Chapitre 14
Plus tard dans la journée Sienna avait fini par rejoindre le sultan qui se trouvait attablé face à la mer. Depuis qu'il l'avait quitté et laissé devant la piscine, ses mots prononcés avec détermination n'avaient de cesse de tourner en boucle dans sa tête.
Au bout d'une longue réflexion Sienna avait fini par prendre la décision de se laisser tenter par ce voyage en sa compagnie.
Que risquait-elle ?
Souffrir ?
C'était déjà le cas.
Prenant son courage à deux mains, elle se décida à le rejoindre.
- Vous avez l'air pensif, lança-t-elle afin de commencer quelque part.
C'était la première fois qu'elle s'exprimait avant lui et même le sultan parut étonné.
- Je songeais simplement à mon royaume.
- Vous voulez rentrer ?
Un sourire fendit son visage balafré.
- N'espérez pas vous débarrasser de moi aussi facilement. Si j'étais amené à rentrer, je vous emmènerais avec moi.
Le pire c'est qu'elle le savait capable de faire une telle chose.
- Je n'ai jamais vu un homme aussi déterminé que vous l'êtes. Pour dire vrai je n'ai jamais vu un être humain être aussi sûr de quelque chose sans jamais remettre en question cette certitude.
- Je l'ai remise en question, déclara-t-il contre toute attente. Le jour où je suis venu au restaurant et que je vous ai fait cette proposition, j'ai remis en question cette certitude quand vous m'avez montré votre côté farouche que je n'avais pas décelé dans la librairie. À ce moment-là j'ai douté jusqu'à ce que je repousse férocement l'idée d'abandonner.
Sienna tenta de lire dans ses yeux sauvage ce que signifiait cette lueur chaude et mystérieuse mais préféra abandonner.
- J'ai un peu faim, avoua-t-elle.
- Si vous aviez consenti à manger ce mide, vous auriez le ventre moins creux, mais étant donné que vous êtes une tête de mules...
- Je ne suis pas une tête de mules, rétorqua-t-elle aussitôt. D'ordinaire je suis une jeune femmes douce et calme. Depuis que je suis avec vous j'ai l'impression de ne plus être moi-même.
- Parce que vous vous laissez guider par la peur au lieu de vous laisser aller.
- Je suis prudente, précisa-t-elle doucement en soutenant son regard. Et vous ne m'avez pas aidé à penser le contraire. Vous m'avez attirée ici pour mieux m'annoncer par la suite que vous aviez pour projet de me garder ici pendant sept jours.
- Et peu à peu vous remarquez que vous n'avez rien à craindre de moi alors vous vous rendez compte que cette attitude n'est pas nécessaire.
Sienna le dévisagea longuement avant de répondre.
- Vous êtes dangereux, finit-elle par dire la bouche sèche. Vous n'allez peut-être pas me faire de mal, mais vous êtes dangereux je peux le sentir et il ne s'agit pas de votre balafre. Quelque chose de dangereux émane de vous.
Dans le fond, Sienna ne s'attendait pas à ce qu'il la rassure et il ne le fit pas.
- Je suis ce que je suis mademoiselle Kendrick, et je préfère être dangereux que d'être comme David Marshall.
Que répondre à cela ?
Rien.
Il se leva lentement et dans son regard luisait quelque chose d'énigmatique.
- Le soleil va bientôt nous offrir un beau spectacle. Je vais préparer le dîner.
- Je peux vous aider ? Proposa-t-elle se levant.
- Non, dit-il d'une voix impérieuse. Allez plutôt vous changer.
Il ne lui laissa pas le temps de répliquer et s'éloigna sur le bateau. Sienna l'observa partir en se demandant comment elle allait survivre à ce dîner.
Se changer ?
Elle baissa les yeux sur la chemise qu'elle portait en grimaçant et se leva à son tour pour rejoindre sa chambre.
Elle troqua sa chemise pour une robe longue et évasive puis resta assise sur le lit en scrutant avec attention son téléphone. Comme prédit, Ethan lui envoya un message et ce n'était pas le seul de la journée. Elle le savait dans l'épreuve tout comme elle l'était en ce moment même.
C'était la première fois qu'une si longue distance les séparait.
Pour la septième fois, elle le rassura et posa son téléphone sur le lit.
