Chapitre 20
Maintenant qu'elle était en face de lui, Sienna ne savait plus si elle voulait qu'il la reconnaisse ou pas. Pourtant, dans son cœur, elle avait un faible espoir qu'un miracle se produise. Les battements de son cœur devenaient de plus en plus forts et de plus en plus douloureux.
- Je vous remercie d'avoir accepté de travailler pour moi, commença-t-il d'une voix sombre qui la fit frémir alors qu'il continuait de la dévisager avec une concentration glaçante. J'espère que vous êtes motivée parce que j'aime quand les choses sont faites avec minuties.
- Je...le suis, déclara-t-elle après s'être raclée la gorge.
- Dans ce cas, passons au contrat que vous allez devoir signer.
C'était rude, professionnel, bien loin de leur première rencontre ou quand il l'avait surpris au restaurant le jour de son anniversaire ou bien ce moment où il avait remonté sa robe pour découvrir sa cicatrice sur sa jambe.
Elle était la seule à posséder ces souvenirs et lui, ne les avait plus.
- Vous serez logé et nourri gratuitement pendant votre séjour, reprit-il en glissant le contrat devant elle. En revanche, il y a deux ou trois détails que je dois discuter avec vous. Notamment cette clause de confidentialité.
Sienna acquiesça rapidement, parce qu'elle voulait partir de cette pièce au plus vite.
- Tout ce qui se passe dans ce palais, reste dans ce palais, articula-t-il l'air menaçant.
Sienna ne put s'empêcher de planter son regard dans le sien et vit dans ses yeux gris une lueur menaçante. Depuis qu'elle le connaissait, Sienna avait toujours été intimidée par sa cicatrice, mais aujourd'hui celle-ci apparaissait comme une terrible menace.
- D'accord, déclara-t-elle en voulant s'emparer du stylo posé à sa droite.
Une main ferme l'en empêcha en se posant sur son poignet.
Un frisson courut dans son échine alors qu'elle n'osait plus relever les yeux. Une émotion particulière la gagna parce que si pour lui c'était la première fois qu'il la touchait, Sienna savait que ce n'était pas le cas.
- Vous devez être pleinement consciente des risques que vous encourez mademoiselle Kendrick, ajouta-t-il en lâchant son poignet.
Tâchant de paraître détendue, Sienna rencontra son regard en acquiesçant une nouvelle fois.
- Je serais muette votre Majesté, déclara-t-elle après s'être éclaircie la voix. Je veux juste travailler et partir quand ma mission sera terminée.
Il plissa le front et ses mâchoires tressautèrent.
- Dans ce cas, signez et ensuite quelqu'un vous conduira dans votre chambre.
Sa froideur glaciale atteignit âme et elle signa à contrecœur.
L'ambiance était palpable comme si sa présence ici n'était pas souhaitée ou plutôt qu'il l'avait embauché parce qu'il n'avait pas le choix.
- Avez-vous des consignes à émettre ?
- Des consignes ? Répéta-t-elle bêtement.
- Des directives, par exemple, qui devons-nous appeler en cas de problème.
- Martha Spencer, dit-elle sans réfléchir.
Il prit note de cette information et se leva pour la reconduire à la porte.
- Bienvenue au palais de Rhafar, mademoiselle Kendrick, lui dit-il sur un ton faussement doux en ouvrant la porte.
En état de choc, Sienna quitta son bureau et resta devant la porte close pendant de longues secondes avant qu'une voix pleine de gaieté l'oblige à se ressaisir.
- Bonjour mademoiselle Kendrick ! Je suis ravie de faire votre connaissance !
La jeune femme lui sauta presque au cou pour la saluer et lui prit le bras pour l'entraîner avec elle.
- Je m'appelle Jasmina et je serais votre aide durant votre séjour ici.
- Oh...eh bien je suis...ravie aussi...
Depuis qu'elle était rentrée dans ce palais des milles et une nuit, c'était la première personne qui émanait une belle chaleur. À l'inverse, cet immense palais semblait froid et sans âme, comme si son gardien était voué à le garder captif des ténèbres.
