Chapitre 11




Sienna n'avait pas hurlé. Du moins pas encore. Depuis plus d'une heure elle était enfermée dans la cabine avec cet homme qui s'était muré dans un silence inquiétant.

Le plus déstabilisant c'était de se savoir complètement nue sous ce peignoir alors qu'elle se trouvait à quelques centimètres du sultan qui continuait de faire avancer son yacht dans cette nuit étoilée.

Soudain, il posa sa main sur la manette et le bateau se mit brusquement à ralentir.

Le cœur battant de plus en plus follement dans sa poitrine, Sienna resta collée au mur, le ventre noué d'une angoisse latente.

Il se leva brusquement et se retourna. Il était si grand qu'il prenait tout l'espace et elle avait l'impression de suffoquer et de s'enfoncer dans le sol.

- Je veux sortir maintenant.

- Vous allez sortir, lui promit-il d'une voix si calme qu'elle en frissonna. Je vous conseille de ne pas faire une folie inutile. L'eau est froide et je vous épargne les détails concernant ce qui se trouve sous l'eau.

Il essayait de lui faire peur, et pour l'instant il y parvenait sans difficulté.

Sans plus attendre il déverrouilla la porte de la cabine et l'ouvrit pour qu'elle sorte. Ayant grand besoin de prendre une bouffée d'air frais, Sienna s'empressa de sortir.

Elle attrapa la balustrade et baissa automatiquement la tête vers la mer qui était sombre et inquiétante.

- Pourquoi avez-vous fait ça ? Lui demanda-t-elle à travers ses dents serrées.

Elle se retourna et remercia les lumières du yatch qui se projettaient sur son visage aux traits durement tirés.

- Vous devriez aller dormir, lui conseilla-t-il simplement sans s'approcher.

- C'est un enlèvement ! Vous ne pouvez pas faire ça ! Vous ne pouvez pas m'enlever et me demander d'aller dormir ! Je veux une explication !

- Et vous l'aurez, affirma-t-il les mâchoires serrées. Demain matin.

Sienna, dont le cœur n'était plus qu'un martèlement de battements désordonnés, resta sans bouger, les mains agrippées à la balustrade.

Un vent frais courut sur son visage...un vent aussi dangereux que le regard du sultan.

- Mon frère va s'inquiéter.

- Pas pour l'instant, répondit-il aussitôt. Et il n'y a aucune raison de s'inquiéter. Vous êtes en sécurité avec moi.

- En sécurité ? Répéta-t-elle dans un souffle stupéfaite.

Il s'approcha lentement, et plus il couvrait l'espace qui les séparait, plus Sienna se cambra contre la balustrade.

- Vous êtes en sécurité, répéta-t-il d'une voix de gorge en s'arrêtant à quelques centimètres d'elle.

La respiration affolée, Sienna leva les yeux sur lui en ayant l'impression d'être prisonnière de son regard aiguisé. Quelque chose d'inexplicable se produisait en elle et il en était responsable.

- Allez dormir Sienna, ordonna-t-il d'une voix puissante et basse.

- Non, lui dit-elle en soutenant son regard gris.

Des ombres terrifiantes se projetaient désormais sur son visage imposant.

Soudain, alors qu'elle ne s'y attendait pas, le sultan leva sa main hâlée vers son visage et elle sentit sa paume calleuse et tiède se poser sa gorge.

Sans la serrer, il bougea son pouce et ce geste aurait pu passer pour une caresse si elle ne craignait pas qu'il l'étrangle.

Ensuite, il relâcha sa gorge et la hissa à nouveau sur son épaule, mais cette fois-ci Sienna ne trouva pas la force de crier ni même de se débattre.

Elle se laissa transporter en fermant les yeux pour contrôler les sensations contradictoires qui la submergeaient.

Il la déposa sur le lit et avant qu'elle n'ait eu le temps de se redresser il avait déjà dépassé la baie vitrée.

Sienna résista ou plutôt resta prudente et effaça de son esprit l'idée dangereuse de lui courir après.

La respiration erratique, elle se redressa sur le lit et toucha machinalement sa jambe qui contre toute attente ne l'avait pas trahie.

Elle ne ressentait pas de douleur, pas même un léger tiraillement qui aurait pu la faire grimacer.

Rien.

Que voulait cet homme ?

Pourquoi l'avait-il piégée ?

Envahie de mille questions, Sienna s'allongea sur le lit et ramena ses jambes contre elle tout en fermant les yeux.

Sans s'en rendre compte, la jeune femme s'était endormie et lorsqu'elle souleva les paupières, le soleil qui nimbait sa belle couleur vive sur les draps immaculées la poussa à se redresser avec hâte.

Comment oublier ce qui s'était passé la veille alors que son coeur en tremblait encore ?