Elle avait assez attendu, songea-t-elle en se levant du lit pour quitter la chambre.
Plus d'une heure la séparait de leur dernière conversation et Sienna n'avait pas peur de se dire intérieurement que ça c'était plutôt bien passé.
S'il y a une chose qu'elle ne pouvait pas enlever à ce sultan mystérieux, c'est son honnêteté.
Au moment de passer sur le pont inférieur, Sienna sentit son pouls s'accélérer parce qu'elle avait l'impression qu'une lourde présence se trouvait derrière elle.
Ce n'était pas qu'une impression, se dit-elle intérieurement en se retournant et en faisant face à l'homme.
- C'est une habitude pour vous de surgir de nulle part ou vous le faites uniquement avec moi ?
- C'est une habitude, dit-il en dardant sur elle un regard qu'elle ne sut décrire.
Il combla l'espace qui les séparait et posa sa main dans son dos pour la guider.
Il la conduisit à une table plantée devant la vue spectaculaire du soleil qui entamait sa lente descente sur la mer.
Son cœur s'accéléra violemment en découvrant cette table dressée avec une certaine élégance qui ne correspondait en rien avec le sultan.
- C'est vous qui avez fait tout ça ?
- Cela vous étonne ?
- Eh bien oui, admit-elle en inspirant imperceptiblement. Je pensais qu'un souverain avait en coulisse une armée de mains pour tout lui faire.
- Dans mon palais oui, mais ici nous sommes seuls.
Sa manière de lui dire suffit à Sienna pour que son cœur s'emballe à une vitesse folle.
- Mangez maintenant, vous avez besoin de reprendre des forces.
Il avait raison, elle se sentait affaiblie et décida de manger avec plaisir.
- Si vous avez une série de questions que vous souhaitez me poser je vous en prie, faites-le.
- Pourquoi L'Italie ? Pourquoi ce pays précisément ?
- J'ai vécu quelques mois en Italie, il y a longtemps maintenant, répondit-il d'une voix étrangement basse. Je l'ai choisi sans réfléchir.
Une lueur s'alluma dans son regard. Il paraissait nostalgique.
- Pendant la guerre ? Lui demanda-t-elle avec une légère hésitation.
Mohamed hésita à lui dire le reste de l'histoire.
À quoi bon lui faire peur inutilement alors qu'elle commençait enfin à se détendre ?
Lui dire qu'il avait travaillé pour la mafia et qu'il avait pris plaisir à se découvrir n'allait pas l'aider bien au contraire.
Il préférait garder cette partie pour plus tard.
- Comme je vous l'ai dit c'était après ma blessure au visage, je me suis réfugié ici effectivement. J'ai passé quelques mois ici et je me suis trouvé. Ensuite je suis parti au combat avec mes hommes.
Il l'embrassa du regard, incapable de détourner les yeux de son visage. Il serra les dents pour contenir l'ardeur de ce désir qui ne l'avait jamais quitté depuis ce jour dans la librairie.
- Dites-moi vos pensées, n'ayez pas peur.
- Pourquoi avoir besoin d'une femme ? Est-ce parce que votre statut vous oblige à en avoir une ?
- Si c'était mon statut qui me pressait autant j'aurais ordonné un mariage arrangé. Non, cela ne vient pas de mon rang, mais d'un souhait personnel. Bien que mon royaume rêve de voir une sultane à mes côtés.
Elle ouvrit la bouche, mais Mohamed savait déjà ce qu'elle s'apprêtait à lui dire.
- Je veux des enfants, si c'est à ça que vous pensez.
Elle baissa les yeux, embarrassée.
- Comment avez-vous deviné ?
- Parce que vous m'avez dévisagé avant de vous lancer. Comme si vous étiez en train de vous dire que mon âge m'oblige à avoir une femme pour engendrer des héritiers.
Elle se racla la gorge et leva son verre pour tremper ses lèvres dedans.
- Je veux une femme qui parviendra à accepter ce que je suis.
- Vous dites cela comme si vous étiez si effrayant que...
- Je peux l'être parfois, la coupa-t-il en guettant sa réaction. Je veux une femme capable de me donner ce que je veux et qui acceptera qui je suis.
- Et toutes ces femmes qui sont venues jusqu'à vous avec l'envie terrible de devenir votre femme n'ont pas accepté ce que vous êtes ?
