Chapitre 7



Dans la voiture Sienna commençait à regretter sa décision, mais il était trop tard pour faire marche arrière. Mohamed Al-Rayar avait bien senti qu'il se passait quelque chose, mais elle avait gardé le silence sur les raisons qui la rendaient si nerveuse.

Beaucoup de raisons.

Les paroles blessantes de David tournaient en boucle dans sa tête et elle commençait même à penser qu'il avait peut-être raison sur les véritables intentions du sultan.

En sortant de la voiture, elle leva son regard sur l'avion qui les attendait. Une boule d'angoisse se forma dans son ventre à la simple pensée d'être à l'intérieur de cet appareil avec lui.

- Vous avez changé d'avis ? lança une voix derrière elle.

Sienna se retourna et rencontra un torse dur qui l'obligea à faire un pas en arrière.

Aussitôt elle se pinça la lèvre pour se retenir de lui livrer ses pensées.

- Non, allons-y, finit-elle par répondre en se tournant vers l'appareil.

À son grand soulagement il n'insista pas et la laissa monter dans l'avion sans l'aider.

Était-ce une stratégie de sa part ?

Voulait-il s'assurer qu'elle soit bien à bord de l'appareil pour lui dire ses véritables intentions ?

Sienna attendit que l'avion prenne de l'altitude pour glisser son regard sur lui, mais au moment où elle s'apprêtait à ouvrir la bouche son téléphone sonna.

Contrainte d'attendre, elle inspira profondément en jetant un furtif coup d'œil vers le hublot, mais rapidement, sa voix l'attira et l'obligea à se concentrer sur lui.

Elle était impérieuse et puissante même s'il parlait calmement, mais le plus troublant c'était de l'entendre parler en arabe là où son accent dominait de façon redoutable.

Soudain sa paire d'yeux gris se planta sur elle, et Sienna sentit son pouls s'affoler. Lentement, il remonta son regard intense sur elle jusqu'à rencontrer ses yeux. Alors elle guetta ses réactions et fut intriguée par la façon avec laquelle il l'a regardée.

C'était puissant et énigmatique alors qu'il continuait de converser avec son interlocuteur. Pendant une seconde elle crut qu'il parlait d'elle, mais elle n'avait aucune chance de le prouver ou bien même de le confirmer.

Elle détourna le regard pour fuir les vagues de sensations méconnues qui coulaient en elle et qui inévitablement faisait battre son cœur.

N'ayant d'autre choix que d'attendre qu'il finisse sa conversation, Sienna se pinça les lèvres en serrant les accoudoirs.

- Vous avez faim ? Le demanda-t-il après qu'il eut raccroché.

- Non, je vous remercie.

- Vous êtes pâle, et il m'est facile de déduire que vous n'avez rien mangé ce matin. Donc vous allez me faire le plaisir de manger.

- Je ne suis pas là pour vous faire plaisir monsieur, s'enquit-elle un frisson dans la nuque.

Il se rembrunit instantanément comme s'il n'avait plus aucune raison de masquer sa véritable nature maintenant qu'elle se trouvait coincée avec lui dans cet avion.

- Que s'est-il passé mademoiselle Kendrick ?

Sa voix profonde lui envoya des décharges dans tout le corps.

Elle déglutit en secouant doucement la tête.

- Il ne s'est rien passé, mentit-elle en se redressant sur le siège. Je voudrais juste...éclaircir certains points avec vous.

Il dressa un sourcil étonné.

- Je pensais que tous les points avaient été abordés, répondit-il posément.

Sienna le dévisagea longuement et hésita clairement à poursuivre de peur de se mettre dans l'embarras.

- J'espère seulement que vos intentions sont nobles monsieur Al-Rayar.

- Nobles ? Répéta-t-il d'une voix grave.

- Vous savez très bien où je veux en venir.

Il plissa les yeux comme deux fentes impénétrables.

- Je crains que non, mademoiselle Kendrick.

Ça y est...maintenant elle se sentait mal à l'aise.

Profondément mal à l'aise.

À bout de nerfs elle déclara avec force.

- Je ne vais pas finir dans votre lit ! Jamais ! Je...

Elle s'interrompit en se rejetant en arrière contre le siège. Un long...très long...silence s'ensuivit et dans lequel Sienna aurait voulu fuir n'importe où !

