Chapitre 30
Un mélange d'émotions contradictoires se fraya un chemin dans son cœur alors que l'angoisse latente commençait lentement à se montrer plus forte et incontrôlable.
Attendre que son frère revienne de son voyage ?
C'était de la folie parce qu'elle savait que son frère deviendrait aussi fou que l'homme qui se dressait devant elle avec détermination.
- Ethan revient demain et quand il te trouvera ici, il va devenir fou.
- Cela m'importe peu, déclara-t-il platement en retirant sa veste, exposant sa carrure impitoyable enfermée dans cette chemise immaculée. Je n'ai pas l'intention de reculer, mais je comprends qu'il veuille à tout prix te protéger. Je ferais exactement la même chose si j'étais à sa place.
Il jeta sa veste noire sur le bras du canapé et s'approcha doucement.
- Cependant c'est ta vie et non la sienne, ajouta-t-il en s'arrêtant suffisamment proche d'elle pour que Sienna en soit troublée.
- Tu ne peux pas comprendre, murmura-t-elle en rejetant la tête en arrière pour atteindre ses yeux. Ethan est ainsi parce que nous sommes seuls maintenant et que l'idée de me perdre lui est insupportable.
- Je ferai mon possible pour tenir compte de ça lorsque nous aurons une confrontation.
Sidérée par sa froide détermination, Sienna secoua de la tête en se passant une main dans les cheveux.
- Tu es vraiment impitoyable, même sur des sujets aussi délicat.
- Je suis impitoyable de nature Sienna, et je n'ai pas l'intention de reculer.
La peur remonta jusqu'à sa gorge serrée alors que son parfum épicé devenait de plus en plus imposant.
- Comment se porte Farah ? Lança-t-elle pour tromper cette peur.
- Je l'ignore, et cela m'importe peu.
- Vraiment ? Pourtant cette femme semble avoir eu...
- J'ai cru que j'avais signé ces papiers par dépit et que je l'avais choisie pour un mariage arrangé, la coupa-t-il d'une voix désintéressée et dure. Cette femme a été le théâtre de scandales, mais autrefois elle était ma fiancée, quand nous étions jeunes. Le désir de pouvoir et d'opulence a révélé sa véritable nature quand je pensais encore qu'elle était une simple étudiante innocente. C'était il y a longtemps Sienna.
- Et pourtant tu étais sur le point de l'épouser aujourd'hui.
- Par dépit, précisa-t-il alors qu'elle se dirigeait à nouveau dans la cuisine pour fuir sa présence qui lui faisait battre le cœur follement. Avant de te rencontrer à New York j'étais à la recherche d'une épouse. Le royaume de Rhafar est peut-être sorti de la guerre et il prospère peut-être, mais l'absence d'une femme à mes côtés a commencé à inquiéter le peuple. Je commence à prendre de l'âge.
Sienna leva les yeux sur lui sans un mot et dévisagea son visage balafré et ciselé.
- J'ai alors organisé des entretiens avec quelques femmes, certains pouvaient durer sept jours afin de savoir si j'avais en face de moi celle qui pouvait tout me donner et avec qui je me sentirais bien.
- Le harem...murmura-t-elle en se souvenant de ce qu'il lui avait dit la dernière nuit sur le bateau.
- Le harem, répéta-t-il en acquiesçant. Arif et Amar se chargeaient de les amener là-bas et de leur plein gré évidemment.
- Tu m'étonnes ! Lâcha-t-elle avec sarcasme.
- J'aurais dû t'enfermer là-bas, une fois de plus j'aurais dû suivre mon instinct.
Abasourdie par son propos, elle lui jeta un regard incrédule auquel il répondit par une expression sans regret.
- Chaque fois que tu étais en ma présence mon corps était comme transcendé par des sensations incontrôlables. C'était comme si au fond de moi je savais que tu n'étais pas une inconnue. C'était comme si mon corps savait qu'il t'avait déjà possédé.
Sa voix rauque et grave lui envoya des frissons.
- Tu te souviens quand je t'ai dit de ne pas te rendre au quatrième étage ?
- Je me souviens de tout.
- Le harem s'y trouve.
Elle déglutit péniblement et réalisa lentement qu'il se souvenait de tout lui aussi. Depuis qu'il avait franchi le seuil de sa maison, Sienna peinait à réaliser qu'il se souvenait d'elle et de tout ce qu'ils avaient vécu ensemble.
