Chapitre 13




Le soleil commençait à frapper plus fort et malgré le vent marin, Sienna avait l'impression de brûler intérieurement.

Allongée sur un transat depuis plus d'une heure, elle regardait derrière elle et sur les côtés avec l'appréhension de le voir apparaître.

Cela ne faisait pas longtemps qu'il l'avait laissée seule et Sienna avait l'intuition que ça n'allait pas durer.

Elle n'avait pas l'impression d'être au paradis en dépit du paysage idyllique qui se dressait devant elle, mais plutôt dans un mauvais rêve.

Le sultan lui infligeait des tortures qu'elle était la seule à connaître et qu'elle essayait en vain de garder secrètes.

Son cœur battait trop rapidement et son esprit était sans cesse tourné vers cet homme à un point tel qu'elle avait l'impression que sa jambe n'était plus dans la douleur.

- Vous devriez vous changer, lança une voix d'homme derrière le transat. Vous allez avoir chaud avec cette robe longue.

Automatiquement, et alors qu'un frisson entamait déjà son échine, Sienna toucha sa jambe.

- Je suis bien comme ça, je n'ai pas chaud.

Elle vit sur le côté son corps musculeux s'installer sur le transat à sa droite.

- Dans ce cas, dois-je prendre ces rougeurs apparentes sur votre visage pour moi ?

Elle tourna la tête dans sa direction pour le confronter, mais cette fois-ci, son regard était tout autant masqué que le sien.

- Je ne rougis pas pour vous, je rougis parce que vous me donnez chaud avec toutes vos apparitions mystérieuses.

- J'essaye de vous laisser du temps et de l'espace, mais si ça ne tenait qu'à moi, vous seriez attachée à moi. D'autant plus que je dois vous surveiller.

Le cœur battant dans ses tempes, Sienna le dévisagea derrière ses lunettes de soleil en essayant de savoir s'il se jouait d'elle ou non.

- Je suis sur votre yacht, à des milliers de kilomètres des côtes, pourquoi auriez-vous besoin de me surveiller ? Vous pensez que je vais sauter par-dessus bord ?

- Eh bien je trouve que vous vous approchez beaucoup de la balustrade quand je m'absente.

- Je ne peux pas nager, répondit-elle en détournant les yeux. Je ne peux pas avec ma jambe.

Une profonde tristesse la gagna et elle fut incapable de la maîtriser.

- Vous ne le voulez pas ou vos médecins vous l'ont interdit ?

- Ils disent que je ne peux plus nager comme avant. Cela veut donc dire que les risques sont trop grands pour que je m'aventure à nager.

- Vous ne pouvez plus nager comme avant, mais vous pouvez nager, répondit-il calmement. Ce qui signifie que vous pouvez nager.

- Mais je ne le veux pas, précisa-t-elle sans le regarder et en touchant sa jambe.

Elle espérait qu'il abandonne et qu'il n'insiste pas parce qu'elle n'avait pas la moindre envie de lui confier que la cicatrice sur sa jambe était la raison qui l'empêchait également de se montrer.

- Venez avec moi, ordonna-t-il en se levant.

- Quoi ?

Elle n'eut d'autre choix que de lever son regard sur lui et sur cette main ferme tendue vers elle.

- J'ai dit, venez avec moi.

L'autorité dans sa voix la fit frémir et son cœur s'emballa aussitôt.

Sienna se redressa sur le transat et tenta d'éviter sa main tendue, mais au moment de se lever il prit son bras pour l'aider puis fit descendre sa main jusqu'à la sienne.

Ne lui laissant pas le choix, il l'entraîna dans le petit escalier qui menait un étage plus bas.

- Où allons-nous ?

Il ouvrit deux grandes portes et lâcha sa main.

Sienna entra dans la salle en osant à peine y croire.

- Ici, vous pouvez nager en toute sécurité, expliqua-t-il en faisant le tour du bassin. Il y a un côté qui ne possède pas une grande profondeur.

- Une piscine sur yacht ?

- Je ne savais pas qu'il en possédait une avant hier, répondit-il en secouant des épaules d'un air désintéressé par ce détail.

