Case 10 - Sous le pont, la magie opère
Maxine
J'attends patiemment que la perche arrive et consulte pour la énième fois l'heure sur mon téléphone. Dix minutes de retard. Ça caille. J'aurais dû rester à l'intérieur au chaud sous la couette. Mais non, monsieur a dit qu'il sera là dans les temps. Je glisse mes mains sous mes aisselles pour les réchauffer, tandis que je trépigne d'un pied à l'autre en scrutant sa venue.
Je me fais éclabousser quand Gertrude balance de l'eau hors de sa fenêtre.
— Oh, je ne vous avais pas vue, mademoiselle Nyx.
À d'autres. Je m'essuie, grognant par sa soi-disant maladresse. Je vais finir par geler avec le froid et l'humidité.
— Vous savez, aux informations ils ont dit qu'il y avait des lutins farceurs qui volaient les jouets dans les magasins.
Et c'est parti. La commère s'accoude à sa fenêtre et me raconte ce que je n'ai pas envie de savoir.
— Je suis sûr que les malfaiteurs habitent pas loin d'ici, continue-t-elle sans se soucier de mon ignorance. Des personnes louches ont emménagé dans la résidence en face. Ils avaient l'air de descendre beaucoup de choses dans leurs caves. Même le soir, ils s'y rendent...
Papa doigt, papa doigt, où es-tu ? Je suis là, je suis là, dans ton cul.
— Ah, et les banques mettent des puces électroniques dans la monnaie pour mieux nous pister...
Ne pas soulever l'arrière de mon manteau pour sortir mon arme. Même si je pourrais faire un combo choc en faisant ricocher la balle sur le balcon d'en face.
— Et...
Coup de klaxon. L'alpine est là avec son propriétaire. Ce n'est pas trop tôt ! Sans un mot, je me précipite vers la voiture, grimpe et presse la perche :
— Démarre, vite avant que je fasse un meurtre !
Un rictus s'affiche sur ses lèvres. Il appuie sur l'accélérateur, et s'enfonce dans la circulation de Paris. Nous sommes la veille de la soirée. De mon côté, j'ai quasiment tout ce qu'il me faut pour embellir mon collègue, mais il me faut des armes supplémentaires que je peux dissimuler. La proposition de la perche tôt dans la matinée était la bienvenue quand il m'a indiqué se rendre dans un marché spécifique.
Nous nous garons rue Morère après une demi-heure de trajet et descendons de la voiture. Puis nous nous dirigeons sous le pont La ceinture verte. Un tunnel abandonné où les graffs ont recouvert les murs de peinture. Où un ancien chemin de fer nous guide dans les entrailles. Les musiciens et les artistes s'y perdent, mais quand on sait où regarder, on y trouve plus qu'un simple chemin.
Je suis la perche qui se glisse dans une embrasure, menant à un tunnel parallèle. Oubliant la sérénité d'un lieu artistique, pour trouver le marché noir de Noël qui s'installe dans le coin deux fois dans le mois. Et comme chaque année, ils sont nombreux. Des stands longent les murs sur des mètres, présentant leurs produits rare et divers, pour petit et grand amateur, mais surtout pour les professionnelles comme nous qui savent à qui s'adresser.
— On se sépare ici et on fait nos achats ? propose la perche en dressant son cou.
Il a déjà repéré sa marchandise. Je lui fais signe de la main et me faufile dans la foule. Capuche rabattue sur la tête. Je scrute les stands avec méfiance pour certains, intérêt pour d'autres. M'approche d'un marchant enfoncé dans un passage, assis sur une chaise, nettoyant quelques armes. À côté de lui, son frère jumeau spécialisé dans le numérique. Des connaissances dans le milieu qui posent leurs bagages une fois par an dans le coin.
— Eh, Ruben, on a attiré une donzelle.
— Qu'est-ce qu'une pouliche fait à traîner dans un endroit malfamé ? Elliot, tu devrais la prendre sous ton aile pour la protéger.
Pas un pour rattraper l'autre.
— Dans les seins de votre mère, c'était bien du lait vous me confirmez ? À moins que vous ayez tété du whisky.
Ils échangent un regard méfiant, puis me scrutent. Un large sourire s'étend sur leurs visages. Rares sont les femelles les cassant aussi directement.
— Max, ça faisait longtemps, dit Ruben, le spécialiste de mes joujous favori.
— On ne t'a pas vue depuis deux ans, ajoute Elliot en contournant son stand pour me prendre dans ses bras.
