Chapitre 33
En arrivant à Rhafar Sienna s'était sentie nerveuse, mais très vite l'ensemble du personnel du palais lui avait offert un accueil chaleureux. Comme l'avait prédit le sultan, Arif avait exprimé un fort soulagement en la voyant arriver à ses côtés et Rania l'avait immédiatement pris en main.
La dernière fois qu'elle s'était retrouvée dans ce palais, Sienna n'avait connu que l'étage inférieur de cet endroit immense. Aujourd'hui elle se retrouvait dans les appartements de Mohamed et n'avait pas pu protester. Personne ne lui avait donné l'opportunité de contester cette décision prise par le sultan lui-même.
En pénétrant dans la chambre son cœur s'était rapidement emballé, et quand son regard s'était porté sur le lit majestueux, une folle rougeur avait envahi ses joues.
Chaque détail dans l'appartement représentait la force de celui qui l'habitait, mais elle se souvint très vite qu'il n'avait pas l'intention de rester ici. Aussitôt elle se demanda si elle pouvait reprendre son travail dans la grande et majestueuse bibliothèque.
Revenir ici faisait ressurgir des souvenirs qu'elle aurait préféré oublier.
Avec un soupir tremblant elle se dirigea vers les imposantes fenêtres et écarta l'un des rideaux pour admirer la vue splendide.
- Tu devrais te reposer un peu, lança une voix derrière elle.
Une sensation nouvelle courut en elle et c'est avec difficulté qu'elle essaya de la réprimer.
Elle se retourna et découvrit un homme différent de celui qui l'avait retrouvé à Boston. Il respirait la violence du guerrier dans cet accoutrement implacable et qui faisait ressortir son côté sauvage.
- J'ai beaucoup dormi dans l'avion, lui rappela-t-elle en posant instinctivement sa main sur son ventre.
Il s'approcha doucement comme il aimait le faire. Elle avait aussitôt l'impression d'être la proie d'un prédateur.
- Comment tu te sens ?
- Je me sens bien, j'étais juste en train de me demander si je pouvais reprendre mon travail.
À son expression, elle comprit que la réponse était non.
- Nous verrons, finit-il par dire sans s'étendre plus longtemps. Tu n'es pas venue ici pour trier des livres.
- Ah oui ?
Quelle réponse stupide ! S'écria-t-elle intérieurement en voyant la commissure de ses lèvres tressaillir d'un sourire.
- Tu as oublié ce que je t'ai dit dans l'avion ?
- Non, s'entendit-elle répondre en croisant les bras.
- Dans ce cas, je n'ai pas besoin de me répéter.
Sienna exhala un soupir d'agacement en soutenant difficilement son regard.
- Où sont le berceau et la poussette ?
- Ils ont été livrés dans mon palais.
Elle fronça des sourcils.
- Il te reste encore quatre mois de grossesse et d'ici là nous aurons déménagé dans l'autre palais, expliqua-t-il en pressant ses doigts sur son coude pour la guider vers le lit. Allonge-toi un peu ça va te faire du bien.
Dans sa voix elle décela une légère inquiétude qui l'empêcha de contrer son ordre.
- J'espère que tu n'as pas l'intention de faire ça chaque seconde de chaque jour maintenant que je suis ici ?
Il fit mine de ne pas comprendre.
- Me protéger comme si j'étais en sucre, comme si ma vie allait se passer dans ce lit.
- Eh bien c'est une chose que j'ai envisagé en effet, confirma-t-il. Tu sais, dans un lit on peut faire des tas de choses qui n'ont aucun rapport avec le fait de dormir.
Son allusion la fit rougir si violemment qu'il esquissa un lent sourire.
- Plus sérieusement, le médecin va passer te voir pour nous assurer que tout va bien.
- Je vais bien Mohamed et le bébé aussi.
- Ça, c'est à moi d'en juger et le médecin royal vient également pour confirmer de façon officiel ta grossesse. Tout se passera bien.
Au fond d'elle Sienna était pétrifiée.
- Imagine que ton peuple ne m'aime pas ? Est-ce que tu as pensé à ça ?
- Oui, dit-il les traits rembrunis. Jusqu'ici mon peuple était inquiet que je ne te retrouve pas. Maintenant que tu es ici, ils seront heureux de l'apprendre quand le médecin annoncera la venue de notre enfant courant décembre.
Pour la première fois depuis leur baiser échangé dans la cuisine, il posa sa main sur son ventre en le fixant avec sérieux.
- Tu es ici désormais Sienna et je vais tout faire pour que tu trouves ta place à mes côtés.
Sienna n'eut pas le temps de répondre et de lui exprimer toutes les angoisses qu'elle éprouvait.
Le médecin entra, et sur les ordres du sultan, elle resta allongée pour l'accueillir.
