Chapitre 36
- Elle est magnifique Sienna.
Une émotion profonde lui gagna le cœur alors qu'elle regardait son frère bercer dans ses bras sa petite fille.
- Elle est parfaite, murmura-t-elle sourire aux lèvres.
Ethan lui redonna le bébé qu'elle prit dans ses bras tout en caressant le dos de sa minuscule main.
- Elle te ressemble, nota-t-il d'une voix où l'émotion semblait forte.
Sienna releva les yeux vers son frère qui luttait pour rester impassible. C'était la première fois qu'il posait les pieds à Rhafar. Elizaya était née depuis plus de deux semaines et faisait le bonheur de tous. Depuis leur installation dans le nouveau palais construit et imaginé par Mohamed, elle se sentait mieux. Cet endroit respirait le calme et l'équilibre. Elle n'avait plus cette sensation désagréable d'écrasement dans la poitrine. Parfois elle se demandait même si ce n'est pas Mohamed qui avait raison à propos de l'ancien palais.
Elle ne connaissait pas toute l'histoire, mais savait que des vies avaient été perdues dans l'ancien palais et que les souvenirs de cette guerre hantaient chaque dédale de couloirs. Ici elle se sentait plus libre et le paysage spectaculaire était chaque jour une nouvelle source d'inspiration.
- Où est-il ?
Sienna voulut ignorer la question de son frère parce que celle-ci avait pour unique but d'ouvrir les hostilités. Les deux hommes ne s'étaient pas encore croisés et elle redoutait ce moment depuis deux jours.
- Je ne sais pas, admit-elle en fixant sa fille. Il est parti très tôt ce matin.
- Est-ce qu'il te traite bien ?
- Je t'en prie ne fais pas ça Ethan, s'enquit-elle d'une voix ferme en berçant le bébé sans le regarder.
Un silence pesant s'ensuivit et dans lequel Sienna décida de traverser la grande chambre pour déposer sa fille dans son berceau.
Lorsqu'elle se retourna elle leva son regard vers Ethan qui se tenait à l'autre bout de la pièce, le visage impassible, la main dans les poches de son pantalon.
- Je me pose simplement la question, se justifia-t-il gravement. Ça fait plus de quatre mois que tu es avec lui.
- Et il a pris soin de moi, lança-t-elle agacée en le rejoignant. Quand j'ai dû rester au lit pour le bébé, il ne m'a pas quitté un seul instant, il était inquiet alors oui Ethan, il me traite bien.
- Est-ce que tu es heureuse ?
- Est-ce un interrogatoire ? S'enquit-elle en soutenant son regard déterminé à obtenir les réponses à ses questions. Parce que si c'est le cas, tu es en avance de huit mois. Il me reste encore huit mois avant que s'achève l'année que vous avez conclu sans moi. Donc si tu désires savoir si je veux divorcer, tu as de l'avance.
En colère, elle passa devant son frère pour rejoindre le salon afin de ne pas perturber la tranquillité de sa fille.
- Tu peux être en colère, mais je veux te...
- Protéger ? Je le sais Ethan, mais tu ne peux pas venir ici alors que je porte mon enfant que j'ai eu avec cet homme que tu détestes et me poser une question pareille.
- Tu ne m'empêcheras pas de m'inquiéter pour toi et encore moins quand je te sais avec un homme armé et qui a une longue liste de cadavres derrière lui.
- Il a mené une guerre Ethan.
- Pas en Sicile.
Sienna préféra ne pas répondre.
- Et il va bien ? Pas de séquelles ? Il dort bien la nuit ? Pas de cauchemars ?
- Non, dit-elle fermement. La guerre l'a affecté c'est indéniable, mais il n'a pas de stress post-traumatique. Il est juste...
Elle s'interrompit brusquement en regrettant d'avoir commencé sa phrase.
Alerté, Ethan s'avança en l'invitant à poursuivre.
- Il est juste quoi Sienna ?
- Il est juste très possessif et extrêmement protecteur. Oh mais en final tu devrais t'en réjouir !
- Possessif à quel point ?
Sienna leva au ciel en pliant le petit pyjama.
- Possessif du genre je ne prendrais plus le risque de perdre la mémoire et de t'oublier, tu n'iras nulle part sans moi. C'est plutôt une bonne nouvelle non ?
Ethan lui lança un regard sévère auquel Sienna répondit sur un ton froid.
- J'aime ça, je me sens en sécurité avec lui et il n'est pas la brute que tu espères qu'il soit. En tout cas pas avec moi.
Etha soupira bruyamment en secouant la tête.
- Je vais bien, mon bébé va bien, tu devrais te réjouir pour moi.
- Je suis heureux pour toi mais...
Elle leva les mains pour qu'il s'arrête et s'approcha. Son frère fut alors forcé de se radoucir quand elle passa ses bras autour de lui pour qu'il la prenne dans ses bras.