- J'ai demandé à Arif de t'éloigner du quatrième étage parce que je savais que j'aurais pu t'y enfermer. C'était comme une pulsion incontrôlable et je réalise maintenant que mon corps m'envoyait juste un message. Un message que j'aurai dû écouter.
- Donc tu m'aurais enfermée dans le harem et ensuite ?
- Ensuite j'aurai compris, répondit l'homme en retroussant les manches de sa chemise...exposant les veines bleues de ses avant-bras.
Sienna exhala un soupir en baissant les yeux sur le plan de travail.
- En conclusion je n'aurais jamais dû te laisser partir, ajouta-t-il de sa voix stentor.
Que répondre à cela alors que son cœur lui frappait les tempes de plus en plus fort.
- Tu n'imagines pas ce que ça me coûte de rester derrière ce plan de travail, lâcha-t-il à travers ses dents serrées. Tu n'imagines pas ce que ça me coûte de ne pas pouvoir t'approcher, mais j'accepte de me soumettre à cette torture.
La gorge serrée, elle releva les yeux en essayant de réprimer ses émotions.
- Chaque seconde loin de toi et une véritable torture, tout comme le fait que je sais maintenant que tu portais mon enfant quand je t'ai traîné dans ce désert aride et dangereux.
Sienna ouvrit la bouche pour lui répondre, mais le sultan enchaîna.
- Est-ce que quelqu'un t'a touché ?
- Qu...quoi ? Balbutia-t-elle alors qu'il faisait le tour du plan de travail, le regard fou.
- Est-ce qu'un homme...
- Non ! clama-t-elle aussitôt en le regardant droit dans les yeux. Tu penses que j'avais l'esprit à rencontrer un autre homme alors que...
- David Marshall est revenu te voir ? Il t'a menacé ?
Les lueurs orageuses qui prenaient forme dans son regard lui donnèrent le vertige.
- Il s'est attaqué à la librairie, mais Ethan a fait ce qu'il fallait pour que Martha la reprenne. Il s'est vengé effectivement, mais simplement en fermant la librairie.
Ça aurait dû le calmer, mais au lieu de ça, il lâcha un juron de rage.
- Les seuls personnes qui m'ont approché depuis que je suis partie de Rhafar c'est Ethan et sa femme Lara, ajouta-t-elle pour qu'il se calme. Mon frère ne m'a pas laissé le choix que de le suivre à Boston et il m'a trouvé cette petite maison dans ce pavillon où 97% des habitants sont proches de la retraite.
- Il a eu raison.
- Oh...je suis ravie de constater que tu t'es trouvé un point commun avec mon frère, ironisa Sienna.
- J'ai de nombreux points communs avec lui, et c'est sans doute la raison pour laquelle nous sommes en conflit, répondit-il en l'approchant de plus en plus.
Sienna se pinça la lèvre en fermant brièvement les yeux.
- Comment se porte le bébé ? Demanda-t-il d'une voix où transpirait l'inquiétude.
- Le bébé va bien, s'empressa-t-elle de dire en relevant la tête.
- À quand remonte ta dernière échographie ?
- À neuf jours, murmura-t-elle en soutenant son regard inquiet.
Son visage était si creusé d'inquiétude que sa balafre en était déformée. Il regardait son ventre avec un regard si profond et soucieux qu'elle avait l'impression d'être une petite chose fragile qu'il brûlait de protéger.
- Je t'en prie arrête de me regarder comme une biche fragile prise dans les phares d'une voiture.
- Comment pourrais-je te regarder autrement ? Tu n'en as peut-être pas idée, mais tu m'es précieuse et plus je te regarde, plus je me maudis de t'avoir laissé seule.
Sienna le considéra avec anxiété parce qu'il était clair que le guerrier balafré se retenait d'agir en guerrier balafré.
C'était presque un miracle qu'elle soit encore ici, dans sa cuisine et non dans un avion. Il prenait sur lui, essayait de garder le contrôle tout comme il avait essayé de le garder quand elle était à Rhafar.
- Mohamed...je...
- Arrête de me regarder comme si j'allais te faire du mal, tu sais que je ne pourrais jamais t'en faire.
