Case 16 - Les stigmates du sapin
Maxine
Je me réveille en sursaut, la tête lourde, les muscles endoloris. L'air froid de mon appartement mord ma peau nue, exposée là où la perche a soigneusement laissé des souvenirs. Mon propre corps est un arbre de Noël mutilé, une œuvre qu'il a soigneusement sculptée pour son plaisir sadique. Tout est là. Même les vêtements que j'ai enfilés en urgence après qu'il m'ait relâché ne suffisent pas à masquer les stigmates de cette nuit.
Et cette foutue chanson. All I Want for Christmas Is You. Elle tourne encore dans ma tête, comme un disque rayé gravé dans mon cerveau. Je serre les dents. Si je devais revoir Mariah Carey en personne, je crois que je lui ferais avaler un micro. Le réveil ne fait qu'amplifier ma frustration. Je suis une boule de rage prête à exploser.
Je me redresse péniblement, chaque mouvement réveillant un souvenir douloureux. Puis me dirige dans la salle d'eau. Chaque centimètre de mon corps est une carte détaillée de la torture de Damien. Des traces violacées de ses morsures ornent mon cou, mes épaules, ma poitrine. Mes poignets et mes chevilles, ligotés par ses guirlandes, sont rougis, avec des marques de frottement qui me brûlent à chaque pas. Je jette un regard rapide à mes hanches : des empreintes de doigts sombres s'y dessinent encore. Ce fumier a pris soin de laisser une signature. Un Rembrandt moderne, version sadique et sans scrupule.
Je cligne des yeux et me détourne brusquement. Pas question de me laisser abattre. Pas maintenant. Mais chaque pas que je fais semble me rappeler ce qui s'est passé. Mes jambes tremblent encore, et mes muscles hurlent à l'effort, comme pour me rappeler : Ne jamais sous-estimer la perche. Et aller voir un médecin ? Mes lèvres se pincent. Non, merci. Les blouses blanches et moi, on ne partage pas le même humour.
Je fouille dans ma trousse de secours. L'alcool pique sur mes plaies, mais la douleur est étrangement satisfaisante. Une partie de moi se dit que je devrais être habituée, que ce genre de connerie fait partie du package de ma vie. Mais là, Damien a dépassé les bornes.
Le silence dans l'appartement me pèse. Alors, j'allume la radio, espérant combler le vide. Une erreur. Les premières notes de Jingle Bells explosent dans la pièce, et je l'éteins d'un geste rageur. Cette ambiance festive m'insupporte. Elle me rappelle que Damien a utilisé Noël comme arme contre moi. Les guirlandes, la chanson, tout. C'est lui qui devrait être cloué à un sapin.
Je m'assois à la table, une tasse de café tiède devant moi, une cigarette coincée entre les doigts. La fumée m'irrite la gorge, mais ça m'apaise. Je tente de calmer mon esprit, mais mes pensées tournent en boucle. Une seule idée persiste : il va payer. Pas dans six mois, pas dans un an. Maintenant. Damien a réveillé le mauvais esprit de Noël, et il va en avoir pour son argent.
Mon téléphone vibre sur la table. Une notification d'un réseau obscur où j'accepte parfois des contrats. Les détails apparaissent sur l'écran : neutraliser un groupe d'anciens employés déguisés en clowns qui sabotent un parc d'attractions. Une guerre de clowns à Noël. Fantastique. Les cibles ? Trois types déguisés en Père Noël et elfes avec du maquillage grotesque. Dix mille par tête. Pas dangereux, juste gênants.
Rien que de lire les mots clowns et Noël, j'ai envie de vomir. Mais c'est là que l'idée germe. Un sourire machiavélique étire mes lèvres.
Pourquoi moi, quand la perche pourrait s'en charger ?
Je fouille dans mes contacts et tombe sur celui de la perche. Ce fumier mérite une petite revanche, et ce contrat est le prétexte parfait. Je compose un message crypté.
« Besoin d'un remplacement pour un contrat suite incapacité de se déplacer, urgent. Manifestation d'elfes. Festif et bien payé. Rien de trop compliqué pour toi. Tu me remercieras. Emplacement et briefing en pièce jointe. Amuse-toi bien, Max. »
Je relis le message, satisfaite. Le connaissant, il ne dira pas non à une opportunité, surtout si elle vient de moi. Après tout, il adore les défis. Et l'idée de le voir face à des clowns déguisés en elfes... Je tire une longue bouffée de cigarette en savourant la scène.
Je me lève, passe un t-shirt ample et un jean, et attache mes cheveux en un chignon négligé. Chaque geste me rappelle les marques laissées par Damien, mais maintenant, elles alimentent ma détermination.
Je quitte l'appartement, allume une cigarette dès que je suis dans la rue, et contemple les vitrines de Noël avec un mélange de dégoût et de cynisme. Les lumières clignotent, les faux bonhommes de neige sourient, et les enfants pointent des jouets hors de prix derrière les vitrines. Une farce, tout ça.
Je tire une longue bouffée de nicotine et laisse mes pensées se fixer sur la perche. Lui, face à trois clowns hurlants dans un décor festif. Lui, couvert de guirlandes et de peinture faciale. L'image me fait sourire. Pas un sourire de joie. Un sourire froid, calculateur.
Je m'arrête à un stand de Noël et achète un paquet de guimauves. Pas pour les manger, mais pour compléter un colis que je prépare pour Damien. Je retourne à mon appartement, rédige une note sarcastique que je glisse dans le paquet avec le dossier du contrat.
« Pour adoucir ta mission. »
Je laisse le colis dans un point de dépôt anonyme. Il le recevra bientôt. Je sais déjà qu'il acceptera le contrat sans poser de questions. Après tout, c'est Damien. Il a trop d'ego pour refuser.
Alors que la nuit tombe, je retourne chez moi et m'allonge sur le lit, les lumières de mon appartement éteintes. Mon téléphone vibre une nouvelle fois. Une confirmation de réception. Parfait. J'éclate de rire en imaginant sa tête quand il verra le chaos qui l'attend.
Je prends une autre cigarette et contemple les lumières de la ville par la fenêtre.
— Ce n'est que le début, la perche, murmuré-je en souriant. Les clowns vont t'adorer.
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