Je lui rends son étreinte et me rapproche de Ruben. Deux grands gaillards approchant de la quarantaine. Comme pour la plupart dans ce milieu, faut pas les emmerder. Ils ont essayé avec moi lors de notre première rencontre. Elliot a une cicatrice sur l'épaule et Ruben sur la fesse droite. De plus, ma réputation me précède, ils ont vite compris à qui ils avaient affaire.
— As-tu des petites pépites à me proposer que je peux planquer facilement ?
— Petit comment ? demande Ruben en fronçant les sourcils.
— Étonne-moi, j'aurais probablement une tenue très légère demain.
Il se met à rire de bon cœur, puis disparaît derrière un rideau. Je m'accoude à son stand et me tourne vers Elliot :
— Si tu as, il me faut quatre micros, et deux puces GPS que je peux glisser facilement sur ma cible. On sera deux sur lui.
— Uriel t'accompagne ?
— Mouais, et on doit s'autodéguiser, boudé-je en faisant la moue.
— Je te prépare ça.
J'admire le sapin défraîchi qui se trouve entre leurs stands. Les guirlandes rouges et noires pendouillent sur les branches sans épines et les boules clignotent pour indiquer leurs emplacements. Un stratagème propre à eux.
Un mec apparaît devant le stand d'Elliot. Grand, bonne carrure, le bas du visage recouvert par un foulard, une casquette lui couvrant le haut du visage. Ruben revient à ce moment.
— Alors je te propose le Sig Sauer P365, le Walther PPK et ton préféré le Beretta 21A Bobcat.
Je ne prête pas attention au client d'à côté, s'il est ici, il connaît les règles. J'attrape le Sig, le manipule, vise, grimace. Le pose. Au tour du Watlther, où je m'éclate à prendre la pose comme dans les films d'espionnage faisant rire les jumeaux.
— Tu nous fais un spectacle de Noël ? pouffe Elliot.
— Manque juste le serre-tête renne, commente Ruben.
Je pose l'arme, et leur fais chacun un doigt, renforçant leurs rires. Ils imaginent déjà la scène, j'en mettrais ma main à couper. Mon oreille tique quand l'autre client se racle le palais, se retenant certainement de rire à son tour. Je me redresse, me rapproche du sapin, puis attrape une boule à pleine main.
— Si je tâte cette boule, c'est considéré comme une agression sexuelle ? Le sapin risque de porter plainte, tranché-je d'un ton froid.
L'euphorie retombe. Chacun se racle la gorge.
— Deux berettas 21A Bobcat avec leurs silencieux et holster de cuisse.
— Tout de suite, confirme Ruben sérieusement.
Il me met le tout dans une boite avec les munitions que je glisse dans mon sac à dos. Elliot me tend ma commande, puis je règle directement en liquide avant de disparaître.
Elder
Je penche la tête sur le côté et regarde cette mystérieuse femme qui vient de nous faire passer un message de castration en moins de temps qu'il en faut. On trouve de tout dans ce genre d'endroit. Je n'ai pas eu besoin d'énoncer ma commande au marchand, je l'avais contacté au préalable sur le darknet.
— Sacré bout de femme, elle m'a refroidi, déclare le vendeur.
— Égal à elle-même, surtout pendant cette période, ajoute son frère.
Je tends ma carte indiquant mon identité de hackeur. Gardant toujours ma tête baissée pour ne pas me faire repérer.
— Tout est prêt.
Il se penche, attrape un sac à dos sous la table et me le tend. Je pose mes doigts sur la visière, et le remercie silencieusement en baissant la tête. C'était ma seule course à faire, le reste m'attend déjà à l'hôtel.
Je jette un œil au sapin, frissonne encore sur la remarque de la cliente précédente, puis quitte les lieux. Dans l'allée, je repère sa silhouette. Elle est accompagnée d'un homme aussi vêtu que moi. Discrétion pour chaque client potentiel de ce marché spécifique. Je passe à côté d'eux et entends brièvement leurs conversations.
— J'ai chipé à Elliot deux magnifiques accessoires pour parfaire ton costume.
— Je crains le pire, souffle-t-il désespéré.
— Et moi donc.
Je continue mon chemin. À en juger de leurs échanges, ils seront sûrement présents demain soir. Cependant, je me demande dans quelle branche ils sont. Je me fonds dans la masse, me disant que je le découvrirais bien assez tôt.
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