- Quand je veux une femme, mademoiselle Kendrick, commença-t-il d'une voix de gorge. Je ne lui propose pas de sauver ce que j'ai pour projet de détruire. En général je la guide jusqu'à mon lit et elle se soumet à la tentation sans le moindre effort de ma part.

Sienna réprima difficilement la rougeur qui lui monta aux joues alors qu'il affichait un sérieux implacable.

- Da...dans ce cas tout va bien, bafouilla-t-elle en se passant une main dans les cheveux.

- C'est pour cette raison que vous étiez anxieuse ? Vous craignez que ce voyage ait pour but de...

- Oubliez ce que je viens de dire, le coupa-t-elle en essayant de détacher la ceinture. Il faut que je...me rende dans les toilettes.

Il se pencha vivement et son bras était si long qu'il n'eut aucun mal à saisir le sien pour la stopper.

- Vous pensiez que je vous avais amené ici afin d'échanger votre maison contre des services d'ordre privés ?

Sa voix sombre l'écorcha jusqu'au cœur parce qu'il n'avait eu aucun mal à déceler le mal qui la rongeait depuis ce matin.

- Mon esprit est quelque peu fatigué, se justifia-t-elle sans rectifier sa conclusion.

- Regardez-moi, ordonna-t-il.

Il ne lui laissa pas le temps d'obéir et prit son menton entre ses doigts.

- Vous avez le droit et toutes les raisons de penser cela, déclara-t-il en resserrant sa prise sur son menton. Mais je me dois de rectifier cette pensée qui vous égard en ce moment même. Vous êtes une magnifique jeune femme et cette beauté est indéniable. Cependant, et sans paraître arrogant, un seul claquement de doigts m'aurait suffit pour vous conduire dans ma chambre. Mes intentions envers vous sont bien plus honorables.

Le cœur battant la chamade, Sienna fouilla dans ses yeux à la recherche d'une lueur, une émotion, n'importe quoi...

Rien.

Un brouillard épais se dessina dans les yeux du sultan qui lentement relâcha son menton.

- Je suis navrée, déclara-t-elle en soutenant son regard presque assassin.

Sans un mot, il inclina la tête en guise de réponse puis croisa ses mains sur son ventre dur.

- Ne soyez pas navrée, mais essayez plutôt de vous détendre.

Ce n'était pas une proposition mais un ordre. Sienna étudia l'homme au regard énigmatique en essayant de lire en lui, mais il était presque impossible de sonder un fragment de son âme.

- Il m'est difficile de me détendre alors que j'ignore même où nous allons.

- Et j'attends que vous me posiez la question mademoiselle Kendrick, mais visiblement vous n'êtes pas pressée de le savoir.

À son timbre de voix, Sienna décela une légère irritation.

- Je suis pressée de le savoir, mais visiblement, vous n'êtes pas pressée de me rassurer, rétorqua Sienna en soutenant son regard.

Un léger sourire dansa sur ses lèvres et automatiquement un frisson méconnu courut dans sa nuque.

- Je n'ai aucune raison de vous rassurer plus que je l'ai déjà fait hier soir, répondit-il simplement. Je vous ai fait la promesse que rien, absolument rien ne vous arrivera tant que vous êtes avec moi. Ma parole fait loi.

Quelque chose échappait à Sienna et elle essayait de trouver quoi.

" Votre beauté est indéniable "

Le cœur battant la chamade Sienna se racla la gorge en ayant de plus en plus de mal à soutenir son regard pénétrant. Elle avait beau se rassurer autant qu'elle le pouvait, le côté mystérieux du sultan l'obligeait à rester sur ses gardes.

- Je ne sais pas si vous on vous l'a déjà dit, mais vous êtes l'homme le plus indéchiffrable que j'ai vu de ma vie.

- Et vous, vous éveillez ma curiosité, renchérit-il d'une voix de gorge.

Un éclat différent des précédents émergea dans sa paire d'yeux gris.

- Je n'ai rien de curieux monsieur Al-Rayar, je pense que vous savez tout de moi.

- Je connais l'essentiel en effet, confirma-t-il d'une voix neutre.

Sienna fronça des sourcils en rattachant la ceinture.

- Vous êtes marié ? lança-t-elle sans réfléchir.

- Non, je ne suis pas marié.

- Fiancé ?

Il leva un sourcil étonné et elle rougit aussitôt.

- Pourquoi toutes ces questions mademoiselle Kendrick ? Avez-vous pour projet de me conduire jusqu'à votre lit ? Lui demanda-t-il sur un ton légèrement amusé.

