Chapitre 39




Peter Devero l'observa l'air perplexe. 

  - Il se passe quelque chose ? Pourquoi toutes ces questions ? 

Mohamed hésita à lui dire les raisons qui le poussaient à l'interroger avec autant d'insistance. Ce fut à son tour de l'observer afin de lire dans son âme s'il pouvait lui faire confiance. Il avait l'air sincère, mais était-ce suffisant ? 

  - Je m'interroge sur cet homme depuis un moment, et tes réponses m'ont beaucoup aidé, dit-il simplement restant impassible.

Le jeune homme plissa le front et semblait perdu dans ses pensées.

  - Venez, je vais vous montrer quelque chose.

Il le suivit sans réfléchir plus longtemps. Tout ce qui pouvait l'aider était bon à prendre. Il sortit ses poings serrés des poches de son manteau et écarta ses paumes de mains le long de ses jambes. Une tension dans la nuque l'obligea à la faire craquer.

Pendant un temps, il avait suspecté la famille de l'homme qui avait tué les parents de Sienna. Par remords, par envie de vengeances, il avait tout envisagé, mais certainement pas son ancien professeur de danse. Hélas Mohamed n'avait pas le choix de croire Peter Devero qui lui avait exposé des faits inquiétants.

Peter entra dans une pièce et alla jusqu'au fond de celle-ci pour ouvrir un placard. Il en sortit un carton et l'ouvrit pour fouiller dedans.

  - Tenez, dit-il en posant des boîtiers sur la table.

  - Qu'est-ce que c'est ? 

  - Des enregistrements de nos cours à l'époque où Sienna dansait, expliqua-t-il en sortant du carton trois autres dvd. Il y a plus de trois heures de cours sur chaque dvd. Ça serait intéressant que vous les étudiez et par la même occasion j'aurai l'air moins fou. 

Mohamed avisa les boîtiers noirs les mâchoires tendues puis les prit pour les glisser dans la poche intérieure de son manteau.

  - Dans chaque salle de danse il y a une caméra qui tourne, c'était pour permettre aux professeurs et aux élèves de relever les erreurs et les corriger, expliqua-t-il en refermant le carton. J'ai regardé ces vidéos une bonne dizaine de fois pour être certain que je ne m'étais pas trompé sur Karl et je peux vous assurer que vous verrez la même chose que moi.

  - Je te remercie infiniment, déclara Mohamed sincèrement. Tu n'imagines pas à quel point tout cela va m'aider. 

Peter le dévisagea avec une pointe d'inquiétude dans le regard. 

  - Vous donnez l'impression que Sienna a des problèmes, commença-t-il en soutenant son regard sombre. Si je peux aider alors c'est un plaisir.

  - Tu veux la voir ? 

  - Peut-être un autre jour, dit-il avec un mince sourire. Ma fiancée m'attend en bas. Dites-lui que toutes mes pensées vont vers elle. Je suis sûr qu'elle comprendra. 

Le sultan tendit sa main pour le remercier et il hésita un court instant avant d'accepter de la serrer. Mohamed s'efforça de ne pas trop serrer au risque de lui broyer la main et le laissa partir.

Plus tard, alors que la pluie continuait d'assombrir le paysage de New York, ils avaient rejoint l'hôtel dans lequel ils séjournaient depuis deux jours.

Rania quitta leur suite pour rejoindre la sienne, les laissant enfin seul à seul. Elizaya dormait profondément, en sécurité dans son berceau et il ne put s'empêcher de prendre le risque de la réveiller en déposant un baiser sur son petit front puis poussa légèrement les portes de la chambre.

Après avoir enfilé un peignoir en coton fin, Sienna sortit de la salle de bain et se dirigea vers le berceau pour admirer son enfant endormi. Une émotion étreignit son cœur et un sourire couvrit ses lèvres de bonheur. Son regard se porta ensuite sur les portes laissées entrouvertes et une légère inquiétude monta. Depuis leur retour, l'homme aux yeux gris était totalement fermé et elle détestait ça. Elle aurait voulu donner un morceau de son âme pour pouvoir lire dans son esprit.

Elle entra dans le salon et une bouffée de chaleur s'empara d'elle. Torse nu, exposant son corps musculeux, le sultan lui offrait une image à laquelle on ne pouvait pas résister. 

Elle fixa son dos hâlé alors qu'il était tourné vers la fenêtre du balcon. 

  - Elle dort profondément, lança-t-elle pour briser la glace.

Il se retourna instantanément et darda sur elle un regard si intense qu'elle en fut immobilisée.

  - Je sais, lui dit-il d'une voix basse.

  - Que se passe-t-il Mohamed ? Demanda-t-elle dans un murmure presque inaudible.

Un éclair zébra le ciel, aiguisant de façon redoutable les reliefs de son visage balafré.

Sans un mot il s'approcha d'elle, le visage dur, les yeux impénétrables.

