qu'il choisirait l'option la plus absurde.
— Qu'est-ce qu'il veut ? demande le renne, sa voix basse et mesurée trahissant son irritation. On a autre chose à faire que de sauver des sapins avec toi.
— J'ai besoin d'informations, dis-je en tirant sur un lutin qui s'approche trop près. Une femme. Masque vénitien. Armée. Présente au bal de de Noël.
Vera éclate de rire dans mon oreillette.
— Elder, tu viens de décrire la moitié des tueurs à gages d'Europe. Tu veux aussi son signe astrologique tant qu'on y est ?
Je serre les dents.
— Elle avait des lentilles bleues. Des armes discrètes aux cuisses. Quelqu'un a effacé toutes ses traces dans les fichiers. Ce n'était pas automatique. C'est un travail de pro.
— Oh, intéressant, dit le Caméléon, tirant sur un groupe de lutins. Donc, tu t'es fait doubler par quelqu'un de meilleur que toi. Ça ne change pas.
Je l'ignore, fixant mon écran.
— la panthère, tu peux chercher dans les fichiers d'Interpol ? demandé-je.
— Tu veux que je fasse ça pour toi, pendant que toi, tu joues à l'elfe vengeur ? Je t'aime bien, Elder, mais je ne bosse pas gratuitement.
— Des informations contre un chat rare pour ta collection, proposé-je.
— Marché conclu, répond-elle sans hésiter. Je regarde ça après cette manche.
Pendant ce temps, le Caméléon reste silencieux, ce qui est toujours suspect. Son avatar glisse dans l'ombre, éliminant des ennemis avec une précision déconcertante.
— Toi, dis-je en le suivant, tu sembles étrangement calme pour quelqu'un qui ne sait rien.
Il s'arrête.
— Je sais que tu n'abandonneras pas. C'est ce qui fait ta force. Mais aussi ta faiblesse.
Je déteste quand il parle comme ça, cryptique et paternaliste.
— Donc, tu sais qui c'est ? insisté-je.
Il ne répond pas immédiatement, éliminant un lutin explosif d'un tir parfait.
— Peut-être. Peut-être pas. Mais ce n'est pas moi qui ai effacé ses traces.
— Si tu sais quelque chose et que tu ne le dis pas, je te retrouverai.
— Elder, tu as toujours cru que tu pouvais tout contrôler, mais cette femme... elle est différente. Crois-moi. Et arrête de chercher, ça pourrait te coûter cher.
Je sens ma frustration monter. Il sait. Je le sens. Mais comme toujours, il préfère jouer à son petit jeu.
— Et toi, la panthère ? demandé-je, espérant détourner l'attention.
— Je n'ai rien encore, répond-elle, entre deux tirs. Mais je peux te dire une chose : si quelqu'un l'a protégée de cette manière, c'est qu'elle a des alliés puissants. Et toi, tu es tout seul.
Je quitte la partie sans prévenir. Mon écran s'assombrit, mais leurs mots restent gravés dans mon esprit. Je pousse un long soupir en m'enfonçant dans mon siège. Fermant les yeux exaspéré.
Un bip sonore retentit. J'ouvre les yeux. Une notification. Le clic sur le message. De nouveau le même client, mais nouveauté de la saison, il a un deuxième message à transmettre, toujours sous le même format.
Mécaniquement, je me connecte à mon logiciel, trouve une enveloppe électronique dans le thème festif, écrit le message : Le marchand de glace est dans la place. L'envoie. Je reçois immédiatement le virement, puis son message, le destinataire, tout disparaît. J'éteins ma machine, fatigué, puis me rend dans ma chambre pour m'allonger, l'esprit en proie au doute.
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