Chapitre 27




Pour la première fois depuis des semaines Sienna avait le cœur léger et appréciait cet instant seule dans l'alcôve boisé et aménagé d'un petit fauteuil confortable.

À son retour, Ethan ne lui avait pas laissé le choix de l'accompagner à Boston. Si au début Sienna avait rejeté ce déménagement, aujourd'hui elle l'appréciait. Son frère avait confié les clés de la librairie à Martha afin que celle-ci ne ferme pas définitivement ses portes. Maintenant elle vivait dans un petit pavillon qui se situait à dix minutes de chez son frère.

Elle était seule, plongée dans une solitude qui par moment l'effrayait, mais qu'elle adorait dans la grande majeure partie du temps.

Elle avait l'impression d'être dans une bulle que personne ne pouvait atteindre et elle devait l'admettre, Ethan avait raison depuis le début.

S'éloigner de New York, s'éloigner de la maison familiale lui procurait une paix intérieure dont elle avait besoin pour se reconstruire.

Cependant, aucune paix ne parvenait à lui faire oublier cet homme qui avait bouleversé sa vie à jamais.

Pas un jour ne passait sans qu'elle pense au sultan et de ce qu'elle avait en quelque sorte perdu. Néanmoins chaque jour qui passait lui confirmait qu'elle avait pris la bonne décision pour son enfant.

Elle était prête à devenir mère et attendait l'arrivée de son bébé avec impatience.

- Sienna ?

Elle quitta sa torpeur pour se redresser dans le fauteuil et découvrit Ethan à l'entrée de la chambre.

- Je ne pensais pas que tu viendrais aujourd'hui, s'étonna-t-elle en se levant.

- Je t'ai apporté quelques courses, répondit-il Ethan venant la prendre dans ses bras.

- Je pouvais les faire seule tu sais.

- Je sais, dit-il simplement en faisant le tour du berceau qu'elle avait monté seule.

- Ethan, il faut vraiment que tu cesses de me protéger comme ça. Je suis une adulte maintenant.

- Une adulte certes, mais pour moi tu restes la petite Sienna que je me dois de protéger. Tu restes la Sienna qui un an plus tôt avait peur de regagner ce monde et se battait contre des douleurs physiques et mentales.

- Et aujourd'hui je suis à quelques mois d'avoir un bébé, précisa-t-elle en faisant le tour du berceau. Tu dois vraiment arrêter de t'en faire comme ça Ethan. Ta femme est enceinte aussi, elle a besoin de toi alors pour l'amour du ciel arrête de t'inquiéter pour moi chaque seconde de chaque minute.

Agacé, il lui jeta un regard mécontent.

- Comment ne pas m'inquiéter Sienna quand je redoute chaque minute que cet homme débarque ici et...

- Assez ! S'écria-t-elle en se passant une main dans les cheveux. Tu as fait le nécessaire pour ça Ethan et ça fait deux mois que je suis partie de Rhafar et il ne s'est pas manifesté alors par pitié arrête de me parler de cet homme ! Parce que peut-être que tu ne comprendras jamais, mais je...suis tombée amoureuse de cet homme et aujourd'hui je porte son bébé alors que je m'efforce de l'oublier.

Ethan se retourna et marcha jusqu'à la fenêtre, enfonçant ses mains dans les poches de son pantalon.

- Il en faut beaucoup pour tomber amoureuse en quelques jours et je crois que c'est ça qui me rend complètement dingue Sienna. Cela veut dire qu'il n'a pas lésiné dans les belles promesses.

Il se retourna, une colère contenu sur le visage.

- Je déteste l'idée que cet homme ait pu te dire tant de choses, te faire tant de promesses pour ensuite s'évaporer dans la nature sans même informer qui que ce soit de ton existence.

- Je sais, murmura-t-elle en refusant de rentrer dans une lutte inutile. Cependant, personne ne pouvait prévoir son accident.

- En effet, mais je ne décolère pas.

- Ethan, c'est ma vie privée, alors je suis vraiment contente que tu te soucies autant de moi et je sais que tu veux me protéger, mais c'est ma vie ne l'oublie pas.

- Nous sommes seuls Sienna, tu es toute seule, tu es fragile et...

- Je ne suis pas autant fragile que je l'étais autrefois, je suis partie toute seule à Rhafar pour affronter cet homme qui m'a oublié. Je suis capable d'affronter les choses Ethan, c'est toi qui ne veut pas que je les affronte. Tu as peur pour moi et je suis vraiment touchée, mais il faut que tu lâches un peu prise.

- Sienna...

La jeune femme lui lança un regard mécontent et soutint ses yeux inondés de lueurs d'avertissement.

- Je vais être mère dans quelques mois et je suis responsable.

