Case 13 - Le masque et les traces
Elder
C'était moins une. Un égarement tout au plus, dans cette folie. Après qu'elle se soit endormie, j'ai rapidement récupéré mes affaires et quitté l'hôtel. Laissant cette créature divine sur le lit. La raison de ma fuite : Les armes à ses cuisses. La fille d'un mafieux ? La femme ? Une poule de luxe voulant se défendre ? Une tueuse ? Ou bien encore l'une des collègues de Vera ?
Que sais-je. C'était bien trop étrange.
Un frisson me traverse alors que j'avance dans la nuit glaciale de Paris. Mes pensées tournent en boucle, refusant de s'apaiser. Une part de moi voudrait classer cette rencontre comme un simple hasard, une anomalie dans le déroulement chaotique de cette soirée. Mais ce serait me mentionner. Rien de cette femme, cette énigme armée et instable, ne pouvait être qualifié de « hasard ».
Elle n'était pas calme. Loin de là.
Je repensais à ce bref instant où son regard avait croisé le mien. Même derrière son masque, même sous l'effet évident d'une substance qui brouillait ses sens, il y avait une intensité brute dans ses gestes. Une tension qui la traversait, comme si elle luttait constamment contre quelque chose en elle-même. Ce n'était pas seulement la drogue. C'était elle.
Elle avait cette énergie qu'on ne voit que chez les prédateurs. Ceux qui ne relâchent jamais vraiment leur vigilance, même quand ils semblent désarmés.
J'aurais dû partir pour Tokyo ce matin. Mon vol était déjà réservé. Mais maintenant... Maintenant, il y a cette femme.
Elle n'est qu'un détail, une distraction. Pourtant, je sais qu'elle pourrait être plus. Il y avait quelque chose dans sa présence, quelque chose qui m'échappe encore. Était-elle liée à Blagadov ? À Vera ? Ou peut-être à l'un des nombreux ennemis qui gravitent autour de cette ville ? De moi...
Je ne sais pas. Et c'est précisément cela qui me dérange.
Je pousse la porte de ma chambre d'hôtel. Une autre chambre que j'avais réservée ailleurs en cas de pépin. Referme derrière moi comme pour m'enfermer loin de mes doutes. Mais ils sont déjà là, dans chaque recoin de cette pièce, dans chaque battement de mon cœur.
Je laisse tomber mon manteau sur une chaise et allume mon ordinateur. Si je dois la comprendre, si je dois savoir pourquoi elle était là, je dois commencer quelque part.
Je revois son visage flou sous les lumières de la salle de bal. Les détails sont difficiles à rassembler, mais je me concentre sur les indices :
Le masque vénitien richement orné, conçu pour masquer une identité.
Ses lentilles colorées, qui trahissaient une volonté évidente de dissimulation.
Et surtout, ces armes à ses cuisses. Discrètes, mais accessibles.
Ce n'était pas une invitée ordinaire.
Je commence à fouiller, mes doigts dansant sur le clavier. Le réseau de l'hôtel, la liste des invités, les caméras de surveillance... tout y passe. Ce n'est pas la première fois que je me retrouve à traquer quelqu'un de cette manière. Mais cette fois, la recherche me semble différente. Plus personnel.
Je trouve enfin une capture vidéo floue. Elle, passant dans le couloir, accompagné de Blagadov. Son déhanché, son contrôle apparent malgré l'instabilité. Je zoome autant que possible, suggère de capturer un détail qui pourrait la communiquer à quelque chose.
Rien. Pas encore.
L'ordinateur émet un bip. Une ligne de code s'achève, et une autre commence. Je pousse un soupir, me frottant les yeux. J'ai trop de questions et trop peu de réponses.
Pourquoi s'intéresser à elle, alors que ma véritable cible n'était pas là ? Pourquoi ce besoin presque compulsif de savoir ? Peut-être parce qu'elle incarne tout ce que je méprise et tout ce qui m'intrigue à la fois : l'imprévisible, le chaos, une liberté que je n'ai jamais connue.
Je reviens à l'écran. Son visage, même flou, me hante. Qui est-elle ? Une tueuse ? Un mercenaire ? Une joueuse isolée dans ce jeu sordide ?