Un feu jaillissant jusqu'à son visage la poussa à baisser la tête.

- Non, je veux simplement en savoir plus sur vous, se justifia-t-elle en haussant les épaules d'un air qu'elle voulait détaché. Après tout, je ne sais rien de vous. Seulement que vous êtes un souverain impitoyable qui veut détruire ma maison pour y construire une tour.

- Et malgré ça, vous êtes ici, dans mon jet privé qui nous conduit en Sicile, lui rappela-t-il d'une voix de plus en plus profonde.

La bouche sèche, Sienna guetta les lueurs dans ses yeux qui changeaient à mesure du temps.

Il se tenait droit sur le siège, la dominant par son regard puissant et pénétrant. Ses mâchoires se contractaient sans cesse, gonflant les muscles de ces dernières.

Ses mains étaient agrippées aux accoudoirs du fauteuil en cuir et ses phalanges qui blanchissaient de temps en temps révélaient la pression exercée par ses mains.

- Vous avez raison, je suis ici avec vous, mais je n'ai rien à craindre puisque votre parole fait loi.

Un fugace sourire courut sur ses lèvres dures.

L'air se raréfiait et elle avait de plus en plus de mal à respirer.

- Ça suffit ! Arrêtez de me regarder comme ça !

- Et comment je vous regarde ? S'enquit-il insensible à la panique latente qui la menaçait.

- Comme un tueur en série.

Cette fois-ci sa voix se mit à fondre d'un rire puissant qui la fit rougir à nouveau.

Une chaleur incongrue s'empara d'elle et plus il continuait à la regarder avec ce regard indéchiffrable plus Sienna commençait à penser qu'elle avait fait une erreur.

- Vous devriez vous reposer un peu, le vol va être long.

Sage conseil !

Aussitôt elle ferma les yeux pour fuir le regard du sultan.

Mohamed serra les accoudoirs de plus en plus fort et profita qu'elle ait les yeux fermés pour faire craquer sa nuque.

Il se passait quelque chose, il le sentait. La jeune femme semblait nerveuse et inquiète. Avec gravité il détacha sa ceinture pour se rendre au fond de l'avion afin de passer plusieurs coups de fil et à son retour il ne put s'empêcher de darder son regard sur la jeune femme qui s'était rapidement endormie.

Que cachait-elle ?

Mohamed se jura de le découvrir.

En plus d'être sur ses gardes, la jeune femme lui avait rapidement fait savoir qu'elle n'était pas à vendre. Rapidement, Mohamed avait dû s'armer d'un contrôle inédit pour ne pas montrer la colère qui avait rugi en lui à ce moment-là.

Jamais un tel chantage lui avait traversé l'esprit, mais quelqu'un d'autre l'avait supposé.

Pire.

Mohamed craignait que la jeune femme ait fait l'objet d'un tel chantage par un autre que lui auparavant.

Durant tout le vol, il ne trouva pas le sommeil, essayant de lire sur son visage endormi la vérité qu'elle cachait.

Lorsque l'avion se posa sur la piste, il ne tenta pas de la réveiller et la souleva pour l'emmener dans la voiture. Mohamed en profita pour tenter de mettre un mot sur ce désir brutal fiché dans ses reins et qui le consumait de façon dangereuse. Pour le réfréner il se concentra sur la Sicile, cette île qui lui faisait penser à la sienne et qui avait été son refuge.

Un refuge qui avait été la première étape dans sa transformation. Une première étape qui l'avait aidé à se trouver.

En arrivant au port, il savoura ce moment, parce qu'il était presque arrivé à son but.

Il monta à bord de son yatch et la porta jusqu'à la cabine la plus adaptée pour sa jambe. Il la déposa sur le lit et enfonça ses poings dans le matelas pour se pencher au-dessus de son visage endormi et paisible.

Les mâchoires serrées, il leva le revers de sa main et effleura sa joue avant de se redresser brusquement.

Déterminé, il s'éloigna et fit coulisser la porte sans faire de bruit.

Dans un silence savoureux il mit ses lunettes de soleil et monta jusqu'à la cabine de contrôle.

Sans attendre, il démarra et quitta le port.

Il tiendrait sa parole.

Bientôt il la mettrait en face de son défi de convaincre cet homme de lui céder son terrain comme il lui avait promis.

Ensuite...

Il tiendrait la promesse qu'il s'était faite à lui-même...

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