Tout en soulevant sa chemise, elle contempla l'appareil sophistiqué que l'homme avait apporté avec lui.
- Avec ça, nous pourrons voir le bébé et entendre les battements de son cœur.
Sienna les avait déjà entendu à plusieurs reprises. Elle se retint de le préciser et tourna les yeux vers les siens qui brûlaient d'impatience de les entendre.
Alors elle se pinça juste la bouche en essayant de calmer les battements de son cœur qui s'emballaient chaque fois qu'il se tenait près d'elle.
Soudain, le silence fut comblé par des battements de cœur irréguliers et forts. Elle ne put s'empêcher de détourner les yeux de l'écran pour regarder le visage de l'homme penché au-dessus de son ventre.
Une telle émotion ne pouvait pas se feindre. Tout son visage viril et balafré devint doux et sensible à l'image sur l'écran.
Sa gorge puissante se mit à déglutir à plusieurs reprises comme s'il essayait de refouler ses émotions. Ensuite, et alors qu'elle appréciait réellement ce moment d'émotions, Sienna vit le visage de l'homme se refermer brusquement.
- Le bébé va bien, tout semble aller parfaitement bien, votre Altesse.
- C'est une excellente nouvelle que je vous autorise à partager avec le peuple, déclara le sultan en se redressant.
Sienna força un sourire pour remercier le médecin et se redressa lentement en évitant soigneusement le regard froid de cet homme qui allait définitivement la rendre dingue !
Lorsque la porte se referma elle se leva en ignorant son air rembrunit.
- Je peux savoir ce qu'il t'arrive ?
- Cela n'a rien à voir avec toi, répondit-il brusquement en s'éloignant vers le balcon.
- Bien sûr que si ! Insista-t-elle en le suivant. Tu semblais heureux de voir le bébé et ensuite...
- Ensuite j'ai réalisé que j'avais perdu cinq mois, la coupa-t-il en restant le dos tourné.
Que dire pour apaiser sa colère ?
Rien, parce que si lui était en train de souffrir d'avoir manqué cinq mois de grossesse, Sienna avait passé ces cinq mois à pleurer en essayant de l'oublier.
- Ce bébé n'est pas encore né, tu as encore quatre mois devant toi pour en profiter.
- À la condition que tu acceptes que je te touche, précisa-t-il en se retournant.
Elle battit des cils en secouant imperceptiblement la tête.
- Je t'ai laissé me toucher.
- Ce n'est plus comme avant, tu as peur, nota-t-il en la considérant sérieusement.
L'intensité dans ses yeux la rendit si mal à l'aise qu'elle se sentit devenir écarlate.
Fuir ?
Oui...excellente idée, pensa-t-elle en tournant les talons pour quitter le balcon.
Seulement il s'agissait de Mohamed Al-Rayar...et il n'allait pas en rester là.
- Je n'ai pas seulement perdu cinq mois avec bébé, je les ai perdu avec toi et désormais tu essayes de me fuir.
- Je n'essaye pas de fuir. Si j'avais voulu te fuir je ne serais pas ici.
- Pourquoi tu m'as laissé t'embrasser dans la tente ?
Elle se retourna vivement en étouffant un rire nerveux.
- Quoi ?
- Pourquoi as-tu accepté ce baiser dans la tente ?
- Dans l'espoir que tu te souviennes, mais comme il ne s'est rien produit, j'ai pris peur à cause de tes lois alors j'ai modifié certains détails de l'histoire. Ensuite tu m'as chassé.
- Et tu ne t'es jamais demandé pour quelle raison j'ai fait cela ? S'enquit-il d'une voix puissamment rauque comme s'il cherchait à intensifier...à distiller...chaque mot.
- Non, murmura-t-elle en baissant les yeux.
- Parce que j'étais déçu, commença-t-il en comblant les quelques mètres qui les séparaient. J'étais persuadé au fond de moi que je te connaissais et tu me l'as confirmé. Sauf que j'ai été profondément déçu de savoir que tu me voyais comme un richissime sultan arrogant qui a essayé de détruire ta vie.
En proie à un tumulte d'émotions, Sienna en perdit ses mots.
- Tu aurais espéré qu'il y ait eu plus entre nous ?
- Je t'ai enlevée parce que j'étais persuadé que tu étais celle que je cherchais, évidemment que j'espérais t'entendre me dire toute la vérité. En revanche, je peux comprendre que tu aies eu peur de me l'avouer.
Il s'approcha avec l'allure d'un félin.
- Ce que j'essaye de te dire, c'est qu'une part de moi savait que tu ne m'étais pas méconnue.
Il leva sa main vers son visage pour attraper une boucle de ses cheveux.
- Je ne veux pas que tu aies peur que je t'approche Sienna. Je ne vais pas pouvoir tenir plus longtemps sans t'approcher.