Ses mains se posèrent sur ses joues et il inclina sa tête en arrière tout en se penchant lentement.

Son baiser fut féroce mais d'une lenteur indescriptible. Il s'emparait de sa bouche avec une passion redoutable. C'était presque comme s'il essayait de lui démonter quelque chose qu'elle savait déjà.

Elle était sa femme.

Une sensation nouvelle courut le long de son échine, ne lui laissant aucun répit. Ses pouces se pressaient convulsivement sur ses pommettes désormais brûlantes.

Ensuite, ses mains possessives se mirent à

à descendre lentement le long de sa gorge puis sur ses épaules. Un désir impossible à réfréner creusa son bas-ventre et elle posa ses mains sur ses biceps en réclamant plus...bien plus...

  - Je ne pourrais jamais me laisser de toi, articula-t-il d'une voix profondément rauque.

Sa voix l'effleura comme une caresse 

redoutable tandis que son corps essayait de contrôler les sensations folles qui le traversaient.

Depuis la naissance du bébé ils avaient fait l'amour qu'une seule fois et depuis son corps le réclamait sans cesse en secret. Vif comme un prédateur qui voulait s'assurer que sa proie était bel et bien piégée, il la souleva par les fesses et la colla au mur sans jamais cesser de dévorer sa bouche avec une ardeur redoublée. Sienna ignorait comment c'était possible mais elle se retrouva complètement nue dans ses bras et le réalisa seulement quand ses lèvres exigeantes se mirent à goûter ses seins. Enveloppée dans une myriade de sensations elle ferma les yeux en posant ses mains sur ses épaules et sentit son sexe pénétrer le sien. Elle avala une bouffée d'air au moment où il se plongea complètement en elle en respirant dangereusement. 

  - Regarde-moi, ordonna-t-il en restant immobile en elle.

Sienna ouvrit les yeux pour plonger son regard dans le sien ivre de désir.

Sauvage, il commença à aller et venir en elle, frappant ses chairs à une vitesse folle. Tétanisée par des sensations impossibles à décrire, Sienna gémit en fixant les lignes redoutables de ses mâchoires serrées.

Il la tenait fermement, ses mains crispées sur ses fesses alors qu'il se mouvait en elle avec une bestialité incroyable.

Son bas-ventre se comprima d'une nouvelle jouissance encore méconnue et ses grognements sauvages exacerbaient de façon violente ces sensations nouvelles.

Il captura sa bouche puis plongea son visage dans son cou alors qu'elle sentait la jouissance la frapper dans tout le corps. Il poussa un râle jusqu'alors jamais entendu alors que son corps massif était devenu rigide de plaisir. 

Le rythme cardiaque affolé, les jambes tremblantes au-dessus du sol, elle colla sa tête contre le mur et se laissa guider par les effets indescriptibles que lui apportaient cette incroyable jouissance.

  - Tout va bien, murmura-t-elle après un long moment à reprendre son souffle pour éteindre la lueur tourmentée dans son regard. Il posa un baiser sur sa tempe en caressant son épaule puis se leva du tapis moelleux en l'emportant avec lui. Il ramassa son peignoir et l'aida à l'enfiler. Dans ses yeux et malgré cet instant merveilleux elle décela cette lueur sombre qui n'avait de cesse de croître.

  - J'espère que tu ne m'as pas fait l'amour avec bestialité pour t'assurer que je suis toujours à toi ?

  - J'en ai besoin, admit-il après avoir remis son pantalon. J'ai besoin de toi sans cesse et encore plus maintenant. 

Sienna affronta son regard presque animal et effrayant dans cette pénombre.

  - C'est ma façon à moi de panser mes remords, poursuivit-il en venant s'installer à côté d'elle. Quand je me perds en toi, je sais que tu es à moi et que tu ne pourras jamais m'échapper.

  - Je n'ai pas l'intention de partir.

  - Je sais, murmura-t-il en glissant son index sur son menton. Seulement les événements en cours font ressurgir en moi le pire et le pire m'appelle à agir durement et sévèrement. Je tiens à ce que tu le saches.

  - Je le sais, je l'ai remarqué, dit-elle en baissant les yeux.

  - J'ai besoin d'en finir avec tout ça, je veux en finir et te ramener là où est ta place. Tant que cette histoire ne sera pas réglée j'aurai toujours cette sensation désagréable que je vais te perdre. Encore.

Sienna inspira imperceptiblement en soutenant son regard orageux puis esquissa un faible sourire qui se voulait rassurant.

  - Aujourd'hui c'était notre dernière chance comme tu l'as dit. Nous n'avons rien trouvé.

  - J'ai trouvé, lâcha-t-il d'une sombre voix.

  - Quoi ? Souffla-t-elle interloquée.

  - J'ai une piste sérieuse.

Elle secoua de la tête l'air déboussolé.

  - Pourquoi tu ne me l'as pas dit ? 

