Chapitre 25
Lorsqu'il avait quitté la tente Sienna avait tourné en rond pendant plusieurs heures en se demandant bien ce qu'il pouvait faire dehors. Pendant un court et pénible instant, elle avait pensé qu'il l'avait abandonné ici et s'était précipitée dehors pour se rassurer. Non loin de la tente, elle le trouva près de son pur-sang en train de s'en occuper.
Son cœur s'était mis à palpiter puis elle s'était cachée derrière les tentures en se demandant combien de temps encore il la laisserait seule, l'esprit embrouillé par tant de questions.
Le ventre serré, elle prit le temps de détailler la tente et fut stupéfaite d'y trouver tout ce qu'une femme pourrait avoir besoin.
Dans un moment d'hésitation elle s'avança prudemment vers le voile épais qui masquait une autre partie de la tente et le souleva.
Son cœur bondit en découvrant un lit, un seul lit qui trônait au centre de la pièce et qui s'imposait comme la force maîtresse de cet endroit hors du temps.
Rester ici ? Avec lui ? Pendant des mois ?
À cette pensée son cœur se mit à battre follement dans sa poitrine et elle décida de sortir d'ici.
Au moment d'écarter le voile épais pour regagner la pièce principale, elle ne s'attendait pas à le voir émerger depuis l'entrée. Ténébreux et impassible il la scruta attentivement puis se dirigea vers une bassine en cuivre.
- Vous devez vous rafraîchir.
- Je ne veux pas me rafraîchir, je veux partir, protesta-t-elle doucement. Vous n'avez pas le droit de me retenir ici contre ma volonté.
Il lui tourna le dos, gardant ce profond silence qui n'avait de cesse de la déstabiliser.
- Je n'ai rien à vous dire, absolument rien, insista-t-elle en faisant un pas dans sa direction. Vous vous trompez je ne sais rien. Je suis une simple bibliothécaire qui est impatiente de rentrer chez elle.
- Je pense le contraire et vos agissements passés me le confirment.
Éberluée, elle cligna des yeux en secouant imperceptiblement la tête.
- Quels agissements ?
Il se retourna pour darder à nouveau son regard sur elle.
- Le jour de votre entretien, vous avez pris la fuite, commença-t-il en s'approchant d'un pas lent et menaçant. Toute la nuit je me suis remémorer cette scène et je peux encore revoir votre visage blême. Je peux encore vous entendre bégayer lorsque vous vous êtes enfuie.
Que dire ?
Que faire ?
- Et à en juger l'expression de votre visage en ce moment même je dirais que je ne me suis pas trompé.
- J'étais perturbée ce jour-là et je ne m'attendais pas à ce que ce travail soit si loin de New York.
- Vous mentez si mal que ça en devient presque adorable, glissa-t-il à son oreille en la contournant.
Le cœur battant à tout rompre elle ouvrit la bouche pour rétorquer mais il ne lui en laissa pas le temps.
- J'ai tout mon temps et je sais que vous êtes en possession de la vérité.
- Vos convictions sont trompeuses.
- J'ai la conviction implacable que nous nous sommes déjà vu avant cet entretien.
Il ôta ses gants en cuir puis détacha la ceinture qui maintenait deux armes dont l'une ressemblait à un sabre.
- J'ai tout mon temps...
- Mon frère va finir par s'inquiéter s'il n'a pas de nouvelle. Je n'ai pas pris mon téléphone.
- J'ai le mien, dit-il simplement en le posant sur la table. Vous êtes libre de l'utiliser.
Sienna se passa les mains dans les cheveux tout en essayant de trouver une autre excuse pour fuir. Lui dire la vérité lui faisait terriblement peur. Elle avait si peur qu'elle ne pouvait plus respirer.
- Selon Jasmina, toutes les femmes qui se sont présentées à vous ont été rejetées et insultées de menteuses. Soudainement, et parce que je me suis enfuie d'une salle de réunion, vous pensez que je suis...
- Il n'y a pas que ça, la coupa-t-il en faisant volte-face les narines frémissantes de colère. Vous n'arrêtez pas de me fuir, aucune femme jusqu'ici ne m'a fui comme vous le faites ! Vous baissez sans cesse le regard, vous êtes hésitante et apeurée mais pas à cause de cette balafre qui sillonne mon visage.
En deux grandes enjambées il fut devant elle, déterminé et menaçant.