Stupéfaite, Sienna ôta ses lunettes afin qu'il puisse lire dans ses yeux sa stupéfaction.

- Ne me regardez pas comme ça mademoiselle Kendrick, je suis riche et je ne peux guère le cacher maintenant que vous savez que je suis l'homme qui voulait acheter votre quartier pour cinquante millions de dollars.

Sienna cilla et ne s'était pas rendue compte qu'il s'était approché.

- Vous pouvez utiliser cette piscine autant de fois que vous le souhaitez.

Mohamed ne supportait plus cette raideur qu'il avait dans la nuque, mais dut s'efforcer à l'accepter. La jeune femme jeta un regard hesitant vers la piscine et elle secoua de la tête négativement en faisant un pas en arrière.

Elle avait accepté et c'est à ça qu'il se raccrochait pour éviter de prendre des décisions que cette partie sombre en lui voulait prendre à sa place...ou plutôt ce que sa véritable nature voulait au contraire de l'homme qu'il s'efforçait d'être.

Elle était belle, infiniment désirable, mais la crainte l'empêchait d'être la douce et vulnérable jeune femme qui l'avait accueilli dans la librairie.

Le plus étonnant c'est que dans ses yeux il pouvait lire qu'elle était consciente qu'elle n'était pas elle-même.

- Merci, mais je ne peux pas.

La façon avec laquelle elle rejeta sa proposition donnait l'impression qu'elle disait cela à regret. Mohamed l'observa en silence et suivit des yeux sa main qui se posait convulsivement sur sa jambe.

Alors il comprit.

Ce n'était pas le fait d'avoir mal à la jambe qui lui faisait peur, mais l'apparence de sa jambe.

Mohamed retira ses lunettes de soleil et les posa sur le meuble le long du mur puis revint vers elle.

Elle releva la tête vers lui et le dévisagea avec une lueur d'appréhension dans les yeux.

- Quoi que se passe-t-il encore ? Qu'ai-je fait ?

Il retira son tee-shirt et elle recula en poussant un hoquet.

Sienna dont le cœur tambourinait fort dans sa poitrine recula sans pouvoir quitter des yeux le torse du sultan.

Un torse strié de cicatrices et viril dont la toison brune affola sa respiration. Sans pouvoir s'en empêcher elle glissa son regard sur la dureté implacable de ses abdominaux en ayant peine à contenir la chaleur suffocante qui la menaçait.

- Qu'est-ce que...

- Vous ne devriez pas avoir honte.

- Honte ?

- Votre cicatrice, dit-il en pointant sa jambe du menton. C'est ça qui vous empêche de vous baigner et non la douleur.

Elle déglutit en soutenant péniblement son regard, mais si elle l'abaissait, c'est sur son torse redoutable que son regard allait tomber.

- Regardez les miennes, insista-t-il d'une voix gutturale. Je n'ai jamais eu honte de les porter.

Sienna descendit son regard sur ses cicatrices et une étrange émotion lui monta dans la gorge. En dépit de ses agissements et de sa redoutable volonté à faire plier n'importe qui devant lui, cet homme avait un jour souffert. Une douleur qu'elle n'osait pas imaginer, mais qu'elle devinait effroyable.

- Comment est-ce arrivé ?

- De la même manière que celle que je porte sur le visage. La guerre mademoiselle Kendrick, la guerre...

Il s'avança jusqu'à ce qu'il ne reste plus aucun espace entre eux. Sienna remarqua aussitôt que sa respiration était très lourde. Sans qu'elle puisse l'arrêter, son regard se glissa sur ses biceps hâlés et sillonnés de veines palpitantes sous sa peau.

Une chaleur nouvelle courut sur son visage.

- N'ayez pas peur de montrer votre cicatrice.

Cette déclaration la ramena à la réalité et elle détourna le regard.

- Elle me rappelle avec amertume et tristesse ce que j'ai perdu, murmura-t-elle d'une voix enrouée.

Elle recula parce qu'elle voulait fuir mais il la rattrapa par le bras et l'attira à lui.

Tout en étouffant un hoquet elle rejeta la tête en arrière pour atteindre son regard puissamment sombre et impassible.