Un nouveau fichier s'ouvre. Une série de clichés de l'événement, des invités masqués dans leurs costumes extravagants. Je les passe rapidement, cherchant celle qui porte ce masque vénitien distinctif. Rien. Rien. Puis... là.
Elle.
L'image est légèrement inclinée, capturée par un serveur distrait. Son masque dissimule toujours son visage, mais ses cheveux bruns, relevés en une cascade élégante, et sa posture trahit une familiarité calculée avec la scène.
Je me recule dans ma chaise.
Elle n'était pas là par hasard.
Mais pour qui travaille-t-elle ? Et pourquoi était-elle avec Blagadov ?
Je commence à creuser davantage, en analysant les connexions potentielles, les noms des autres invités. Il y a un lien ici, quelque part. Peut-être une réponse que je ne suis pas prêt à entendre.
L'horloge indique déjà trois heures du matin. Mon vol est dans cinq heures. Mais je sais que je ne le prendrai pas.
Pas encore.
Je n'ai pas fini ici.
L'horloge continue de tourner. Les fichiers défilent sur l'écran, mais les réponses que je cherche restent hors de portée. Pourtant, je persiste. Une part de moi sait que je devrais lâcher prise, que cette femme, cette soirée, tout cela ne sont qu'une distraction dans ma quête principale. Mais je n'arrive pas à m'en défaire.
Une alerte apparaît sur mon écran : une anomalie dans les fichiers vidéo. Je fronce les sourcils et lance une analyse. Quelqu'un a modifié les métadonnées. L'image où elle apparaît, celle où son masque distinctif la trahit est floue, presque comme si elle avait été altérée intentionnellement.
Pas un problème. Je suis déjà passé par là. Je lance un programme de restauration. L'image commence à se clarifier. Lentement. Trop lentement.
Un autre bip. Une fenêtre surgit.
« Accès non autorisé détecté. Fermeture imminente. »
Je cligne des yeux. Quoi ? Je n'ai jamais vu ça auparavant. Les fichiers commencent à disparaître, les uns après les autres. Chaque lien que j'ai trouvé se désintègre sous mes yeux. Des fragments de code s'affichent clairement, comme une signature invisible, avant de disparaître. Mon cœur s'accélère.
Un défi.
Quelqu'un est en train de couvrir ses traces. Pas un système automatisé, mais une présence humaine. Une autre ombre. Quelqu'un qui protège cette femme.
Je relance mes outils. Je tente de contourner la sécurité, d'accéder à une copie cachée des données. Mais tout ce que je trouve est effacé presque immédiatement. L'écran clignote, me jetant un dernier message comme une provocation.
« Trop curieux, Elder ? »
Un frisson me parcourt l'échine. Ils savent que je cherche. Et maintenant, ils savent qui je suis.
Je me lève brusquement, laissant l'ordinateur s'éteindre. Mes pensées se bousculent. Cette femme n'est pas une simple inconnue. Elle a des alliés, des personnes prêtes à tout pour garder son identité secrète. Quel genre de réseau protège quelqu'un de cette manière ? Et pourquoi ?
Je serre les poings. Mes questions restent sans réponse, et chaque minute qui passe semble m'éloigner un peu plus de la vérité. Mais une chose est certaine : cette femme, quel que soit son rôle dans ce chaos, est bien plus qu'un simple pion dans un jeu que je ne comprends pas encore.
Alors que l'aube s'approche, je fixe la fenêtre de ma chambre, les lumières de Paris brillantes comme des étoiles lointaines. Une part de moi sait que je devrais laisser tomber. Retourner au Japon, m'éloigner des dangers qui rôdent à chaque instant que je traîne ici.
Mais l'autre partie, celle qui refuse d'abandonner, sait qu'il faudra que je la retrouve un jour. Pas maintenant, pas ici. Mais un jour.
Je prends mon sac, prêt à quitter cet hôtel. Mais avant de partir, je laisse un dernier message crypté dans mon système, une promesse silencieuse à moi-même :
« Un jour, je trouverai qui elle est. »
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