Chapitre 8



Avant même d'ouvrir les yeux, Sienna sentit sur son visage un vent frais et une odeur pure lui monta au nez. Avec un soupir d'aise, elle souleva les paupières et son esprit mit un temps infini à lui rappeler son dernier instant de conscience.

Le sultan, l'avion...

En état d'alerte, elle se redressa d'un bond et avala d'un seul regard la pièce dans laquelle elle se trouvait.

Non ! Impossible !

Elle n'avait pas pu s'endormir aussi longtemps ? se demanda-t-elle en balayant à nouveau la chambre épurée d'un regard inquiet. Il était clair qu'elle ne se trouvait plus dans l'avion, mais dans un autre lieu et à mesure qu'elle se concentrait sur les bruits autour d'elle et les odeurs, son cœur s'emballa. Elle huma d'abord l'odeur marine qui soufflait dans la pièce chargée de clarté puis elle décela un bruit de moteur.

Elle souleva les draps et posa ses pieds sur le tapis moelleux en fixant cette baie vitrée légèrement ouverte et qui laissait passer le vent.

Elle se trouvait à bord du yacht, comprit-elle en se levant pour avancer vers la baie vitrée. Le cœur battant la chamade, elle la tira pour sortir à l'extérieur et se retrouva nez à nez avec une étendue turquoise et bleu.

Bien que la vue était à couper le souffle, Sienna prit panique parce que le bateau qui était censé rester au port griffait la mer méditerranée de sa vitesse.

Sienna déglutit en s'approchant plus près du pont et tourna la tête à gauche puis à droite.

Sa respiration devint rapide alors qu'elle marchait lentement vers l'arrière du bateau pour le trouver alors même qu'elle redoutait de le revoir.

- Par ici, mademoiselle Kendrick...

Elle sursauta, une main sur le cœur et se retourna lentement en direction de la grande baie vitrée ouverte.

Elle le chercha du regard et resta prudemment au seuil.

Il s'agissait d'un grand salon luxueux et elle fut sidérée de constater qu'il était possible de posséder une si grande pièce sur un bateau. Soudain, il émergea devant elle, la dominant de sa hauteur et un parfum musqué provoqué par le vent lui monta au nez.

Elle rejeta la tête en arrière pour atteindre son regard et une montée de chaleur courut sur ses joues. Cette paire de lunettes de soleil renforçait sa beauté mâle et elle glissa son regard sur l'ombre qui couvrait ses mâchoires carrées et ses lèvres viriles.

- Vous...vous m'avez menti, s'entendit-elle lui dire en relevant les yeux. Je peux savoir pourquoi votre bateau bouge ? Vous aviez dit que...

- Respirez, lui ordonna-t-il en s'écartant pour mieux s'éloigner dans le grand salon. Je n'ai pas menti. Nos plans sont juste changés et nous allons à Comino, une île de Malte. Jacob Marsh se trouve là-bas.

Progressivement, son cœur se mit à ralentir.

- Est-ce que cette information vous rassure ? Demanda-t-il en revenant vers elle avec un verre d'eau qu'il lui tendit.

Sienna n'eut d'autre choix que de frôler ses doigts pour le prendre. Une décharge électrique courut dans la naissance de ses doigts qu'elle tenta au mieux d'ignorer.

- Vous auriez dû me prévenir avant ou me réveiller dans l'avion. Pourquoi vous ne l'avez pas fait ?

- Parce que vous étiez profondément endormie et je dois dire que ce sommeil est très intéressant à étudier, lui confia-t-il en lui tournant le dos.

- Ah oui ?

- Je vous ai transporté sans que vous souleviez une seule paupière. Je n'ai j'avais vu une femme avec un sommeil aussi profond.

Cette petite note moqueuse dans sa voix l'obligea à réprimer une rougeur.

- Je suis fatiguée en ce moment, se justifia-t-elle tout en progressant dans le salon boisé. J'ai beaucoup de problèmes en ce moment, mais vous n'êtes pas sans le savoir.

Il se retourna en retirant ses lunettes de soleil.

- Seriez-vous en train de supposer que je suis celui qui perturbe votre sommeil ? S'enquit-il d'une voix suave.

- Vous êtes la principale raison, lâcha-t-elle avant de boire un peu d'eau pour humidifier sa gorge sèche.