- Je suis excessivement nerveuse à l'idée de te laisser envahir mes émotions une fois de plus. Je me connais je ne vais pas résister et je ne veux pas souffrir.
Sa réponse ranima la colère de l'homme.
Contre lui-même.
Cependant il ne lâcha pas sa boucle blonde, au contraire glissa sa main dans ses cheveux comme s'il refusait que ses mots puissent l'atteindre et l'empêcher de la toucher.
Elle aurait dû s'en douter. Il n'était plus l'homme prudent de Boston craignant qu'elle ne lut revienne pas. Désormais qu'elle était sur ses terres plus rien ne pouvait l'arrêter et Sienna n'avait pas oublié la fureur de leur passion sur le yacht. Elle n'avait pas oublié ses caresses, cette soif de la posséder et de lui montrer son désir de toute-puissance.
Elle n'avait rien oublié. Pas même les sensations folles qu'elle avait l'impression de revivre encore et encore. Le pire c'est que sa grossesse exacerbait ces sensations incontrôlables qui l'animaient chaque fois qu'il se tenait là, près d'elle, l'enveloppant de son aura puissante et mystérieuse.
Combien de temps allait-elle pouvoir tenir avant de céder à la tentation ?
- Je n'ai pas l'intention de te faire souffrir, je te veux toi et personne d'autre. Bébé ou pas, c'est toi et si tu n'avais aucune importance pour moi, jamais je n'aurais employé des moyens aussi fous pour te récupérer. À commencer par ce stupide contrat qui te donne le droit de me quitter.
Rictus aux lèvres, dans cet accoutrement implacable de guerrier, il ressemblait à un homme d'un autre temps, capable du pire comme du meilleur.
La tension était si explosive qu'elle en perdit le souffle et quand il posa sa main sur son ventre, elle comprit que la barrière qu'elle avait eu peine à dresser venait de s'effondrer.
L'éclat métallique dans ses yeux la fit frémir alors qu'elle essayait en vain de déchiffrer le mystère qui entourait cet homme.
Sans s'en rendre compte, il l'avait fait reculer jusqu'au lit et l'invita à s'allonger. Sans lui laisser le choix, il pressa ses mains sur ses épaules et se pencha au-dessus de son visage.
- Je dois finaliser notre mariage, ensuite tu seras mon unique priorité. En attendant, essaye de te reposer un peu.
Il déposa un baiser sur son front et se redressa.
Sienna le regarda partir avec cette démarche qui la rendait complètement folle et attendit qu'il referme les portes de la chambre pour lâcher tout l'air bloqué dans sa poitrine.
Les tensions dans son corps atteignaient son paroxysme alors qu'elle entendait à droite son téléphone vibrer.
- Je suis arrivée Ethan, commença-t-elle pour le rassurer immédiatement. Je vais bien et le bébé aussi.
Un silence l'accueillit et elle pouvait entendre sa respiration agacée.
- Ethan ?
- Je l'ai fait uniquement parce que tu m'as dit que tu étais amoureuse de lui, mais si jamais...
Il s'interrompit brusquement puis reprit avec colère.
- Cet homme est le danger incarné Sienna.
- Il est dangereux, mais pas pour moi, et je crois que tu le sais sinon tu ne m'aurais pas laissé partir.
Il soupira bruyamment.
- Il te regarde comme s'il allait te bouffer Sienna.
- Et jusqu'ici il ne l'a pas fait Ethan. Je suis allongée dans une chambre confortable et lui n'est pas là. Il est parti s'occuper d'affaires importantes.
Elle se redressa sur le lit majestueux en poussant un soupir.
- Tu vas pouvoir venir me voir, tu as réussi à obtenir de lui tout ce que tu voulais.
- Et ça n'enlève pas le fait qu'il est dangereux, insista-t-il. Est-ce que tu savais qu'il a des liens avec la mafia Sicilienne ?
Sienna déglutit péniblement, les yeux dans le vague.
- Ou..oui...je le savais, bafouilla-t-elle en essayant de ne pas lui montrer qu'elle n'en savait rien.
- La mafia Sienna, la mafia, s'emporta-t-il à l'autre bout du fil. C'est un membre de la mafia en dehors de son rôle de souverain. Voilà pourquoi il est extrêmement dangereux.
Livide, Sienna avisa les deux portes closes en se demandant s'il était derrière celles-ci en train de l'écouter.
Le cœur battant à tout rompre, elle essaya de contenir l'inquiétude de son frère puis raccrocha.
Était-ce le secret qu'elle le soupçonnait d'avoir ?
Est-ce que son frère disait vrai ou essayait-il de lui faire peur ?
Glacée jusqu'au sang, elle s'efforça de ne pas croire cette révélation qui pourtant semblait aussi réelle que la menace qui entourait cet homme aux yeux gris...
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