- Ce n'est pas le problème.

- Oui ça je crois l'avoir compris, s'enquit-elle agacée. Ton problème c'est le géniteur de cet enfant. À t'écouter parler c'est un psychopathe, un tueur en série échappé de prison.

À bout de nerfs elle se laissa tomber dans le fauteuil à bascule.

- C'est un homme puissant, extrêmement puissant et il n'est pas américain.

- Merci pour cette information je l'avais presque oublié ! Lança-t-elle sarcastique.

Ethan souffla en passant une main sur le visage.

- Il m'a oublié Ethan, il m'a complètement oublié et m'a presque chassé de son palais dans lequel j'étais installée avec le personnel en dessous du rez-de-chaussée.

Son frère s'approcha, et pour la première fois depuis cette histoire, il semblait peiné de la voir aussi triste.

- Si je ne lui ai pas dit pour l'enfant c'est parce que je connaissais les risques d'un tel aveu, ajouta-t-elle en caressant son ventre. J'avais lu ces lois bien avant toi et j'ai pris la bonne décision même si ça fait mal.

Elle s'efforça de lui sourire.

- La vie ne m'a pas gâté jusqu'ici, mais ce bébé est mon petit miracle et tu avais raison pour Boston. Je me sens bien ici. Loin de tout.

Il s'abaissa devant le fauteuil à bascule.

- J'ai toujours raison, chuchota-t-il en déposant un baiser sur son front.

L'émotion la gagna et elle lutta pour ne pas fondre en larmes. Elle se sentait chanceuse d'avoir un frère comme Ethan, mais elle ne voulait pas qu'il s'arrête de vivre pour elle. Lara avait aussi besoin de lui.

- Lara a besoin de toi.

- Je suis là pour elle autant que je suis là pour toi.

Sienna lut dans les yeux de son frère que son désir de la protéger de tout et de n'importe qui provenait de l'accident.

Il se rendait coupable d'être le seul en bonne santé. Il se rendait coupable de ne pas avoir été dans la voiture ce jour-là.

- Tu n'étais pas dans cette voiture parce qu'il n'était pas prévu que tu y sois, murmura-t-elle le menton tremblant. Arrête je t'en prie.

Ethan porta son poing tremblant à sa bouche en baissant la tête.

La gorge nouée, elle posa sa main dans ses cheveux.

- Assez ! Arrêtons de parler de ça ! Je veux aller de l'avant, nous devons aller de l'avant.

Son frère se redressa en se passant une main sur le visage.

- Tu as raison, finit-il par dire en esquissant un léger sourire.

Sienna lui rendit son sourire alors qu'elle sentait son bébé bouger dans son ventre.

- Tout ira bien, murmura-t-elle, convaincue que l'avenir s'annonçait radieux.

À l'autre bout de la terre, dans ce désert aride et piégeux, le souverain observait ses terres depuis le dernier balcon. Son regard froid et insensible tomba sur les jardins qui dans quelques heures seront envahis par une foule d'invités.

À cette pensée, un rictus creusa ses lèvres. Derrière lui, Mohamed pouvait sentir la tension qui habitait Arif alors que Rania n'avait pas prononcé un mot depuis plusieurs heures.

L'ambiance pesante ne l'aidait en rien à se détendre, mais il acceptait cependant leur déception.

- Arif s'il te plaît ! Finit-il par gronder en quittant le balcon pour l'affronter. Ce n'est qu'un mariage !

- Vous avez raison, ce n'est qu'un mariage dans lequel je vous fait entièrement confiance, mais ça ne veut pas dire que je dois l'approuver.

- Farah a peut-être changé, lança Rania avec espoir depuis le canapé.

Son époux lui jeta un regard mécontent.

- Je ne lui fais pas confiance.

- Moi non plus ! Grogna le sultan, mais je n'ai plus le choix !

- Je sais, déclara Arif à contrecœur.

- Je me suis donné un mois, et ce mois s'est estompé. Ensuite à votre demande, j'ai attendu un mois supplémentaire. Rien ! Absolument rien ne s'est passé ! Ma mémoire n'est toujours pas revenue et tu avais sans doute raison depuis le début ! Cette femme n'existe pas !

Sa colère gronda entre les murs, et ni Arif ni Rania n'osaient lui répondre.

Il se passa une main rageuse sur le visage et se retourna violemment.

Le temps pressait, Rhafar avait besoin d'une stabilité supplémentaire et attendait patiemment qu'il ne soit plus un sultan solitaire.

- Je déteste ça autant que vous ! Siffla-t-il entre ses dents. Je connais Farah, je sais ce dont elle est capable et je sais comment la dompter.

