Chapitre 32




Alors qu'elle avait passé la nuit à imaginer un tas de scénarios, Sienna ne s'était pas attendu à celui-là.

Elle s'était réveillée seule dans la maison et avait découvert un mot posé sur la console de l'entrée. Un mot où l'on pouvait voir dans chaque coup de stylo l'autorité du sultan.

Il lui interdisait clairement de ne pas bouger de la maison et d'attendre son retour.

Sidérée et dans un état de panique absolu elle avait immédiatement pris la fuite hors de la maison pour tromper l'angoisse.

Elle essaya d'appeler son frère mais ce dernier ne répondait à aucun de ses appels ou messages. Elle se sentait comme un morceau de viande que se disputaient deux animaux en colère. Au bout d'une longue et interminable attente, son frère lui envoya simplement un message où il l'informait que tout allait bien.

De plus en plus sidérée par le comportement des deux hommes, Sienna quitta le pavillon pour se rendre à pied en ville.

Elle fuyait oui ! Elle fuyait la peur d'apprendre que le sultan avait tué son frère ou l'inverse !

Puis la colère se mit à l'envahir parce qu'elle avait l'impression de ne plus contrôler sa vie qui reposait entre les mains de son frère et de cet homme qui réapparaissait dans sa vie chaque fois qu'elle commençait à l'oublier.

Elle entra dans le parc inhabité par les enfants tant il faisait froid. Sienna se dirigea en direction de la balançoire et s'y installa en poussant un soupir anxieux.

Cela faisait plus d'une heure qu'elle n'avait plus de nouvelles de son frère et elle ne pouvait même pas contacté le sultan qui ne lui avait toujours pas donné un numéro pour le contacter.

À cette pensée elle faillit éclater de rire.

Elle se balança doucement, agrippant les cordes humides de la balançoire tout en fixant l'entrée du parc silencieux.

Silencieux ?

Sienna entendit au loin un bruit de moteur puis de pneux arrachant presque la route dans un bruit sourd.

Elle rompit son souffle en guettant l'entrée entourée d'arbres et qui l'empêchaient de distinguer d'où provenait ce bruit.

Inutile, pensa-t-elle quand une sombre silhouette haute et imposante ouvrit le portail du parc avec colère.

Sienna resta immobile alors que la balançoire continuait de se balancer. Elle distingua au loin les éclairs de rage dans ses yeux et son visage était si sombre qu'elle ignorait si c'était bon signe ou non.

Il marchait à grande vitesse vers elle, et plus il se rapprochait, plus Sienna sentait son cœur s'emballer.

- Monte immédiatement dans la voiture.

- Comment tu as su...

Il se rapprocha de la balançoire, les yeux fous de colère mais aussi d'inquiétude.

- Où que tu ailles, je finis toujours par te retrouver, dit-il les mâchoires serrées comme deux pièges acérés. Je t'avais dit de ne pas bouger de la maison.

- Et moi je t'avais dit que je voulais venir avec toi ! S'emporta-t-elle en se levant de la balançoire pour le confronter.

Hélas il était si grand qu'elle en eut le vertige.

- Sienna...

- Il s'agit de moi et vous agissez comme si je n'avais pas mon mot à dire ! Dit-elle en ignorant son avertissement.

- Tu voulais que j'aille voir ton frère et c'est exactement ce que j'ai fait ! Gronda-t-il sévèrement. Maintenant monte dans la voiture immédiatement. Ton frère pense que je t'ai enlevée. Il te cherche partout, je t'ai cherché partout.

Sienna le dépassa pour sortir du parc et se mit à marcher si vite que sa jambe lui envoya un rappel douloureux.

L'instant suivant elle se retrouva dans ses bras. À contrecœur elle dut s'accrocher à son cou.

- Je peux marcher.

- Tu es têtue et imprudente !

- Je suis ce que je suis, et je suis partie de la maison parce que j'étais angoissée à l'idée que...

- Nous sommes l'un comme l'autre en vie, la coupa-t-il alors qu'il la tenait si fermement contre lui qu'un courant de frissons lui monta sur le visage. Nous avons eu une conversation comme tu le souhaitais. Certes houleuse, mais nous l'avons eu et maintenant ton frère veut te voir, mais au lieu d'attendre sagement au chaud...

Il la déposa au pied de la voiture et ouvrit la portière pour qu'elle se glisse à l'intérieur.

Elle monta avec humeur, partagée entre la peur et la colère.

Il se mit au volant et démarra en trombe sans doute pressé de montrer à Ethan qu'elle était bel et bien encore là et qu'il ne l'avait pas enlevé.