- Malheureusement je n'ai pas laissé l'opportunité à ces femmes d'arriver à cette étape.
- Et pourquoi ça ?
- Parce qu'aucune d'entre elles ne m'a convaincu et correspondait à mes attentes.
Elle inspira brusquement en fuyant son regard.
- Vous semblez bien exigeant.
- Je sais ce que je veux et ce que je ne veux pas, dit-il d'une voix profonde.
Le ventre noué, elle s'étonna elle-même de pouvoir encore le regarder.
- Et vous pensez que je suis celle qui saura accepter ce que vous êtes sans savoir réellement qui vous êtes ?
Un sourire aussi sombre que ses yeux releva la commissure de ses lèvres.
- Oui, en effet...
Le mystère qui se mit à luire dans ses yeux lui donna d'autres palpitations cardiaques.
- Vous restez volontairement mystérieux, nota-t-elle en plissant le front.
- Parce que si je vous révèle tout maintenant, cela n'aura plus de sens.
Étourdie par cette voix de gorge, Sienna se pinça les lèvres en tournant les yeux vers l'horizon.
- Ça ne marchera pas, finit-elle par dire.
- Parce que vous avez l'impression que tout ça n'est pas réel mais ça l'est.
Les mots qu'elle voulait lui dire moururent sur ses lèvres.
- J'ai tout ce que je possède et bien plus, ajouta-t-il sur un ton sérieux. Hélas je me suis rendu compte que ça n'avait pas de valeur.
Il se pencha en avant et posa ses avant-bras sur la table.
- Sept jours, sept nuits, murmura-t-il avec une force silencieuse qui émanait de sa voix.
Il leva sa main hâlée vers elle et la posa sur sa joue.
- Vous viendrez à moi, et avant la tombée de la nuit.
- Vous êtes prétentieux et trop sûr de vous.
- Ce n'est pas de la prétention, juste une prédiction.
Il fit retomber sa main en l'invitant à reprendre sa dégustation. Pendant le reste du dîner, il lui raconta ses voyages et lui parla de l'Italie.
Avec passion, Sienna l'écouta sans jamais se soucier du soleil qui inondait le ciel de couleurs rougeoyantes. " Pourtant tu devrais " lui murmura son esprit quand le dîner toucha à sa fin.
- C'était délicieux, lui dit-elle en reposant la serviette.
- Ça a été un plaisir de cuisiner pour vous Sienna.
Elle se leva, fermement décidé à lui montrer qu'il se trompait et que le soleil allait bientôt se coucher sans que sa " Prédiction " se réalise.
- Je vais donc me coucher.
- Très bien, se contenta-t-il de lui dire en inclinant la tête.
Sienna guetta attentivement les lueurs dans ses yeux mais ne trouva rien de suspect.
Dans ce cas, qu'attendait-elle pour partir !
- Bonne nuit, votre Majesté.
- Bonne nuit...Sienna.
Elle tourna les talons en se demandant pour quelle raison son cœur battait si vite.
En regagnant sa chambre elle poussa la baie vitrée et regarda le soleil qui se jouait d'elle en prenant tout son temps pour finir sa descente.
Le souffle court, Sienna se rendit dans la salle de bains et se mit à l'arpenter en se demandant ce qu'elle pourrait faire pour tromper le temps qui ne passait pas vite.
Elle songea d'abord à aller se coucher, mais il était bien trop tôt.
L'idée de se rendre à la piscine émergea dans son esprit mais elle balaya cette idée aussitôt avant que celle-ci revienne plus forte.
Attirée par la tentation de plonger ne serait-ce que les pieds dans l'eau, Sienna quitta la chambre et se rendit à l'étage où elle se trouvait.
En s'y rendant, Sienna savait qu'elle prenait le risque de le croiser, mais elle était loin de s'attendre à ce qu'il s'y trouve.
La porte retomba lourdement derrière elle, et une intense chaleur lui monta au visage lorsqu'elle le vit dans la grande piscine en train de faire une série de longueurs.
Sienna attrapa la poignée de la porte et s'apprêta à l'actionner quand son regard se tourna à nouveau vers lui alors qu'elle sentait sur son visage les derniers faisceaux du soleil disparaître...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top