Chapitre 18



Assise sur le canapé du salon, Sienna posa la naissance de ses doigts à sa bouche en essayant de comprendre ce que Lucy lui disait. Ses oreilles bourdonnaient si fort qu'elle avait l'impression de devenir sourde.

Après s'être enfuie de l'hôtel luxueux dans lequel se trouvait le sultan, Sienna avait conduit pendant plus d'une heure en ne sachant pas où aller.

Le plus simple aurait été de regagner la maison de ses parents, mais elle s'était sentie si mal, si blessée, qu'elle avait voulu se cacher loin de tout. Dans un élan raisonnable, elle avait fini par rentrer et désormais elle n'arrivait plus à respirer et à bouger.

- Est-ce qu'il t'a dit quelque chose ?

Sienna cligna des yeux et s'efforçant de garder à l'esprit qu'elle ne craignait rien ici et qu'elle était en sécurité.

- Il n'a rien dit du tout, s'entendit-elle murmurer. C'était comme s'il ne me connaissait pas ou qu'il faisait semblant de ne pas me connaître. Je n'ai jamais ressenti une telle humiliation.

- Quel sale type ! Pesta Lucy en se levant pour se rendre dans la cuisine

Sienna ferma les yeux pour fuir cette image de lui la regardant comme si elle ne représentait rien pour lui.

- Le destin est contre moi, dit-elle à voix haute.

Lucy lui tendit un verre d'eau et s'installa à ses côtés.

- Je ne sais pas si c'est le destin, mais c'est un sacré hasard que cet homme qui est supposé être à Rhafar se trouve ici, à Manhattan, en train de chercher une sorte de...bibliothécaire.

- Il a fait comme si j'étais une vulgaire inconnue, il faisait comme s'il ne me connaissait pas après tout ce qui s'est passé, murmura-t-elle les yeux dans le vague.

Une autre nausée lui noua la gorge et elle but une gorgée d'eau pour la faire passer.

- Qu'est-ce que tu vas faire ?

Que pouvait-elle faire ou que devait-elle faire ?

- J'espère ne jamais le revoir, conclut-elle d'une voix amère et peinée. Je ne veux plus revoir cet homme de toute ma vie !

Elle se leva pour dégourdir ses jambes et la plus fragile faillit se dérober.

Elle grimaça en allant jusqu'à la cheminée et agrippa les rebords en fermant les yeux.

- Tu es certaine de toi Sienna ?

Le doute dans la voix de son amie l'obligea à se retourner et à étudier cette franche hésitation dans son regard.

- Je suis absolument certaine, mais toi en revanche tu n'as pas l'air d'être de cet avis.

Sienna reculait volontairement cet instant où elle lui dira à voix haute ce qu'elle refusait d'entendre.

- Tu es enceinte Sienna, lâcha-t-elle d'une voix résignée à lui dire le fond de sa pensée.

Sienna se retourna pour fuir son regard inquiet et ferma les yeux en essayant de contrôler sa respiration qui devenait difficile et lourde.

Elle n'avait pas besoin qu'on lui rappelle qu'elle l'était, car son corps s'en chargeait chaque jour.

Il lui était impossible d'oublier ce moment où elle s'était rendue compte qu'elle avait du retard dans son cycle menstruel.

Il lui était impossible d'oublier ce moment où elle avait fait ce test de grossesse et qu'il s'était révélé positif.

Elle se souvenait du jour et de l'heure. Tout comme elle se souvenait être restée assise dans la salle de bains pendant plus de quatre heures sans bouger.

Un oublie, un simple oublie était sur le point de changer sa vie à jamais. En effet, dans ce moment indescriptible et hors du temps, Sienna avait oublié de prendre sa pilule et elle était entièrement responsable de cette erreur.

Ou peut-être pas, songea-t-elle en maudissant intérieurement cet homme qui l'avait manipulé avec de belles paroles qu'elle regrettait amèrement d'avoir pensé réelles et sincères.

Aujourd'hui il n'était pas question de se séparer de ce bébé qui grandissait en elle, et il n'était pas non plus question de le dire à cet homme qui l'avait totalement oublié et humilié.

Pire encore !

Quelle serait sa réaction ?