- Et vous êtes parvenu à vous entendre ? Parce que si je juge ton visage sévère ça n'a pas l'air d'être le cas.

Il serra le volant.

- Nous sommes parvenu à un accord et je tiendrais parole, finit-il par répondre avec une légère dureté dans la voix.

- Qui est ?

- De t'accorder le divorce dans un an à compter d'aujourd'hui si tu n'es pas heureuse avec moi et la garde de l'enfant.

Il l'avait dit avec une telle froideur glaciale qu'elle frémit instantanément. Son profil dangereux ne présageait rien de bon. Il était clair qu'il avait scellé cet accord à contrecœur.

- Je l'ai accepté uniquement pour te ramener à Rhafar, mais nous savons l'un comme l'autre que dans un an, tu demeuras encore à mes côtés. Tout ce cirque n'est que la punition de mon amnésie.

Sienna garda le silence, choquée que son frère ait réussi à faire plier ce souverain impitoyable.

Cependant Sienna n'était pas dupe. Elle savait que si Ethan avait obtenu ça, le sultan lui, avait obtenu en retour ce qu'il était venu chercher.

Elle.

- Dans ce cas pour quelle raison tu donnes l'impression d'avoir envie d'arracher le volant ? Après tout tu as ce que tu voulais non ?

- Avec un accord qui me rend amer.

- Ethan est ma famille, ma seule famille, tu devrais comprendre ça et je m'étonne qu'il se soit contenté de ça.

- Oh rassure-toi mon ange il ne s'est pas contenté de ça, mais cette partie je l'avais déjà anticipé et je lui ai même proposé avant qu'il la réclame.

Elle fronça des sourcils en fixant son profil d'acier.

- Je savais que je ne pourrais pas t'emmener à Rhafar sans prendre en compte le fait que tu ne pourras pas survivre sans voir ton frère et que lui non plus, commença-t-il en tournant vers le pavillon. De ce fait, je lui ai proposé un travail à Rhafar ou plutôt une fusion avec son entreprise et celle dans laquelle je lui propose d'investir. Ça signifie qu'il devra se rendre à Rhafar à plusieurs reprises dans l'année.

Il avait définitivement tout prévu, pensa-t-elle en s'enfonçant dans le siège.

- Il a accepté cette opportunité et moi je t'ai toi, conclut-il en s'arrêtant devant la maison. Va le rejoindre Sienna, il t'attends.

Mohamed serra le volant si fort que les jointures de son phalanges devinrent blanche. Il la regarda sortir de la voiture avec un goût désagréable dans la bouche.

Ethan Kendrick avait peut-être accepté sur le moment mais qu'allait-il se passer quand il verrait sa sœur passer le seuil de cette porte ?

À cet instant il comprit que tout reposait dans les mains de la jeune femme.

Un seul mot de sa part, une seule inquiétudes émise et il perdrait tout. Lui, le grand guerrier impitoyable qui ne perdait jamais une bataille était confronté à la pire expérience de sa vie. Il avait repris la main, il avait imposé sa volonté tout en donnant les garanties à son frère que sa sœur ne craignait rien et qu'elle serait libre de partir.

À cette pensée ses mâchoires devinrent dures comme de l'acier. Son seul souhait était de la ramener à Rhafar immédiatement. Là-bas il se savait le souverain, le faiseur de lois, celui qui imposait sa volonté suprême et c'est sur son île qu'il la voulait.

Pendant presque une heure il resta dans la voiture, à fixer la maison avec impatience tout en résistant à la tentation de programmer leur voyage. Il n'avait pas gagné. Pas pour l'instant. Il gagnerait uniquement si Sienna sortait de cette maison avec ce papier signé.

Enfin, au bout d'une longue et interminable attente, Ethan Kendrick quitta la maison et se dirigea vers la voiture. Mohamed retint un rictus sévère et sortit de la voiture pour le confronter.

- Si jamais vous la faites encore souffrir, si jamais il lui arrive quoique ce soit, je vous tuerais, déclara Ethan froidement.

Mohamed resta impassible à sa menace, mais savait cet homme sérieux.

Il se contenta d'un bref hochement de tête parce qu'il n'avait pas la moindre envie de perdre plus de temps.

- Mon avion décollera pour Rhafar dans deux semaines, ajouta-t-il en s'éloignant.

Pouvait-il lui en vouloir ? Si c'était lui qui avait une sœur ? Qu'aurait-il fait ?

Oh il le savait...et c'était bien pire que les menaces d'Ethan Kendrick.