  - Parce que je voulais que tu retrouves notre fille dans les meilleures conditions afin qu'elle ne ressente pas cette angoisse latente qui commence à se lire sur ton visage.

Sienna déglutit en fouillant dans ses yeux à la recherche de la vérité.

  - Tu as un nom ?

  - Karl Jonhson. 

  - Karl Jonhson ? Répéta-t-elle abasourdie. Mon ancien professeur de danse ? 

  - Je dirais plutôt ton ancien gourou, rectifia-t-il froidement.

  - Qu...quoi ?

  - J'ai croisé un ancien élève qui était dans le même cours que toi. Peter Devero tu connais ? 

  - Oui bien sûr que oui, répondit-elle en remettant une mèche inexistante derrière son oreille. Il dansait avec moi, mais un jour il a décidé de partir.

  - Il m'a raconté pour quelle raison il était parti et c'est à cause de Karl Jonhson. Il me l'a décrit comme un homme exigeant, pratiquant des méthodes étranges sur ses élèves et capable de charmer n'importe quelle ballerine ayant le désir de viser des sommets.

La bouche sèche, Sienna se replongea dans ses souvenirs.

  - Ne fais pas cette tête habibti, reprit-il en se levant pour aller lui servir un verre d'eau qu'il lui rapporta. Apparemment il savait s'y prendre pour que personne ne se rende compte qu'il était dérangé. Peter et d'autres ont remarqué que ses pratiques étaient étranges. Des méthodes exigeantes, ce désir de s'approprier les corps.

Il resta debout, faisant craquer sa nuque comme si tout son corps était violemment tendu.

  - Tu étais sa muse apparemment.

  - Il voulait faire de moi sa danseuse principale pour le spectacle qu'il préparait en effet.

Il serra les mâchoires.

  - Cet homme était dangereux Sienna, mais tu étais si désireuse d'accéder à tes rêves que tu t'es rendue compte de rien.  Il t'a amaigri, il t'a manipulé et c'est ce qu'il voulait. Il voulait avoir le contrôle sur toi et sur les autres filles, mais toi, tu étais sa proie principale. Sa façon de te toucher, de te regarder pendant que tu dansais.

Elle l'interrogea du regard.

  - Peter m'a donné des archives vidéos sur ses cours et je n'ai pas eu besoin de les regarder en intégralité pour confirmer mes craintes.

Sienna exhala un soupir glacé en baissant les yeux sur la table basse. Une boule d'angoisse se forma dans son ventre alors qu'elle se remémorait ces instants passés en compagnie de Karl.

  - C'est comme une hypnose, une manipulation, une secte avec des victimes incapables de déceler le danger. 

  - Mais...ce que je ne comprends pas c'est pourquoi tu le soupçonne d'être derrière ces photos ? 

Sienna cessa de respirer sous la force de son regard sombre et presque puisé dans les ténèbres. Glacée jusqu'au sang, elle attendit sa réponse.

  - Il est parti du Ballet Arts Center for Dance juste après ton accident, révéla le sultan en venant s'asseoir à ses côtés. Tu étais sa muse, il voulait faire de toi une étoile montante et ton accident a mis une fin brutale à tout ça. Si je m'engage plus loin dans ma réflexion je dirais qu'il a perdu l'élément central de sa secte. Tu as brisé ses rêves, tu as sans réellement le vouloir brisé le lien qu'il avait établi avec toi. Tu as brisé son rêve et je crois que l'histoire est bien plus sombre que ça.

  - Mon dieu, murmura-t-elle se passant une main sur sa joue froide. Et maintenant qu'est-ce qu'il me veut ? 

  - Il y a plusieurs options auxquelles je pense. Il est obsédé par toi et s'il a pris toutes ses photos c'est qu'il cherche à obtenir quelque chose. Est-ce que ces photos lui donnent l'impression que tu es toujours sous sa coupe ? Est-ce qu'il t'en veut d'avoir brisé ses rêves ? Est-ce qu'il voulait t'enlever pour que tu danses pour lui ? Ai-je tué ses plans ? Étais-tu destiné à remplacer une femme qui a fait partie de sa vie ? 

Une sombre lueur noya son regard gris.

  - Peu m'importe ce que c'est, je vais le retrouver et en finir. J'ai contacté la directrice de Juilliard pour qu'elle me donne des informations sur son départ prématuré au bout de quelques mois alors qu'il avait obtenu une place importante.

Rien de ce qu'il pouvait lui dire suffirait à la rassurer. Pas tant que la menace continuait de rôder. 

Il posa sa bouche sévèrement crispée sur la sienne et posa son front contre le sien. 

  - Ensuite nous rentrerons au palais dans lequel tu es destinée à vivre auprès de moi.

Il plongea son regard assombri dans le sien et rajouta d'une voix basse et gutturale.

  - À jamais...

À jamais oui, elle l'espérait, car si une mission attendait l'homme, Sienna en avait une également...

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