C'était un souverain, un homme de pouvoir et avec des lois strictes rédigées de ses propres mains.

Un enfant illégitime n'était pas acceptable et banni par ces lois.

- Je ne vais pas lui dire si c'est ça que tu me demandes Lucy, finit-elle par dire en se retournant. Je n'ai pas la moindre intention de lui dire.

- Il a des responsabilités Sienna, et il doit les assumer.

- Ce n'est pas comme ça que je vois les choses, répondit-elle aussitôt en allant s'asseoir dans le fauteuil. N'oublie pas que cet homme est une sorte de roi. Il a du pouvoir et je me suis penchée sur les lois de Rhafar. C'est terrifiant Lucy.

- Je sais, je m'en doute, mais je ne peux pas m'empêcher d'être en colère. Tu n'as pas à assumer ça toute seule.

- Pourtant, c'est exactement ce que je vais faire, assura-t-elle fermement en s'emparant du verre d'eau d'une main tremblante. Même s'il m'avait parlé, même s'il n'avait pas fait semblant de ne pas me connaître jamais je lui aurais révélé cette grossesse parce que je suis terrifiée à l'idée qu'il veuille se débarrasser de moi et de mon bébé.

Lucy écarquilla les yeux, l'air horrifié.

- Tu crois que...

Son amie s'interrompit en la dévisageant.

- Un enfant hors mariage est absolument hors de question selon ses propres lois. Je n'ose à peine imaginer ce qui pourrait m'arriver.

Sienna s'était imaginée tant de scénarios cauchemardesques que son sang se glaça à l'idée même que l'un d'entre eux se réalise.

Il pouvait lui prendre son enfant ou même exiger qu'elle passe toute sa grossesse dans un endroit tenu secret et lui imposer le silence.

Au-delà des mots qu'il lui avait dit, au-delà de ce qu'il s'était passé par la suite, Sienna savait que cet homme était dangereux...extrêmement dangereux.

Elle voulait cet enfant et ne voulait prendre aucun risque. Il fallait qu'elle protège ce bébé.

- C'est ta décision Sienna et je la respecte, commença Lucy en l'obligeant à quitter sa sombre torpeur. Si j'insiste autant c'est parce que je ne veux pas que tu sois seule.

- Je vais en parler à Ethan dès que je me sentirais prête. Je ne suis pas seule Lucy. Je vous ai vous et ça me suffit.

Lucy lui adressa un sourire réconfortant.

Lorsqu'elle se retrouva seule, Sienna laissa éclater les sanglots qu'elle gardait enfouie en elle depuis des heures.

Elle ne savait pas ce qui était le plus douloureux.

Qu'il ait fait semblant de ne pas la connaître ou les souvenirs qui étaient remontés à la surface quand elle avait rencontré son regard gris ?

Les deux sans doute, pensa-t-elle en allant se changer pour troquer cette robe serrée contre un pantalon ample et un débardeur gris.

Elle s'allongea sur le canapé et se recroquevilla sur elle-même en fermant les yeux. Au moment où elle s'apprêtait à s'endormir, épuisée par cette journée, on cogna à la porte.

Avec l'énergie du désespoir, Sienna se leva du canapé et alla ouvrir.

Le choc atteignit son visage quand elle découvrit l'identité de son visiteur.

Il s'agissait de l'homme qui l'avait reçu pour l'entretien.

- Bonsoir mademoiselle Kendrick, vous vous souvenez de moi ?

- Oui, s'entendit-elle lui dire alors que ses tempes bourdonnaient violemment. Qu'est-ce que vous me voulez ?

Arif Bakir lui adressa un sourire bienveillant en lui tendant une enveloppe.

- Qu'est-ce que c'est ? S'enquit-elle le cœur battant.

- Il semblerait que vous ayez pris peur lors de l'entretien, commença-t-il doucement. Son altesse le sultan Al-Rayar peut parfois effrayer les femmes avec cette balafre.

Oh non ce n'était pas pour ça qu'elle s'était enfuie !

- Votre CV a retenu notre attention et vous semblez avoir une excellente connaissance des livres. Sur l'ensemble des candidats, vous êtes la seule avec de l'expérience. Son altesse m'a envoyé ici pour vous donnez ceci.

Sienna ouvrit l'enveloppe d'une main moite et déplia la feuille pour la lire.