- Dans ce cas arrête de me regarder comme si tu allais me bondir dessus pour m'emmener de force.
Il tiqua sans jamais démentir ce qu'elle venait de dire.
- J'essaye de garder le contrôle, parce que je ne suis pas en position de réagir comme je brûle de le faire.
- Tu ne peux pas me pousser à te suivre, parce que tu n'as pas l'air de te rendre compte à quel point c'est compliqué pour moi. Je ne suis pas un jouet que l'on peut transporter à son bon plaisir.
- Non, tu es ma femme.
À ces mots, son cœur sursauta.
- Tu sais que c'est bien plus compliqué que ça. Hier encore tu devais te marier avec Farah. Je suis enceinte de plus de cinq mois. À ton avis comment va réagir ton royaume en apprenant une telle chose.
- C'est déjà fait.
Son souffle se coupa.
- Qu...oi ?
- Tu as bien entendu, c'est déjà fait, commença-t-il en plantant ses yeux dans les siens. J'ai lancé un communiqué indiquant que ma mémoire affectée m'a fait oublier ma femme. L'épouse oubliée est le titre principal des nombreux journaux de l'île au moment même où nous parlons. Le fait que j'ai signé les papiers à une date précise qui remonte à plus de cinq mois coïncide avec ta grossesse. La seule chose que tu dois faire c'est signer les papiers que j'ai apporté. Ensuite ils seront rendus publics prouvant ainsi que j'étais bien marié avec mademoiselle Kendrick un jour avant mon accident. Je rends également public mes nombreuses erreurs qui ont conduit à ta longue disparition.
Sienna se retint au plan de travail et se mit à battre lentement des cils.
- Quand je t'ai dit que mes lois ne te concernaient en rien, j'étais extrêmement sérieux Sienna. Tu es ma femme et la seule chose qui manque c'est une signature. Le reste est déjà acté depuis des mois.
- Et ensuite quoi ? Je te suis à Rhafar et j'attends de savoir quand un autre malheur va s'abattre sur moi ? Qu'est-ce qui te fait croire que ça va marcher entre nous ? Tu ne me connais pas et je ne te connais pas.
- Je n'ai pas besoin de prouver que ça va marcher, les papiers que j'ai signé avant de partir au combat me confirment tout ce que j'ai besoin de savoir Sienna. Un souverain ne se lance pas dans un tel engagement sans en être certain. Un homme tel que moi ne prend pas de telles décisions sans être absolument sûr. Je te veux toi avec ou sans enfant. Je t'ai emmené sur ce yacht parce que je te voulais et je suis reparti à Rhafar avec une détermination telle que j'ai signé les papiers les plus importants qu'un souverain puisse signer.
Sienna n'arrivait plus à respirer et s'éloigna de lui en croyant que cela suffirait pour reprendre son air.
Noyée dans l'incertitude, elle porta une main à son front brûlant.
- Enceinte ou pas, c'est toi que je veux et je ne reculerai devant rien ni personne.
Elle s'apprêtait à se lancer dans une tirade poussée par la panique mais il l'en empêcha.
- En attendant, je dois faire preuve de patience et attendre le retour de ton frère. Cela me coûte énormément parce que oui, si je m'écoutais, tu serais déjà dans la voiture.
Elle frissonna mais cette fois-ci ça n'avait rien à voir avec ses dires.
- Tu as froid et il fait un froid terrible ici.
- Le chauffage est en panne, avoua-t-elle en fuyant son expression sévère. Le réparateur devait passer aujourd'hui mais il a trop de clients dans la même situation que moi.
Inutile de le regarder pour deviner son air rembrunit et le pli dur sur ses lèvres.
- Va t'allonger, je vais préparer quelque chose à manger.
- Me donner des ordres dans ma propre maison maintenant.
Elle croisa les bras pour lui montrer qu'elle n'allait pas obéir aussi facilement. À pas de loup, il s'approcha et se pencha de toute sa hauteur de sorte que son visage soit près du sien.
- Va te mettre au chaud, et ne discute pas s'il te plaît.
- Ou sinon ? Tu vas m'attacher au lit ?
Il serra les mâchoires en caressant son visage avec son regard aiguisé.
- C'est de loin la meilleure idée que j'ai entendu de ma vie habibti...
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