La tension n'avait rien de palpable, c'était autre chose et de bien plus intense.

Sienna avait beau le nier et le refuser, quelque chose de puissant et d'inexplicable l'envahissait chaque fois qu'il s'approchait d'elle et qu'il happait son regard.

- N'ayez pas peur, je ne vais pas vous faire du mal, lui dit-il sur le même ton de voix basse et puissante.

Son cœur s'accéléra inévitablement.

- Faites-moi confiance, ajouta-t-il en dégageant ses cheveux de son épaule.

- Vous essayez de m'envoûter ? Est-ce ainsi que vous charmer vos proies ?

- Je n'ai jamais eu de proie, chuchota-t-il en ajoutant quelques mots arabes qu'elle ne comprit pas. Vous êtes la première.

Elle voulut rétorquer mais il posa son index sur sa bouche.

- Vous avez énormément de chance de ne pas être dans le harem. L'idée même de vous imaginer dedans, me rend complètement fou.

C'était la première fois qu'il s'exprimait ainsi et de façon si implacable qu'elle vacilla légèrement.

- Qu'est-ce que ça change ?

- Pour être totalement honnête avec vous, j'aurai aimé vous avoir rencontré dans d'autres circonstances et sur mes terres. Ici je suis limité dans mes actions.

Sienna sentit sur le coton de sa robe une légère pression.

- Ici, même sur ce bateau, je ne peux pas faire ce que je veux. Sur mes terres, les choses auraient été différentes.

Il ajouta quelque chose en arabe en traçant la ligne de sa mâchoire avec son index.

- Je suis un homme déterminé et vous avez beaucoup à apprendre de moi Sienna, mais s'il y a une chose dont je suis sûre, c'est que je ne dois pas vous laisser partir.

Comment était-ce possible de ressentir ça ? Pensa-t-elle en battant lentement des cils. Comment pouvait-il être aussi sûr de lui alors qu'ils se connaissaient à peine ?

Soudain un frisson l'envahit et elle se rendit compte trop tard qu'il avait retroussé sa robe légèrement.

Mohamed se baissa lentement en pliant ses genoux et sentit la main fine de la jeune femme se poser vivement sur ses phalanges. Lentement il remonta sa robe jusqu'à son genou et découvrit cette cicatrice qui lui faisait tant peur.

Elle était pâle, bien plus pâle que sa peau laiteuse et il ne la trouvait pas aussi laide qu'elle l'avait laissé entendre.

Elle était nette, belle, bien refermée contrairement aux siennes qui n'avaient pas pu guérir dans de bonnes conditions.

Il posa son pouce sur la blancheur de la cicatrice et elle vacilla légèrement. Tout en se contrôlant au mieux, il posa sa paume de main sur son mollet puis la remonta jusqu'à l'arrière de son genou.

Elle exhala un soupir tremblant, mais il ne ressemblait en rien à de la peur.

Cette jeune femme pouvait continuer de nier, elle ne pouvait pas contrôler son corps qui lui, ne pouvait pas lui cacher ses réactions.

Mohamed n'avait jamais ressenti une telle tension en lui et il brûlait de l'intérieur de ne pas pouvoir explorer un peu plus ce corps qui le réclamait.

C'était inédit, puissant et il n'avait jamais ressentit une telle fascination pour une femme. Son corps n'était pas le seul à vouloir cette femme. Son esprit la voulait. Il voulait la soumettre à ses volontés, il voulait la posséder jusqu'à ce qu'il soit certain qu'elle lui appartient.

Au prix d'un effort surhumain il ôta sa main de son genou et sa robe retomba pour cacher ce qui ne lui appartenait pas encore.

- Elle est parfaite, déclara-t-il après s'être redressé.

Il la découvrit essoufflée, en proie à un vertige délicieux.

- Vous êtes belle, et vous devriez apprendre à vous aimer Sienna.

Elle ne dit rien et se contenta de baisser les yeux.

- Je vous apprendrais à vous aimer, avec votre permission et soyez sûre que vous me la donnerez.

Mohamed s'éloigna sur ces mots en étant fermement persuadé que sa belle captive viendrait à lui avant le couché du soleil...

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