Ça faisait si longtemps qu'ils ne s'étaient pas vu qu'elle n'avait pas la moindre envie de se disputer avec lui sur un sujet déjà abordé à maintes reprises.
Ethan était un obstiné de nature, mais elle savait comment le calmer.
- Tu restes longtemps ?
- Deux jours, je dois ensuite rentrer pour la naissance de mon fils, ton neveu.
Elle s'écarta avec un grand sourire aux lèvres.
- Ils joueront ensemble et ça sera merveilleux.
Ethan acquiesça en esquissant un sourire mais ce dernier retomba aussitôt qu'il leva les yeux au-dessus d'elle.
Inutile de se retourner pour savoir qu'il s'agissait de Mohamed. Son aura diffusait tant de puissances sombres et énigmatiques qu'il suffisait qu'elle sente ce petit frisson dans sa nuque pour savoir qu'il était là.
- Bonjour Ethan, j'espère que tu as fait bon voyage, déclara-t-il d'une voix aussi posée que possible.
- Un long voyage, mais ça en valait la peine, répondit son frère sur le même ton.
Sienna se retourna et fut saisie par une onde de chaleur quand elle posa les yeux sur lui.
Sa chemise noire ouverte au col, laissant dévoiler sa peau brune l'obligea à respirer un grand coup.
Il s'approcha, avec cette démarche dont lui seul avait le secret. Son regard aiguisé était rivé sur son frère qui se tenait derrière elle.
La tension semblait s'épaissir et elle se devait d'intervenir.
- Ethan est là pour deux jours, lança-t-elle avec un sourire nerveux.
- Je sais, dit-il en baissant brièvement les yeux sur elle.
Sienna déglutit péniblement en tortillant le pyjama dans ses mains.
- J'aimerai parler à ton frère en privé.
- Quoi ? Pourquoi ? Vous n'allez pas recommencer !
Elle les regarda tour à tour alors qu'ils s'affrontaient du regard depuis que le sultan avait fait son entrée.
- Rassure-toi, je n'ai pas l'intention de me battre avec lui, déclara-t-il en soutenant le regard de son frère. Je ne voudrais pas que ça soit un motif de divorce, ajouta-t-il avec un humour très sombre.
- Je serais ravi de m'entretenir avec toi en privé, lança Ethan derrière elle.
Sienna s'apprêtait à intervenir une nouvelle fois quand Mohamed déposa un baiser sur son front.
Impuissante, elle les regarda partir en se demandant bien ce que Mohamed voulait dire à son frère.
Elizaya ne lui donna pas le temps de réfléchir plus longtemps quand elle se mit à pleurer au loin, l'obligeant à laisser les deux hommes s'éloigner pour de bon.
Mohamed conduisit Ethan jusqu'à son bureau et referma la porte assez sèchement. De l'intérieur, il bouillonnait de colère. L'ensemble de ses tissus musculaires étaient tendus à l'extrême.
- Alors ? Qu'est-ce que tu veux me dire ? Lança Ethan sur ses gardes.
Mohamed fit le tour de son bureau les mâchoires tendues à un point tel qu'il avait l'impression qu'elles allaient se briser.
- Après quatre longs mois à mes côtés, tu continues à troubler ta sœur de questions douteuses, commença-t-il d'une voix sombre. Tu ne m'aimes pas beaucoup n'est-ce pas ? Peu importe ce que je peux faire ?
Le frère de la jeune femme serra les mâchoires en s'approchant du bureau.
- Ce n'est pas l'avenir que j'avais espéré pour elle quand elle est sortie du coma, en effet, dit-il d'une voix crispée.
- Ah oui ? Et quel avenir avais-tu programmé pour elle ? S'enquit-il d'une voix faussement curieuse.
- Tu ne peux pas comprendre le lien que nous avons ensemble.
- Au contraire, j'ai très bien compris.
- Non ! Parce que tu n'étais pas là ! S'emporta-t-il en tâchant de ne pas trop hausser le ton de crainte que Sienna l'entende. Tu ne l'as pas vu sur ce lit, branchée à des tas de machines, tu n'as aucune idée de ce que ça fait de devoir envisager de la débrancher, de penser au pire, de devoir attendre chaque jour qu'un miracle se produise.
Mohamed serra les dents en accusant en silence la colère de cet homme encore hanté par cette époque.
- Tu n'as absolument aucune idée de ce que ça fait de devoir chercher un moyen de lui dire que nos parents sont morts dans cet accident à son réveil tout en craignant que cette information la brise et lui donne l'envie de ne plus se battre.
Il se passa une main rageuse sur le visage en le foudroyant du regard.
Mohamed demeura silencieux, un masque impénétrable sur le visage.
- J'avais espéré qu'elle trouve un homme bon, un avocat, un médecin, un serveur, n'importe qui mais certainement pas un souverain aux coutumes moyenâgeuses et membre de la mafia à ses heures perdues.