- J'ai raison et chaque petit trait de votre visage me le prouve chaque seconde de chaque minute depuis que vous êtes de cette tente.
Prise d'un tremblement involontaire, Sienna porta sa main à bouche pour retenir une nausée. Chaque fois qu'elle le regardait dans les yeux elle imaginait une petite fille aux yeux gris ou un petit garçon avec des cheveux aussi noir que les sien.
C'était une torture...un supplice auquel elle n'avait pas de réponse parce qu'elle craignait les questions qu'elle pouvait lui poser.
- Est-ce que tout va bien ?
Malgré cette note sérieuse, Sienna décela une profonde inquiétude dans sa voix qui la toucha une brève seconde.
Ensuite une nausée plus violente que les autres la coupa de ses émotions ou même de ses pensées.
- Je vous en prie où sont-elles ?
- Qui ?
- Les toilettes, parvint-elle à dire en se tenant le ventre.
Sans attendre une seconde de plus, Mohamed la conduisit à la salle d'eau et eut seulement le temps de relever ses cheveux.
La jeune femme resta au-dessus de la bassine une bonne minute et ensuite s'effondra sur elle-même. Mohamed la retint par la taille puis l'allongea sur le sol dur de la tente.
Un vent d'inquiétude l'envahit lorsqu'il s'aperçut qu'elle était chaude et essoufflée.
- Restez tranquille, ne bougez pas..
Elle accepta son ordre et ne bougea pas, toute tremblante tant sa peau frissonnait.
Il suréleva sa tête pour la poser sur sa jambe et la jeune femme resta allongée sur le sol quelques minutes avant d'essayer de se lever.
- Veuillez me pardonner, murmura-t-elle les doigts devant la bouche.
Sans pouvoir y résister, le sultan toucha ses cheveux avant de l'aider à se lever.
- Je vais bien votre altesse, murmura-t-elle en se passant une main sur le front
- Vous me connaissez Sienna et je vous connais, insista-t-il en venant glisser ses doigts dans ses cheveux une nouvelle fois. Laissez-moi faire, je vais vous aider.
Tentée par cette voix remplie de promesses, Sienna se laissa faire quand il la souleva dans ses bras pour l'emporter derrière le voile épais qu'elle avait franchi quelques minutes plus tôt.
Il l'allongea sur le lit en prenant soin de soutenir sa nuque. Un frisson sur le visage, elle ferma les yeux tandis que la honte submergeait ses joues.
- Buvez ceci, ça vous fera du bien.
Profitant de ce moment de calme au milieu de la tempête, Sienna se redressa pour boire cette boisson sucrée et fruitée qui combla sa bouche de saveurs délicieuses.
- Est-ce que ça va mieux ?
- Oui je vous remercie, murmura-t-elle en se passant une main sur le front.
Mohamed la dévisagea en essayant de se souvenir où il avait pu rencontrer cette jeune femme qui lui faisait perdre ses nerfs et qui envahissait toutes ses pensées depuis qu'elle se trouvait à Rhafar.
Jamais ô grand jamais il n'avait été aussi persuadé qu'à cet instant. Persuadé qu'elle le connaissait et qu'elle cachait un secret.
- Dites-moi la vérité, déclara-t-il d'une voix profonde.
Il pouvait déceler son pouls s'accélérer violemment alors que ses yeux clairs se perdaient sur les draps du lit.
Elle se pinça la lèvre en fermant les yeux à plusieurs reprises.
- Comme je vous l'ai dit, j'ai tout mon temps, déclara-t-il en se redressant. Reposez-vous un peu et ensuite nous dînerons. Si vous voulez prendre un bain, il y a tout le nécessaire de l'autre côté.
Il quitta la pièce et elle pouvait sentir sa colère depuis le lit.
Grimaçante, Sienna était partagée entre lui dit la vérité ou continuer à lui mentir pour protéger son bébé.
Elle aurait tant voulu qu'il se rappelle de lui-même qu'elle se laissait prendre par le temps qui se jouait d'elle.
Le sultan était désormais persuadé qu'ils se connaissaient et c'est à ça qu'elle se retenait comme une bouée d'espoir.
Un espoir qui à tout instant pouvait s'effondrer. Lui dire la vérité comportait des risques qui à chaque fois ils l'empêchaient de lui crier la vérité.