Son cœur rata un battement et elle blêmit.

- N'ayez pas peur.

- Ne pas avoir peur ? Répéta-t-elle de plus en plus pâle. Il s'agit d'un ordre, presque une menace.

Cette lettre indiquait clairement qu'elle avait pour obligation de se rendre sur l'île Rhafar immédiatement.

- Son altesse est un homme très déterminé et il n'a pas le temps de faire d'autres entretiens. Votre CV était le meilleur alors il l'a sélectionné. Des obligations plus importantes l'attendent à Rhafar. Ce travail est une opportunité qui ne se refuse pas.

- Je regrette mais...

- Le salaire sera conséquent, la coupa-t-il d'une voix posée comme s'il savait déjà qu'elle n'allait pas refuser une telle offre. Il sera très conséquent.

Conséquent ?

Méfiante, Sienna appuya sa main sur la poignée de porte afin de la refermer à tout moment.

- Où est-il ?

- Le sultan ? Il est déjà reparti, mais il m'a chargé de vous convaincre d'accepter ce travail.

Le destin était-il en train de se moquer d'elle ?

Sienna commençait à le croire.

- Je vais y réfléchir, dit-elle rapidement.

- Hélas, je pars demain, précisa-t-il doucement. Il me faut une réponse d'ici minuit. Appelez-moi pour m'informer de votre décision mademoiselle Kendrick.

Il lui tendit un bout de papier avec un numéro inscrit dessus.

Sienna déglutit puis se mordit la lèvre pour se retenir d'exploser.

Est-ce qu'il se moquait d'elle tout comme le sultan ?

Était-ce un piège ?

- Il n'y a personne sur cette île pour faire ce travail ? Pourquoi embaucher une américaine, une étrangère alors qu'une personne de Rhafar aura bien plus d'expérience pour le faire ?

- Il faut une bonne connaissance sur la littérature pour prétendre à ce travail et nous avons cherché, en vain. Vous êtes à ce jour la meilleure candidate.

Il paraissait sérieux et sincère.

Néanmoins elle continuait d'être déroutée par l'ignorance de son existence.

Elle continuait de se demander où se trouvait l'ancien bras droit du sultan.

Sienna brûlait de lui poser la question, mais si elle le faisait, cet homme qui ne semblait pas la connaître allait se poser des questions.

- À demain mademoiselle Kendrick.

Certain qu'elle allait accepter, il s'éloigna et monta dans une luxueuse voiture.

Elle resta figée devant l'entrée, incapable de déterminer s'il s'agissait d'une véritable offre ou d'un piège.

Pourtant, tout portait à croire que le sultan l'avait complètement oublié.

Une lame lui transperça le cœur et elle baissa les yeux sur la feuille qui lui ordonnait clairement de se rendre à Rhafar dans les plus brefs délais.

- Sienna ? Qu'est-ce que tu fais ici ?

Elle sursauta en entendant la voix de son frère et plia la feuille pour la remettre dans l'enveloppe en vitesse.

- Qui c'était ? S'enquit-il sur un ton ferme et suspicieux.

- J'ai été embauché pour un travail et cette personne est venu me le dire en personne.

- C'est formidable Sienna.

- Ce n'est pas à New York Ethan, s'empressa-t-elle de préciser en le laissant entrer.

- Où c'est ?

Sur les lèvres de Sienna brûlait la vérité, mais en voyant la sombre inquiétude de son frère, elle préféra lui mentir.

- À Paris ! J'ai toujours rêvé de m'y rendre et j'ai besoin de ce travail Ethan. Je veux y aller et je vais m'y rendre.

En prononçant ses mots, elle réalisa qu'elle venait d'accepter l'offre de ce sultan qu'elle maudissait de tout son être.

Elle porta la naissance de ses doigts à sa bouche et évita soigneusement le regard de son frère.

- Du calme Sienna, dit-il doucement. Ne t'énerve pas. Je ne suis pas contre que tu ailles à Paris.

- Dans quelques minutes tu seras contre Ethan, lâcha-t-elle en le regardant dans les yeux.

Il fronça des sourcils, une lueur impatiente dans les yeux.

- Ethan il faut que je te dise quelque chose de très important...

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