- Vous avez raison sur ce point, répondit Arif. Vous connaissez Farah, mais je crois que la partie la plus compliqué sera de la faire accepter par ceux qui la détestent.

Rictus aux lèvres, il s'apprêtait à répondre quand quelqu'un fut annoncé.

Farah en personne entra dans le grand bureau et s'inclina.

- Que se passe-t-il ?

- Je voulais te voir avant la cérémonie de demain, dit-elle en ignorant totalement la présence d'Arif et sa femme.

Mohamed la laissa s'approcher et ferma le poing pour contenir la colère qui brûlait en lui. Durant ces deux longs mois interminables il avait laissé une chance à Farah de lui prouver qu'elle avait changé, mais il n'était pas dupe. La nature d'une âme ne pouvait changer de cette façon et il savait qu'une part d'elle demeurait toujours là, capable de tout pour accéder au trône et se tenir à ses côtés.

Bien qu'ils avaient pris de l'âge tous les deux, Farah restait une belle femme, mais pas une seule fois depuis son retour dans sa vie, il s'était laissé tenter par ses charmes.

Mohamed avait l'impression d'être fané de l'intérieur, il ne ressentait plus rien d'autre que la colère et la rage.

Insensible, il fixa ses lèvres qui lui souriaient avec un éclat pétillant dans ses yeux noisette.

- Je pensais avoir été clair, il y a une semaine, lança-t-il quand Arif et Rania furent partis. Ne crois que ce mariage est basé sur des sentiments, je n'en ai plus depuis bien longtemps.

- Je le sais, dit-elle en traînant ses doigts sur le bois massif du bureau. Un mariage de convenance me suffira et tu verras que sur le long terme on finira par se retrouver comme au bon vieux temps.

- Je te trouve un peu trop optimiste, répondit-il froidement. Si je t'épouse demain c'est uniquement pour mon île et mon peuple. Ils ont besoin d'être rassuré et de savoir que la ligné ne s'arrêtera pas à moi.

- J'en ai parfaitement conscience, mais tu ne peux pas nier que nous avons de l'alchimie ensemble.

- C'est époque est révolu Farah. Cette époque lointaine m'a fait réaliser à quel point une femme est prête à tout pour parvenir à ses fins. Si je t'ai choisi toi et pas une autre c'est parce que je sais ce dont tu es capable.

Un éclat indigné passa dans son regard tandis qu'elle faisait le tour du bureau.

- À cette époque j'étais facilement manipulable Mohamed, je ne savais pas réellement ce que je faisais.

- Et c'est pour cette raison qu'une partie du peuple a pardonné ta trahison. Seulement nous savons l'un comme l'autre que personne ne t'a poussé dans les bras des journalistes. C'est toi et toi seule qui, désespérée, a déclaré cette folie.

Elle se mordit la lèvre, le regard malicieux.

- C'est un nouveau départ et je ferais une bonne sultana à tes côtés.

Le sultan la toisa d'un regard mauvais et s'installa dans son fauteuil pour agripper les accoudoirs.

- Nous verrons cela demain, dit-il platement.

Il avait tenté d'échapper à ça toute sa vie, refusant un mariage arrangé parce qu'il ne voulait pas vivre le reste de sa vie avec une femme qu'il n'arriverait pas à chérir dans son cœur mort de l'intérieur.

- Sors d'ici, je veux être seul, ordonna-t-il d'une voix menaçante.

Sachant que son destin pouvait être scellé à tout instant, elle quitta le bureau sans un mot. Plongé dans le silence, Mohamed serra les dents, s'imaginant déjà demain devant toutes ces personnes venant célébrer son mariage. Un mariage qu'il ne voulait pas. Un autre sacrifice.

- Votre Altesse, quelqu'un souhaite vous voir, lança Arif depuis les grandes portes de son bureau.

- Je n'ai pas le temps, je veux être seul, ce quelqu'un devra attendre demain.

- Quel accueil ! S'exclama une voix d'homme qu'il n'eut aucun mal à reconnaître.

Mohamed se leva pour accueillir son visiteur.

- Ne me dis pas que tu m'as oublié ? Lança-t-il avec une moue faussement blessée.

- Eh bien étant donné que j'ai appris par la presse que tu avais perdu ma mémoire, j'ai décidé de venir pour m'assurer que tu l'avais retrouvé.

- Tu sais à quel point je déteste étaler mes malheurs partout, répondit Mohamed d'une voix bourrue. Tu n'aurais pas dû faire tout ce chemin pour ça, j'aurai fini par t'appeler.

- Oh mais je n'en doute pas, mais je ne suis pas venu pour ça. Je suis venu te rafraîchir la mémoire mon ami et accroche-toi parce que je ne vais y aller en douceur...Ça risque de faire extrêmement mal...

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