Case 12 - Un Noël sous acides
Maxine
Un frisson de dégoût me parcourt l'échine, alors que je fricote avec le frère Bogdanov. Jouer les poules de luxe n'est pas mon fort, surtout quand je dois me mordre l'intérieur de la joue pour ne pas rebondir sur leurs blagues déplacées.
— Minuit a sonné, tu devrais pouvoir l'attirer, informe Damien dans l'oreillette.
Ce n'est pas trop tôt, j'ai les pieds en charpie avec ces foutus talons. Je hoche imperceptiblement la tête, puis invite notre cible à passer aux choses sérieuses. Ce gros porc n'a pas résisté à la tentation et resserre sa prise sur ma hanche.
Profite, profite, mon gros. Dans peu de temps du va jouir devant ta mère.
Nous dépassons Damien dans son costume du Grinch. Il a royalement tiré la tronche quand je le lui ai imposé. Surtout avec les boules autour du cou que j'ai chipé à Elliot et le chien gonflable qui l'empêche de s'approcher du buffet et de se servir. Je lui jette un regard, plissant des yeux derrière mon masque vénitien. Il me fait un clin d'œil, dont j'aurais pu rendre si les lentilles colorées ne m'irritaient pas autant.
Protection de mon identité à son maximum lors de ce genre de mission. Étant en première ligne, je n'ai pas le droit à l'erreur. Donc le bleu recouvre mes iris, puis c'est également la couleur fétiche de ce cher monsieur.
Nous croisons sur notre chemin des rois mages, et des gus qui ont eu l'intelligence de faire une présentation de la crèche. Mes doigts se resserrent sur le bras de Blagadov, alertant ses sens aiguisés.
— Cela ne va pas, ma chère ?
— Ce n'est rien. J'ai hâte de pouvoir m'acoquiner avec le père Noël, roucoulé-je innocente.
Et me laver la bouche au savon rien que d'avoir prononcé cette phrase.
— Tu es suivi, mais ce n'est peut-être rien, m'informe la perche.
Je penche la tête sur le côté, glisse mon regard en arrière et repère le casse-noisette qui s'était joint au groupe plus tôt. Impossible à analyser. Il parlait peu. De plus, comme nombre d'invités de la soirée portant des têtes énormes, il devait avoir un modulateur de voix. Je reporte mon attention sur le mafieux quand nous empruntons l'ascenseur. Arrivons au dernier étage. La suite est au bout du couloir. Bientôt l'heure fatidique pour le gibier.
Blagadov ouvre, m'entraîne à l'intérieur. Il pose sa veste rouge sur le sofa, me propose un biscuit de Noël que j'accepte volontiers, n'ayant rien mangé depuis le déjeuner. Et faire du sport de chambre sa creuse.
— Je vais aller me rafraîchir un instant, prétexté-je pour pouvoir refaire le scénario avec Damien.
— Fait vite ma belle, j'ai hâte de fourrer la dinde ce soir.
Je grimace derrière mon masque, retenant la bile qui me monte dans la gorge. J'en profite pour récupérer deux gâteaux de plus et m'éclipse dans la salle de bain qui fait la taille de mon studio. Eh ben, on ne se prive de rien.
— Pitié ne prend pas ton temps la perche.
Je relève le masque pour parfaire le maquillage.
— Je t'ai prévenue que si tu utilises ce surnom ridicule j'ajoutais cinq minutes entre le début de ton show et mon arrivée, prévient-il avec sérieux. Et nous sommes déjà à un quart d'heure.
J'avale les biscuits en me renfrognant. Quitte à vomir, autant qu'il y ai de la matière.
— Et pour le casse couille ?
Damien émet un faible rire.
— Plus en visuel, il a dû partir se coucher comme beaucoup d'autres.
— Tant mieux, soufflé-je tendu.
J'abaisse le masque à hauteur de nez, gardant mes lèvres visibles. Sors de la salle de bain, et m'approche en déhanchant près de Bogdanov. Il m'attrape par la taille. Je pose mes mains sur son torse, le repousse jusqu'à ce qu'il tombe sur le canapé. Puis passe à califourchon sur lui. Il passe ses mains sur mes fesses, loupant de peu de frôler mes holsters que je porte aux cuisses. Une sensation de légèreté me transporte sous son touché.
Mon bassin ondule sur lui, tandis que je l'embrasse dans le cou sous son râle profond. Lentement, je déboutonne sa chemise. Glisse mes mains sur son torse. M'attaque à son pantalon, attrape les bords de son caleçon, puis descend le tout jusqu'à ses chevilles. Dans ma tête, je me dis que la perche ne devrait plus être très loin. Mais voilà qu'un coup inattendu m'atteint : un space cake.