Il touchait au but, et il attendit que la voiture de son frère quitta l'allée pour informer son pilote que le décollage se ferait dans une heure. Il fonça vers la maison incapable de maîtriser son corps qui la réclamait sans cesse. En refermant la porte il ne s'attendait pas à la voir devant celle-ci, et elle n'avait pas quitté son manteau.

- Tout s'est bien passé ?

- Suffisamment pour qu'il me laisse partir tenter une autre aventure avec toi, lança-t-elle en le regardant droit dans les yeux.

- Et toi ? S'enquit-il en s'approchant doucement.

Ses joues se mirent à rosir joliment et il savait que malgré sa résistance, elle le voulait.

- Je veux emporter le berceau et la poussette, déclara-t-elle en montant l'escalier.

En d'autres termes, elle le voulait, mais était trop têtue pour l'admettre.

Il la rattrapa sur le palier de l'étage et glissa doucement sa main autour de son bras.

- Tu auras tout ce que tu désires, je ferais apporter tout ce que tu voudras, mais avant ça, je veux que tu me dises que tu le veux.

Elle baissa les yeux et se mordit la lèvre.

- Je le veux, mais je suis incertaine de l'avenir, parce que jusqu'ici rien, absolument rien ne m'a prouvé que...

Elle s'interrompit, sans doute parce qu'elle ne voulait lui rappeler qu'il l'avait abandonné.

À ce souvenir, il se maudit, encore.

- Je veux juste emporter ça et un bagage, de toute façon je n'ai pas grand chose. Plus rien ne me va et je n'ai pas encore eu le temps de faire les boutiques.

Elle était nerveuse et il ne voulait pas que ce départ soit une source d'angoisse.

- Je vais faire le nécessaire Sienna, lui promit-il en la dépassant pour attraper la valise au-dessus de l'armoire.

Trente minutes plus tard la jeune femme était prête et il ne perdit pas de temps pour l'entraîner dans la voiture.

Ce fut seulement lorsque l'avion s'éleva dans le ciel qu'il put enfin respirer et se dire enfin qu'elle était à lui et que plus jamais elle lui échapperait.

Enfin, il pouvait savourer la beauté de son visage, les effluves de son parfum sucré et fruité, et son petit air renfrogné quand elle était tourmentée.

- Que va-t-il se passer maintenant ?

- Tout le monde est impatient de te revoir, Arif va enfin pouvoir respirer et Rania va enfin arrêter de se tourmenter l'esprit.

- C'est tout ?

- Non, dit-il d'une voix de gorge en avisant sa bouche avec appétit. Le reste se fera au cours du temps. Ma principale priorité c'est de te ramener au palais et te savoir en sécurité.

- Ton île est encore en guerre ? S'alarma-t-elle.

- Non, il n'y a plus de guerre c'est terminé depuis longtemps, mais ça ne m'empêche pas de te vouloir en sécurité.

Elle se mit à rougir en tournant la tête vers le hublot.

- Je n'en reviens pas d'être dans cet avion, dit-elle en le regardant, tu obtiens toujours ce que tu veux ou il t'arrive d'échouer.

- J'ai échoué dans mes responsabilités envers toi, j'ai failli à mes promesses et je dois réparer ce que j'ai moi-même brisé.

Sienna déglutit difficilement en soutenant son regard chargé de détermination.

- Ma priorité c'est toi, ajouta-t-il fermement. J'ai passé ma vie à protéger mon peuple et maintenant ma priorité c'est toi.

Son cœur s'accéléra inévitablement.

- Je t'en prie ne fais pas de promesse que tu ne pourras pas...

- Tenir ? À l'instant précis où tu poseras le pied à Rhafar, tout changera Sienna.

Il se pencha en avant, les yeux plantés dans les siens.

- À l'instant précis où tu seras à Rhafar, tu seras officiellement ma femme.

Sienna eut de plus en plus de mal à soutenir son regard pénétrant.

- Tout va changer, murmura-t-il d'une voix énigmatique qui la fit frissonner.

Avait-il conscience qu'elle était tombée amoureuse de lui ?

Était-ce le moment de lui dire ou devait-elle attendre de savoir ce que l'avenir allait lui dessiner ?

Jusqu'ici la vie ne lui avait fait aucun cadeau, sauf ce bébé qui grandissait en elle.

Chaque jour elle se faisait la promesse de le protéger.

Alors elle allait taire ses sentiments pour cet homme qui malgré ce qu'il lui affirmait, possédait encore des secrets...

Des secrets qu'elle devinait sombres...

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