Il émit un bref rire en marchant lentement dans sa direction.

- Dans combien de temps nous serons sur cette île ? Lui demanda-t-elle en guettant attentivement son avancée.

- Dans moins d'une heure, ensuite, Jacob Marsh viendra sur mon yacht avec deux ou trois invités et c'est à ce moment-là qu'il faudra en profiter pour le convaincre.

Le convaincre...

À quel prix ?

Sur ses gardes, n'ayant aucun moyen de lire dans l'âme sombre du sultan, Sienna reposa le verre d'eau sur la table en verre parce qu'elle voulait le fuir avant qu'il la trouble davantage.

- Dans ce cas je vais me préparer.

- Non.

Sienna le dévisagea en fronçant les sourcils.

- Non ?

L'air rembruni, il combla l'espace qui les séparait.

- Vous devez manger quelque chose, décréta-t-il fermement. Cela fait des heures que vous n'avez rien avalé et je ne vous laisserai pas partir d'ici sans avoir mangé quelque chose.

Sienna aurait pu rétorquer si son regard sévère ne l'avait pas empêché de le faire.

- Je n'ai pas l'intention de vous faire du mal et si vous m'avez suivi jusqu'ici c'est parce que vous l'avez décidé Sienna. Alors il est peut-être temps de vous détendre vous ne pensez pas ?

- Comment pourrais-je me détendre alors que cette escapade repose essentiellement sur la survie de ma maison ?

- Vous devriez voir cela comme une chance inattendue mademoiselle Kendrick, commença de sa voix profonde, car dans d'autres circonstances je n'aurai pas eu la même clémence.

En voyant s'allumer dans ses yeux une légère irritation, Sienna préféra ne rien rétorquer.

- Maintenant vous allez me suivre, ajouta-t-il d'une voix impérieuse.

Tout en se pinçant la lèvre, Sienna baissa les yeux et ferma ses mains en poings pour se retenir de rétorquer.

Elle avait envie d'exploser, parce que le sultan ignorait que les choses s'étaient compliquées avant son départ.

Sienna se sentait piégée de toute part et elle avait beau retourner la situation dans tous les sens, à chaque fois sa maison finissait par s'écrouler.

Tout en avançant, elle ressentit dans sa jambe un courant d'électricité et posa sa paume de main sur sa hanche en réprimant une légère grimace.

Son cœur s'affola lorsqu'il lui tira la chaise et elle s'installa en faisant au mieux pour éviter de respirer son parfum épicé.

Le sultan Al-Rayar avait soulevé un point important et qui maintenant, devenait une source d'embarras pour elle.

Il ne l'avait pas forcé à venir jusqu'ici. C'est elle de son plein gré qui avait suivi cet homme aux pensées inaccessibles.

Quittant sa torpeur pour balayer la table dressée avec soin, Sienna se passe la langue sur les lèvres en prenant la fourchette.

- Je voudrais en savoir davantage sur vous.

Sienna cessa tout mouvement et releva les yeux sur lui.

Chaque fois qu'elle plongeait son regard dans le sien, elle avait l'impression d'être happée au fond d'un gouffre sans fond. Elle avait l'impression de suffoquer sous le poids puissant de son regard.

- Que voulez-vous savoir que vous ne savez pas ?

- Vos centres d'intérêts par exemple.

- Je n'en ai plus, répondit-elle honnêtement. Je n'ai plus aucun centre d'intérêt. Mais si vous voulez tout savoir, j'aimais la danse, je voulais devenir danseuse classique et j'étais douée, vraiment douée.

Sienna prit une profonde inspiration pour ne pas laisser les souvenirs la submerger.

Pour tromper la douleur des souvenirs elle piqua dans une fraise et la glissa dans sa bouche.

- Je suis sincèrement désolée que vos rêves soient brisés, déclara-t-il d'une voix qui la troubla.

Elle ne dit rien, et se contenta de regarder ces ombres si énigmatiques dans ses yeux.

- Je réapprends à vivre, voilà mon centre d'intérêt de ces derniers mois, ajouta-t-elle en baissant à nouveau les yeux. Je me bat et je réapprends à vivre.

- Je dirais plutôt que essayez de survivre.

Son cœur s'emballa aussitôt et elle n'osa pas relever la tête.