Je ressens un vertige que je pensais venir de son eau de Cologne de mauvaise qualité. Mais non. Je tourne la tête vers la table basse. Repère les biscuits dans l'assiette... Oui, un foutu space cake. Et à mon insu, en plus !
Diantre !
La pièce commence à onduler comme si on était en pleine mer, et son visage aussi disgracieux qu'une patte de poulet écrasée se transforme en quelque chose de cauchemardesque. Deux longues incisives apparaissent, des oreilles poilues pointent de sa tête chauve. Bordel. Le frère Bogdanov devient le Roi des Souris. Et moi, je suis Clara, piégée dans cette version hallucinée de « Casse-Noisette » sous acides.
— Ma belle, tu te sens bien ? me demande-t-il, son accent roulant comme un rocher dégringolant une pente.
Mais je n'entends plus rien. Je le vois brandir un sceptre en forme de fromage et ordonner à ses sbires de danser pour moi. Or, mon collègue choisit ce moment pour apparaître derrière lui. Dans mon délire, il n'est plus mon partenaire infiltré, mais un soldat loyal du Roi des Souris. Il me fixe avec ses yeux verts exagérés, me gronde quelque chose d'incompréhensible et tout ce que je capte, c'est qu'il est prêt à me livrer. Le traître !
Je hurle. Me recule avec précipitation. Mes sens aiguisés sont affaiblis. Ma bouche asséchée. Et pour combler le tout, le casse-noisette avec sa tête cartoonesque se pointe au milieu de ce joyeux bordel. Cependant, je vois le potentiel héroïque dans son regard déterminé ou peut-être que je vois juste des étoiles à cause de la drogue, difficile à dire. Mon cerveau part en vrille.
— Clara ! hurle-t-il dans ma tête, brandissant une épée en plastique dorée. Je suis venu te sauver du Roi des Souris !
Je ne sais pas si c'est la scène ou les stéroïdes qui montent en flèche, mais tout vire au chaos. Le Grinch tranche la gorge du roi des souris, puis commence à danser sur une table en criant des insultes en russe. Tandis que mon prince accourt tel un chevalier, et m'embarque avec lui sur son fidèle destrier.
Je cligne des yeux, tentant de reprendre mes esprits, mais c'est comme nager dans une piscine de vodka à l'envers. Bordel de merde, qu'est-ce qui m'arrive ? Mon cerveau, d'ordinaire affûté comme un rasoir, est embourbé dans un marécage sucré où la logique a été sacrifiée sur l'autel des space cakes. Merci, Bogdanov, espèce de rat des champs. Si je m'en sors vivante, je te sers ton foie en papillote dès que je t'aurais traqué en enfer.
Un mouvement capte mon attention. Lui. Casse-Noisette. Dans ma tête pleine de THC, il est un mélange absurde de chevaliers galant et de mascotte flippante. Pourtant, il reste là, droit comme un I, ses mains gantées croisées sur ce torse ridicule, comme s'il était prêt à me réciter un poème de Victor Hugo ou à me planter un couteau entre les côtes. Et franchement, à ce stade, je prends les deux.
— Viens, Clara, dit-il enfin, sa voix grave modulée comme une chanson de Noël jouée au ralenti.
Clara, hein ? Parfait. Je suis déjà passée pour une gourde ce soir, alors allons-y, donnons-lui le full spectacle. Je lâche un soupir exagéré, mélange d'exaspération et de curiosité morbide, et me laisse entraîner. Mes jambes vacillent un instant. Saloperie de talons. Mais il m'attrape avec une fermeté surprenante. Ses gants sentent la cannelle et... du bois ? C'est quoi ce délire, il s'est baigné dans un sapin de Noël ?
— Tu sais, murmuré-je en boitant derrière lui, si c'est une tentative pour m'assassiner, c'est pathétique. Un bon vieux cran d'arrêt aurait suffi.
Il ne répond pas. Évidemment. Le mec garde le mystère comme un lycéen gothique. Super.
Nous traversons un couloir qui s'étire comme dans un mauvais trip de film d'horreur. Les guirlandes au plafond clignotent frénétiquement, et j'ai l'impression qu'elles essaient de me parler. « Sors d'ici. » Ouais, merci, guirlandes, mais je suis coincée avec le Toy Story de mes cauchemars, alors calmez-vous.