- Aucun médecin, aucun serveur et aucun avocat ne peut la protéger comme je le fais, articula-t-il froidement. Il va falloir te faire une raison Ethan, parce que je n'ai pas l'intention de l'abandonner. Tu te trompes d'ennemi.
- Tu as tué des gens bon sang ! Tu es un tueur !
- J'ai dirigé une guerre pour sauver des innocents, mon peuple, s'enquit-il aussitôt. Quant à la mafia, ces gens étaient malveillants et faisaient du mal. Je n'ai absolument aucun regret.
Mohamed plissa des yeux puis ajouta :
- Si tu avais eu l'opportunité de te retrouver devant celui qui a tué tes parents et anéanti ta sœur qu'aurais-tu fait ?
Ethan ne répondit pas et se contenta de le regarder froidement.
- C'est bien ce qui me semblait. Je ne suis pas ton ennemi Ethan, nous avons un but en commun, et c'est Sienna. Il est temps d'arrêter de me combattre inutilement et accepter qu'elle est heureuse avec moi.
Mohamed peinait à contenir la colère qui rugissait en lui depuis deux jours.
- Maintenant je veux absolument tout savoir sur la vie de Sienna avant de me connaître.
- Je te demande pardon ? S'enquit-il d'une voix à la fois choquée et scandalisée.
- Tu as parfaitement bien entendu, je veux savoir toute sa vie avant de me connaître. Plus précisément avant l'accident. Ses années de ballerine, ses années d'études, je veux absolument tout savoir.
Ferme, glacial, Mohamed soutint son regard noir de colère.
- Quoi, tu la soupçonnes maintenant ? En quoi ça te regarde !
- Je ne la soupçonne pas, tu te trompes.
- Dans ce cas, tu es si jaloux et si possessif que tu veux un rapport documenté sur sa vie ?
- Un peu de ça, mais bien pire, dit-il entre ses dents.
Ethan le dévisagea incrédule et en colère.
- Tu ne m'aides vraiment pas à t'apprécier ! Siffla-t-il entre ses dents.
- Dans quelques secondes tu vas m'apprécier.
Il fronça des sourcils.
- Quand je suis arrivé à Boston pour récupérer ta sœur, j'ai aperçu une voiture garée dans le pavillon juste en face de la maison. J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'un habitant puisque la voiture est partie quelques secondes après mon arrivée, commença-t-il gravement, ayant peine à contenir cette colère qui n'en finissait pas de grandir. Ensuite j'étais tellement déterminé à la reconquérir dans cette maison à l'aspect clinique que j'en ai oublié de regarder dehors.
Dans l'incompréhension la plus totale, Ethan se retint d'intervenir pour le laisser poursuivre.
- Le jour de ton retour je lui avais demandé de rester dans la maison, mais elle est partie et je l'ai retrouvé dans le parc. Quand je suis arrivé en trombe devant l'entrée du parc une voiture identique était garée non loin de là et s'est empressé de partir. J'ai alors senti en moi qu'il se passait quelque chose de pas normal. J'ai eu le pressentiment qu'elle était suivie. Ce jour-là j'ai relevé la plaque d'immatriculation et après quatre longs mois d'enquête mon instinct m'a confirmé que j'avais raison.
Alors le visage de son frère changea et ses traits devinrent inquiets.
- Comment ça suivie ? Dit-il en le dévisageant l'expression tourmentée.
- Je suis remonté à la source et j'ai trouvé ça.
Mohamed jeta le tas de photos sur le bureau et il s'empressa de les étudier. À mesure qu'il regardait les photos, la respiration de l'homme devint lourde et pénible.
- Maintenant dis-moi ce que je veux savoir, exigea-t-il froidement.
- Qui t'a donné ça ?
- L'homme qui a passé des jours et des jours à prendre des photos d'elle ! Dit-il entre ses dents. Après une longue série de torture j'ai compris qu'il ne connaissait pas l'identité de son client qui la contacté sur internet. Ces clichés sont une copie, ce qui signifie que celui qui les a demandés les a en sa possession ! Au moment où je te parle, un taré détient une soixantaine de photos de ma femme alors je vais te le demander une dernière fois Ethan. Dis-moi tout ce que je veux savoir sur la vie de Sienna.
Ethan reposa le tas de photos sans même finir de les regarder et se passa une main sur son visage inquiet.
- David Marshall ? Lança-t-il en relevant son regard sur lui.
- Je pensais aussi que c'était lui, déclara Mohamed en serrant les poings. J'étais tout comme toi persuadé que c'était lui alors j'ai concentré toutes mes recherches et mon énergie sur lui.
Il marqua une pause dans laquelle Mohamed inspira brutalement, l'expression si dure et glaciale qu'il avait l'impression que sa balafre était en train de se fissurer en profondeur.
- Ce n'est pas lui...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top