- Réapprendre à vivre c'est faire ce que vous avez fait en acceptant de me suivre et vivre cette expérience peu importe l'issue que cette...escapade prendra.

- Comment faites-vous pour être aussi insensible ? Ne put s'empêcher de demander Sienna en le dévisageant.

- Le temps a fait son œuvre sur moi, répondit-il simplement avec un mince sourire.

Ensuite ses lèvres prirent un pli assez dur.

- J'ai vécu des expériences qui m'ont forgé, qui m'ont apprises à être encore plus impitoyable que mon ennemi.

Elle frissonna et suivit des yeux la longue balafre sur son visage qui renforçait sa virilité.

- Votre cicatrice, est-ce qu'elle...

- C'est à partir de cet instant que je suis devenu plus impitoyable que mon ennemi, la coupa-t-il doucement. Croyez-moi, vous ne souhaitez pas savoir ce qu'il est devenu après m'avoir entaillé le visage.

Sienna déglutit péniblement en essayant de juguler l'angoisse latente qui gravitait dans son estomac.

- Mon père, l'ancien sultan, voulait à tout prix que je lui ressemble. C'était un homme bienveillant et c'est cette bienveillance qui a permis à son ennemi de l'abattre au moment où il s'attendait le moins, lui confia-t-il une lueur froide dans les yeux. Pendant des années, j'ai suivi ses conseils afin de lui plaire. Je portais des tenues royales, je visitais des œuvres de charités, je serrais des mains, je saluais la foule avec un sourire qui n'était pas le mien et c'est une fois que la guerre est entrée dans ma vie, que j'ai compris que j'essayais d'être un souverain à l'image de mon père et non à la mienne. Cette guerre m'a autant donné qu'elle m'en a arraché. Maintenant je sais qui je suis et ce que je veux pour mon île.

Peut-être qu'il n'en s'était pas rendu compte, mais sa voix avait pris des tons froids et ses traits ciselés s'étaient lentement durcis.

- Certains disent que vous tuez sans compter, osa-t-elle dire en peinant à soutenir son regard.

- Je tue seulement quand c'est nécessaire, répondit-il en confirmant les rumeurs tenues à son égard. J'ai la réputation d'être un sultan impitoyable qui ne craint pas de se salir les mains. Cette réputation me sied à merveille.

Sienna déglutit en baissant les yeux sur son assiette.

- Je peux lire sur votre visage que vous brûlez de me poser d'autres questions, nota-t-il d'une voix basse. Je vous propose d'attendre avant de me les poser. Après tout, nous avons encore beaucoup de temps devant nous.

Alerté par le mystère qui grondait dans sa voix, Sienna releva les yeux lentement en redoutant de voir l'expression de son visage.

Impassible, le sultan darda sur elle un regard qui lui donna la chair de poule.

Un regard capable de pénétrer son âme.

- Beaucoup de temps ? Répéta-t-elle enfin après s'être ressaisie.

Un vent de mystère se mit à planer et dans lequel Sienna eut du mal à contrôler la bouffée de chaleur qui s'emparait de son visage.

Une force silencieuse émanait de son corps viril et quelque chose dans l'atmosphère palpitait dangereusement.

Énigmatique, il se leva sans un mot et se glissa derrière sa chaise.

- Prenez votre temps pour finir de manger, pendant ce temps je vais me remettre dans la cabine de contrôle pour guider cet engin jusqu'à Jacob Marsh.

Il n'avait pas répondu à sa question...il s'était seulement contenté de partir en la laissant dans une profonde incertitude.

Sienna reposa la fourchette sur la nappe blanche et toucha sa joue chaude.

Le coeur battant la chamade, elle se retourna sur la chaise pour regarder derrière elle et ne s'attendait pas à le voir sur le pont...dos tourné à elle, observant l'horizon bleu.

De loin elle pouvait distinguer la tension qui l'obligea à faire craquer sa nuque tout en exerçant un mouvement qui provoqua un jeu dans son dos.

Un jeu de muscles roulant contre le tissu du tee-shirt.

Sienna se replaça sur sa chaise en réalisant qu'elle respirait fort et vite...

Le sultan Al-Rayar avait peut-être l'intention de tenir sa parole mais elle était persuadée que derrière cette promesse se cachait autre chose...

Et pour une raison qui lui échappait, elle brûlait de le découvrir.

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