Elle avait peur qu'il la traite de menteuse ou qu'il la fasse enfermer pour mensonges. Pourtant, une autre voix dans sa tête lui chuchotait qu'elle ne devait pas avoir peur et qu'elle avait en sa possession des preuves irréfutables.
Trente minutes plus tard Sienna sortit de la salle d'eau vêtue d'un caftan bleu marine et elle avait lavé ses cheveux.
Le ventre noué, elle surveillait l'entrée de la chambre en se demandant si elle devait le rejoindre ou attendre qu'il le fasse.
Partagée entre la prudence et l'envie de l'affronter, Sienna tressa ses cheveux encore humide et quitta la chambre, attirée par les odeurs enivrantes qui se propageaient dans toute la tente.
Son cœur s'accéléra lorsqu'elle le vit. Une chaleur inopportune la gagna alors qu'il cuisinait tout comme il l'avait fait sur le yacht. À ce souvenir, une émotion particulière la gagna.
- Est-ce que vous vous sentez mieux ?
Elle réprima un sursaut tout en se raclant la gorge.
- Oui, s'entendit-elle murmurer.
- Tant mieux.
La tension était redevenue palpable et elle aurait tout donné pour retrouver le sultan d'autrefois. Celui qui lui avait fait mille promesses et qui lui avait donné ce sentiment d'être en sécurité.
Il se retourna et instantanément elle rompit sa respiration. Son regard animal la foudroya tant il était si intense. Les mâchoires tendues, il darda sa paire d'yeux sur elle tout en marchant dans sa direction. Il l'enveloppa dans cette ombre qui était la sienne et qui se projetait dans les quatre coins de la tente.
Ensuite, il glissa sa main dans son dos et la guida jusqu'à la table basse.
- Installez-vous, ordonna-t-il d'une voix puissante et basse.
Sienna se laissa tomber sur les coussins alors qu'elle avait l'impression de ne plus être la maîtresse de son corps qui répondait sans cesse à la proximité du sultan.
Elle tourna la tête en direction des tentures condamnées et fronça des sourcils.
- La journée est passée si vite, murmura-t-elle en ayant l'impression qu'il faisait noir dehors.
- Il est seulement dix-huit heures, et j'aurais dû me préoccuper de vos besoins en premier lieu. Vous avez sauté un repas et ce matin vous n'avez pas mangé. Alors je vous propose de faire une trêve.
Sienna ne l'avait jamais senti aussi proche d'elle.
Il s'était installé à sa droite et son bras musclé frôlait le sien.
- Êtes-vous d'accord ?
- Oui, répondit-elle aussitôt.
Il prit ses poignets pour qu'elle plonge ses mains dans une petite cuve en cuivre et les essuya avec un linge propre. Sienna hésita une brève seconde avant de goûter aux nombreux plats disposés devant elle.
- Est-ce que vous avez appelé votre frère ? Lui demanda-t-il au milieu du repas.
- Non, je dois l'appeler demain, c'est ce qui était prévu.
Rassasiée, elle essuya sa bouche dans la serviette avec regret parce que ce simple geste signifiait que la trêve était bientôt terminée.
- C'était délicieux.
Son profil dangereux lui coupa le souffle et ce fut pire quand il tourna son imposant visage vers le sien.
Il était si proche que son souffle tiède et menaçant caressait sa peau.
Rictus aux lèvres, le sultan glissa son regard sur sa bouche qu'il regardait avec une insatiable soif.
Il plongea ses doigts dans ses cheveux tressés sans jamais lâcher sa bouche des yeux. Sienna avait l'impression de ne plus maîtriser son corps comme si ce dernier était prêt à se perdre dans ses bras puissants.
Les souvenirs remontèrent et elle ne pouvait plus réfréner ce désir de vouloir revivre cette passion sauvage dans ses bras.
- Ne bougez pas, ordonna-t-il dans un murmure rauque.
Est-ce qu'un baiser pouvait suffire à l'aider à se rappeler ?
- Est-ce que vous essayez de prouver une théorie ?
À quelques millimètres de ses lèvres, le sultan serra les mâchoires.
- Je n'ai pas besoin de la prouver, votre corps le fait pour moi, chuchota-t-il d'une voix de plus en plus rauque.
Sienna n'essaya pas de rétorquer, trop désireuse de se retrouver dans ses bras et de s'y blottir un instant.
Car c'est dans ses bras qu'elle avait l'impression de revivre.
C'est dans ses bras qu'elle se sentait aimée...
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