Elle quitta le lit dans la précipitation et se rendit en vitesse dans la salle de bains pour enfiler une robe ample puis s'empressa de rejoindre le pont.

Le chercher sur cet immense bateau était tout aussi angoissant que lorsqu'il se trouvait devant elle.

Elle décida de monter l'escalier qui menait à l'étage supérieur et parcourut le pont à sa recherche. Au bout de longues et interminables minutes elle le trouva à l'autre bout du pont, dos tourné à elle, téléphone à l'oreille.

Le bruit de vent ne suffisait pas à rendre le ton autoritaire de sa voix moindre et dont l'arabe aiguisait cette effrayante domination.

Sienna se racla la gorge pour l'informer de sa présence et il se retourna brièvement pour la jauger derrière ses lunettes de soleil.

Derrière cette façon de l'ignorer, Sienna savait que le sultan se jouait d'elle ou plutôt il cherchait à gagner de précieuses secondes.

Savait-il au moins à quel point elle avait peur ou même ça lui importait peu ?

Dans l'impatience, elle détourna les yeux sur l'horizon bleu qui s'étendait comme une ligne infinie.

- Vous avez monté l'escalier sans difficulté ?

Arrachée à sa contemplation, Sienna eut peine à réprimer un léger sursaut.

L'étonnement sur le visage du sultan la blessa.

- Ainsi donc c'est pour ça que vous m'avez mise au rez-de-chaussée ?

C'était un geste qui lui avait gagné le cœur à la seconde où elle avait compris, mais il n'était pas question de lui montrer.

- J'ai jugé bon de vous éviter des obstacles inutiles, dit-il avec un calme trompeur.

- Arrêtez de vous comporter ainsi avec moi.

- Et comment je me comporte ?

- Vous agissez comme si nous étions de vieux amis qui viennent de se retrouver. Auriez-vous oublié ce qu'il s'est passé hier soir ?

Une rangée de dents blanches lui répondit et ce sourire lui arracha un frémissement.

- Comment pourrais-je oublier le doux et précieux moment que nous avons partagé dans la cabine et dans laquelle vous étiez nue et affolée.

Sienna s'empourpra progressivement et détourna le regard, agacée de ne pas pouvoir voir ses yeux.

- Puisque vous êtes montée par vous-même, veuillez me suivre.

Elle se pinça la lèvre puis se la mordit pour se retenir de hurler.

- Je suis sincèrement admiratif, lança-t-il quand elle eut atteint la chaise qu'il lui tira.

- Je vous demande pardon ? S'enquit-elle en regardant brièvement ce qu'il avait disposé sur la table.

- Vous avez une façon propre à vous de tromper votre angoisse qui se lit sans cesse dans vos yeux.

- Et vous semblez aimer ça, nota-t-elle dans un murmure. Vous aimez effrayer les femmes en les embarquant de force vers une destination inconnue ?

Son regard était peut-être masqué, mais pas ses mâchoires qui se contractèrent aussitôt et violemment.

- C'est pour ainsi dire la première fois que je m'essaye à ce genre de pratique.

Un frisson glacé se ficha dans sa nuque.

- Donc vous ne niez pas ?

- À quoi bon nier ? S'empressa-t-il de dire en saisissant la carafe pour lui servir du jus d'orange fraîchement pressé.

- Dites-moi pourquoi ?

- Parce que je ne sais pas faire autrement et vous me détestez, commença-t-il d'une voix pleine de dureté. J'ai essayé d'être civilisé, mais ça ne me va guère. Il fallait que je trouve un moyen de me retrouver seul avec vous et j'ai réussi.

- Vous m'avez piégée.

- Je vous ai proposé de sauver votre quartier et vous m'avez suivi de votre plein gré. J'ai tenu parole et votre maison est sauve. J'ai renoncé à ce projet et maintenant que vous avez eu ce que vous vouliez, c'est à mon tour d'avoir ce que je veux.

Sienna cessa de respirer.

- Et que voulez-vous ?

Un silence s'ensuivit et dans lequel Sienna avait l'impression que son cœur allait sortir de sa poitrine.

- Je veux passer du temps avec vous.

Éberluée, Sienna secoua imperceptiblement de la tête.

- Vous voulez...

- Vous me troublez, et quand je suis troublé, j'aime comprendre pour quelle raison je le suis.

Elle suivit des yeux son imposante balafre qui le rendait encore plus menaçant qu'il l'était.

- Je n'ai rien de troublant votre Majesté.

- Ça, c'est à moi d'en juger, répondit-il sur un ton ferme.

Il se redressa et retira ses lunettes afin qu'elle puisse voir dans le fond de ses yeux toute sa détermination.

- Quel risque prenez-vous de passer quelques jours avec moi ? Vous ai-je fait du mal depuis que vous êtes ici ?