Jasmina l'entraîna au rez-de-chaussée puis dans un escalier qui menait un étage plus bas. Plus sombre et moins éclairé, le couloir silencieux débouchait sur plusieurs portes et elle ouvrit celle au fond du couloir.
- Voici votre chambre !
Sienna la contempla un bref instant. Raisonnablement modeste, la chambre donnait sur un petit pan de jardin.
- C'est parfait je vous remercie, dit-elle en forçant un sourire. Quand puis-je commencer ?
Jasmina perdit son sourire et fronça des sourcils d'un air suspicieux.
- Vous voulez déjà partir ? La chambre ne vous plaît pas ? Elle est trop petite ?
- Jasmina ! Gronda gentiment une voix derrière elle. Laisse cette jeune femme tranquille s'il te plaît.
Sienna étudia la femme qui venait de faire une entrée remarquablement calme dans la chambre.
Ses traits étaient doux, elle devait avoir une quarantaine d'années et dans sa voix régnait une légère autorité suffisante pour se faire écouter.
Elle s'approcha dans sa direction en l'étudiant à son tour puis lui tendit la main.
- Rania, je suis ravie de vous rencontrer mademoiselle Kendrick.
Cette chaleur naturelle et douce la rassura et elle se sentit aussitôt en confiance.
- Veuillez excuser Jasmina, elle est un peu trop heureuse de votre arrivée.
- Oh...à ce point ?
L'intéressée se mit à rougir en mettant ses mains dans le dos.
- C'est sans doute la première fois qu'une femme entre dans ce palais pour des raisons différentes de celles qui foulent l'entrée afin d'obtenir l'attention de sa Majesté.
Sienna déglutit péniblement.
- Puisque que vous êtes là et que vous avez sans doute signé le contrat, autant vous expliquer ce que vous allez voir dans les prochaines semaines.
Sienna s'attendait au pire et elle n'était pas prête à recevoir une nouvelle vague d'informations.
- Comme vous le savez déjà, son Altesse a perdu la mémoire.
- Oui, Arif m'en a parlé et m'a expliqué que des femmes venaient souvent ici pour lui faire croire qu'ils ont eu une liaison.
- Le problème c'est que cela complique les recherches, précisa Jasmina en faisant mine de s'occuper des draps du lit.
Les sourcils froncés, Sienna l'interrogea du regard.
- Le sultan est déjà marié, lâcha-t-elle avec une petite excitation difficile à contenir.
Comme un coup de poignard dans le cœur, la jeune femme se laissa tomber sur la chaises positionnée derrière elle.
Jamais elle ne s'était sentie aussi mal de toute sa vie.
- Mais nous ignorons où se trouve sa femme et lui aussi, ajouta Jasmina en grimaçant.
Sienna se mit à battre des cils à toute vitesse tandis que son cœur battait la chamade.
- Je ne comprends pas.
- Vous ne comprenez pas parce que Jasmina est allée trop vite comme à son habitude, gronda gentiment Rania en roulant des yeux. Avant son accident, le sultan a contacté le palais pour appliquer le protocole destiné à son mariage. En rentrant dans la précipitation pour combattre, il a signé les papiers officiels pour son mariage. Le problème c'est que le seul qui savait pour cette femme c'est Amar El-Hadid.
Les tempes bourdonnantes, Sienna dont la bouche était sèche, essayait de rassembler les informations du mieux qu'elle le pouvait.
- Amar était l'un des deux bras droits du sultan et c'était lui qui l'accompagnait lors de ses voyages. Il était son confident, et il est parti avec ce secret...un secret que sultan lui-même a oublié.
Une nausée l'obligea à prendre une profonde inspiration.
- Depuis que le sultan a découvert ces papiers officiels signés de sa main, il cherche en vain à se souvenir. Cette femme ne s'est jamais manifestée et cela complique les recherches, poursuivit-elle d'une voix désemparée.
Était-ce le moment de se manifester et crier à qui voulait l'entendre qu'elle était cette femme ?
