Des souvenirs intacts, impénétrables, immortels, comme coincé dans du cristal. Je peux encore les voir de loin, mais plus jamais les atteindre. Ils sont ce qu'ils sont, et quand je les vois, je me dis que mes efforts sont vains. A quoi sert-il de vouloir faire perdurer le passé dans le présent si c'est juste pour regarder ? On ne peut pas les changer, on peut juste les conserver. Alors je reste là, face à mes cristaux colorés, où j'ai enfermé mes souvenirs pour éviter qu'ils m'échappent. Je regarde ma petite collection qui ne cesse de grandir, et je me dis que peut-être un jour, il faudra faire le tri. Je ne peux pas entasser mes cristaux indéfiniment. Je les fixe avec attention, certains sont beaux, ils sont précieux, et je sais que si un jour tombe le soir, ils seront là pour m'éclairer. D'autres sont glacés, coupant au toucher. Les contempler me fait mal, leur lumière scintillante me pique les yeux. Je sais que cette lumière est illusoire, ses souvenirs sont morts depuis longtemps. Alors la colère m'envahit, l'impuissance aussi. On ne peut pas lutter contre le temps, on peut juste le regarder filer entre nos doigts. Il n'y a pas de retours en arrière, juste ces petits souvenirs fantômes qui sont là pour nous rappeler que tout ça est vrai, et que c'est derrière nous. Je réalise que je perd mon temps à fixer la sombre lumière qu'ils dégagent. Il faut aller de l'avant. Alors je saisis les cristaux les plus froids, les plus durs, les plus douloureux, et je les lance contre le mur, contre lequel ils se fracassent et forment des éclats d'étoile qui s'éparpillent dans l'air. Je balaye leur débris éclatants du pied et quitte la pièce, un sourire aux lèvres.

Certains ne méritent peut-être pas de faire partie de ma mémoire.