Il ouvre finalement une porte et me pousse à l'intérieur d'une suite luxueuse. Je reste un instant bouche bée, ce qui, pour moi, est rare. Velours, dorures, tapisseries, tout le bordel. On dirait la chambre de la Belle et la Bête, sauf qu'ici, la Bête, c'est clairement moi. Je ricane nerveusement.
— Quoi, c'est ici que tu me tues ? Ou tu vas m'offrir un verre avant ?
Toujours pas de réponse. Il se contente de me fixer, ou plutôt, son masque me fixe. Cette tête énorme et grotesque qui devrait me donner envie de hurler, mais qui, pour une raison absurde, m'intrigue.
Putain, Maxine, ressaisis-toi.
Et pourtant, quand il s'approche, je sens mon corps se tendre. Pas de peur, mais quelque chose de plus compliqué. Une alchimie étrange, entre l'envie de lui coller mon poing dans la figure et... autre chose.
— Enlève ça, grogné-je, désignant son masque. Si tu veux jouer les héros de contes de fées, au moins, montre ta gueule.
À ma grande surprise, il obéit. Lentement, il retire le masque. Ce qu'il révèle... Bordel, je ne sais pas si c'est le THC ou autre chose, mais c'est flou, irréel. Pas moche, mais pas complètement humain non plus. Il me regarde avec une intensité qui ferait rougir un prêtre, et je sens mes défenses vaciller. Mon masque tombe sous l'effet. Je me rassure que le maquillage en dessous recouvre mes imperfections.
— Maxine, soufflé-je pour me rappeler qui je suis. Je suis Maxine. Une tueuse. Une brute. Une machine. Pas une héroïne de ballet.
Mais avant que je puisse en dire plus, il s'avance, ses mouvements étrangement fluides, et pose ses mains sur mes épaules. Ce contact me paralyse. Ma première pensée est de lui briser le nez. Réflexe professionnel. Mais au lieu de ça, je reste immobile, mon souffle coincé quelque part entre la panique et... quelque chose d'excitant.
— Clara, murmure-t-il enfin, qui es-tu ?
Je lâche un rire amer.
— Super, philosophons. Tu veux m'offrir un biscuit magique pendant qu'on y est ? Oh, attends, trop tard.
Il ne répond pas. Ses mains glissent lentement, effleurant mes bras. C'est à la fois troublant et rassurant, comme si, dans ce chaos absurde, il était l'ancre qui me retenait. Mon instinct me hurle de me méfier, de le mettre à terre, mais... je n'écoute pas.
Et c'est là que ça dérape.
Tout devient flou. Ses lèvres se posent dans mon cou. Je l'attrape par la nuque, le détache de ma peau, puis écrase les miennes sur les siennes. Il m'entraîne jusqu'à son lit. Mes gestes lourds restent précis en retirant sa veste et déboutonnant sa chemise. Ma vision est brouillée. Il attrape mes poignets. Me bascule sur le côté.
Comme par magie, ma robe se volatilise. Son corps épouse le mien. Brûlant, ferme. Sa langue tourbillonne autour de mes mamelons. M'excite. Mon dos se cambre. Ses doigts descendent le long de mon ventre, atteint mon string, glisse sous la dentelle. Je croise mes jambes autour de sa taille. Oubliant que mes armes sont toujours accrochées. Oubliant ma mission, s'il elle a bien été menée ou non. M'abandonnant, dans les bras de Casse-noisette qui brandit son membre aussi bien que son épée avant de me pénétrer.
Brutal. Comme un sonnet. Doux. Comme une sucrerie. Nos souffles s'accordent sur la musique remixée The Nutcracker. L'esprit embrumé, je le sens s'enfoncer. Mon bassin vient à sa rencontre à chaque coup donné. Mes dents mordent sa chair exposée. Ses mains palpent mes seins. Extase. Nous jouissons en synchronisation avant que je ne sombre au pays des jouets.
Quand je reprends enfin mes esprits, il a disparu. Juste comme ça. Comme un putain de rêve. Sur l'oreiller à côté de moi, son masque repose, immobile, son sourire figé se moquant de moi.
Je serre les dents. C'est ça, Maxine. Le grand Casse-Noisette te sauve, te dérape dans la tête, puis disparaît comme un fantôme. La prochaine fois, j'espère que je serai au moins consciente quand ça arrivera.
Je me redresse. Les vertiges encore présents, et un foutu mal de crâne. Me rhabille, quitte la suite sans y trouver une once de vie, prête à retrouver la perche et à lui expliquer pourquoi cette mission va probablement finir dans le livre des conneries historiques. Mais une seule question reste en suspens :
C'était quoi ce bal de Noël sous stéroïdes ?
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