- Comme si ce n'était pas suffisamment compliqué, étant donné que le sultan n'a aucun souvenir de cette femme, il est méfiant avec toutes celles qui se présentent à lui. Il les rejette les unes après les autres.
Que pouvait-elle dire ?
Quelle chance avait-elle que le sultan se souvienne d'elle ?
- C'est une situation extrêmement compliquée, parvint-elle à dire en baissant les yeux sur le sol.
- Elle l'est en effet, confirma Jasmina. Plus le temps passe, plus il perd patience et plus il perd patience plus il devient menaçant. Je pense que nous n'aurions pas dû informer la presse de son amnésie et de cette inconnue. Depuis ce jour, les femmes se pressent pour espérer devenir la femme qu'il cherche.
- Mademoiselle Kendrick est-ce que vous vous sentez bien ?
- Je crains que non, déclara une voix grave depuis la porte.
Sienna ravala un hoquet en redressant la tête. Dans les pans d'ombres qui se battaient avec les rais de lumières, le sultan se tenait dans l'encadrement de la porte...plus beau que jamais.
- Veuillez nous laisser, ordonna-t-il en entrant pour libérer le passage.
Le cœur battant à tout rompre, elle regarda les deux femmes partir sans pouvoir les retenir.
Un silence profond s'installa ensuite et Sienna eut un mal fou à le regarder dans les yeux.
- Maintenant qu'elles vous ont donné toutes les informations sur moi, je vous serais reconnaissant de ne pas faire de commentaire sur ma vie privée.
- Je n'en avais pas l'intention et je n'ai pas demandé à savoir, je veux commencer immédiatement.
Une lueur orageuse flamba dans ses yeux gris.
- Vous venez à peine d'arriver et vous semblez déjà sur le départ, remarqua-t-il d'une voix irritée.
- Je ne veux pas m'éterniser ici, j'ai d'autres projets.
Sienna devait à tout prix garder une attitude détendue mais c'était impossible dans ces circonstances.
- Dans ce cas, pour quelle raison avez-vous accepté ?
Il avait peut-être perdu la mémoire, mais il n'avait rien perdu de son autorité.
- Dois-je vous rappeler que vous m'avez presque ordonné de venir ici ?
Il serra les mâchoires aussitôt et garda le silence. Intimidée par cette façon étrange qu'il avait de la regarder, Sienna se leva brusquement pour se diriger vers sa valise.
- Vous devriez vous reposer avant d'envisager de travailler.
Ce n'était pas une proposition mais un ordre auquel Sienna se serait volontiers plié si elle n'avait pas l'impression d'être prisonnière de ses propres pensées.
- Je vous remercie, je vais y songer, parvint-elle à lui dire en lui tournant le dos.
Elle sentait sa présence derrière elle...si proche qu'elle avait l'impression de suffoquer.
- Restez loin du quatrième étage si vous ne voulez pas vous attirer des ennuis inutiles.
Le cœur cognant dans sa poitrine, Sienna l'entendit partir sur cette dernière note menaçante puis elle s'effondra presque sur le lit quand il referma la porte.
Mohamed remonta au rez-de-chaussée en sentant son visage trembler. Le poing serré le long de sa cuisse, il ferma les yeux à plusieurs reprises pour tenter de forcer son esprit à se souvenir.
Rien.
Il s'arrêta dans le couloir en se demandant combien de temps encore il allait devoir rester dans ce néant, dans cette noirceur qui l'empêchait même de dormir.
- Votre Altesse ? Est-ce que tout va bien ?
Les mains appuyées sur la petite alcôve en marbre, le regard empli de noirceur, Il serra les dents.
- Empêche la fille de monter, elle trouble mes recherches.
- Vous parlez de Sienna Kendrick ?
- Oui ! siffla-t-il en se redressant.
Il se passa une main sur le visage puis se tourna vers Arif.
- Il ne faut pas qu'elle monte.
Il s'éloigna dans le couloir pour s'éloigner de cette aile du palais qui abritait désormais cette jeune femme.
Une jeune femme qui depuis l'entretien à New York...le troublait de sa simple voix...
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