- Là n'est pas la question, dit-elle aussitôt. Ce n'est pas comme ça que ça marche. Vous ne pouvez pas m'emmener au beau milieu de la mer méditerranée parce que vous le voulez.

- Vous m'avez suivie, lui rappela-t-il d'une voix de gorge.

- Parce que je pensais que c'était pour convaincre cet homme.

- Ce que vous n'avez pas fait parce que vous avez omis de me dire que vous aviez reçu des menaces.

- Parce que je ne me voyais pas vous dire que David que je connais depuis des années m'a menacé si je faisais obstacle à votre contrat, répliqua-t-elle sèchement.

- Et cela m'étonne venant d'un homme qui passe son temps à vous regarder, lâcha-t-il d'un accusateur.

- Quoi ? Souffla-t-elle ébahie.

Les mains moites, Sienna commençait à faiblir devant son regard froid et presque austère.

- Vous m'avez très bien compris. Il m'a suffit d'une seule journée dans ce quartier pour comprendre que David Marshall espère de vous bien plus qu'une simple discussion entre amis.

Sienna en resta bouche bée et ce n'était pas à cause des intentions de David qu'elle connaissait déjà, mais plutôt parce que le sultan donnait l'impression d'être...jaloux.

Une chaleur incongrue lui monta aux joues.

- Qu'est-ce qui vous fait dire ça ?

- Je suis un homme mademoiselle Kendrick, je sais reconnaître le désir d'un homme quand j'en vois un.

La mine sombre, il se carra dans la chaise sans la quitter des yeux.

- Il est vrai que...

- Je ne veux pas le savoir, la coupa-t-il durement. J'ai tout sauf envie de parler de lui ici et maintenant.

Sienna déglutit péniblement en soutenant son regard sévère.

- Très bien, dans ce cas, de quoi voulez-vous parler ? Des rumeurs qui courent à votre sujet ? De ce qui advient des femmes qui vous rencontrent ?

Son visage changea brusquement et quelque chose s'alluma dans son regard.

- Je serais plus que ravi d'entendre ces rumeurs.

Devait-elle se lancer ?

Était-ce son seul moyen de savoir ce qui adviendra d'elle ?

- On raconte que les femmes qui ont eu le malheur de croiser votre chemin ont toutes disparu et on m'a parlé d'un harem.

Le sultan esquissa un lent sourire qui lui fit froid dans le dos.

- Et vous croyez ces rumeurs ?

- Eh bien étant donné que je suis ici avec vous et que vous m'avez clairement fait comprendre que c'est un enlèvement, je dirais que oui.

Il serra les mâchoires sans se départir du léger sourire qui relevait la commissure de ses lèvres.

- Vous détenez la mauvaise version de l'histoire mademoiselle Kendrick et je serais ravie de vous la raconter.

Elle inspira brusquement.

- Je veux une femme à mes côtés pour régner, commença-t-il d'une voix sombre et pénétrante. Depuis la fin de la guerre et depuis que je suis monté sur le trône, avoir une épouse est la seule chose qui me manque. Je la cherche et comme je suis exigeant et que je refuse un mariage arrangé, cela prend plus de temps que prévu.

Sienna resta silencieuse tandis que ses paumes de mains devenaient de plus en plus moites.

- Je suis un souverain impitoyable et mon île à besoin de voir une figure douce à mes côtés.

- Donc vous enlevez des femmes au hasard ?

L'homme lui répondit par un silence énigmatique.

- Toutes les femmes qui sont venues à Rhafar l'ont fait de leur plein gré, précisa-t-il d'une voix plus chaude et posée.

- Donc elles viennent jusqu'à vous dans l'espoir de devenir votre femme ?

- En effet, affirma-t-il sans l'ombre d'un sourire. Je me donne sept jours pour apprendre à la connaître et si au terme de ces sept jours je ne suis pas satisfait, alors je passe à la suivante.

Sienna étouffa un rire.

- Et au passage vous vous faites plaisir je suppose ?

- C'est mal me connaître, il m'en faut plus pour éveiller mon désir d'autant que je suis un homme exigeant.

Exigeant ?

Voulait-il parler d'être exigeant en tant que souverain ou au lit ?

Une sensation inexplicable lui remonta dans le bas-ventre.

- Je ne vois toujours pas le rapport avec moi, lança-t-elle en se mentant à elle-même.

- Vous en êtes sûre ?

Elle ne répondit pas immédiatement, figée dans l'incertitude.

- Vous l'avez dit vous-même, elles sont venues de leur plein gré, or ce n'est pas mon cas. Vous m'avez piégée.

- Et je ne le regrette pas, parce que désormais je suis convaincu que j'ai pris la bonne décision. Mon instinct ne m'a jamais trompé et encore moins maintenant.

Il marqua une pause puis rajouta d'une voix gutturale.

- Et je me donne sept jours pour le confirmer...

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