The oldest person in the world.
Je vis dans un monde un peu particulier. Presque utopique pour vous autres. Mais vous savez, personne ne s'en plaint.
Dans mon monde, les bonnes actions sont valorisées par Dieu lui-même, ou Allah, ou toute autre divinité là-haut, même si nous avons la certitude qu'il en existe une. Chaque bonne action te rajoute du temps de vie. Un jour pour donner son sang, un mois pour sauver un animal, un an pour sauver une vie.
C'est presque le paradis, vous savez. Les gens bien vivent longtemps, très longtemps, et les mécréants, ceux qui font du mal aux autres, qui blessent, tuent ou volent, meurent en très peu de temps.
Lors des procès, la prison à vie est la peine la plus crainte. Nul ne se préoccupe de donner la mort, de toute façon la cellule sera vite vide.
Plus personne ne craint un petit vieux. Les jeunes sont étroitement surveillés, mais les personnes âgées sont elles présentées en héros. La durée de vie moyenne d'un homme étant de soixante ans, on peut les comprendre.
Moi, je suis un adulte d'âge moyen, profitant des soixante années qu'il lui reste à vivre, donnant mon sang régulièrement, aidant régulièrement la SPA, ce genre de chose.
Et ce matin, en regardant les infos, mon monde a basculé.
"Artie Alcott, la personne réputée comme étant la plus vieille du monde, est confirmé coupable de trente-huit meurtres durant sa longue vie. Aujourd'hui âgé de 218 ans, Alcott a refusé de s'exprimer devant la caméra pour une raison qu'il a refusé de nous révéler et... "
Entendant cela, j'ai coupé la télé. Ça faisait longtemps que je me targuais de vivre proche de la personne la plus vieille de monde. Artie était un petit vieux avec une pêche incroyable prévoyant pour lui au moins une cinquantaine d'années de plus à vivre. Personne ne savait vraiment pourquoi, mais tout le monde l'adorait.
Ce petit vieux ne pouvait pas être l'auteur de ces trente-huit meurtres qui ont défrayé la chronique en leur temps, c'est impossible. C'était pourtant tous de respectables personnes, alors pourquoi?
Lorsque j'ai vu ça, je me souviens m'être précipité chez Alcott affolé, voulant absolument une explication. Et je n'était visiblement pas le seul, puisque une armée de journalistes attendaient devant chez lui, armés de micros et de caméras, criant tous à qui mieux mieux pour le faire sortir.
Voyant cela, je me suis découragé. Tant de journalistes... Jamais je n'allais pouvoir entrer. Et puis je l'ai vu. Alcott, l'air bien plus fatigué que d'habitude, s'appuyant sur sa canne et me faisant signe de le suivre, ce à quoi j'ai obéi, non sans méfiance.
"Alors le p'tit jeune. On a vu les infos, comme tous les autres?"
Il semblait lassé et usé par tout ça. J'ai hoché la tête en silence.
"-Tout ça... C'est vrai, monsieur Alcott? Vous avez vraiment tué des gens."
Il a soupiré.
"-Suis-moi."
Et sans attendre mes protestations, il m'a attrapé la main et m'a tiré vers un coin étrange, recouvert de buissons disposés d'une drôle de manière. Il les a rapidement écartés pour m'entraîner dans l'escalier qu'ils dissimulaient, sans rien dire. Sans m'écouter protester.
Et puis il a ouvert une porte au bout du chemin, et m'a poussé doucement dedans. Puis il est rentré. A souri. Et a fait un grand signe de la main.
"-M'sieur Alcott!
-Vous êtes là, m'sieur Alcott!
-Artie, quel plaisir de te voir!
-Youhou! Alcott est là!"
J'étais stupéfait. Tant de gens... Tant de sourires... Tant de joie et de bonheur dans ce dôme souterrain...
Alcott sourit.
"Salut les jeunes. Alors la journée?
-Super! Clarissa a eu un enfant!
-Et Emilia a avoué ses sentiments à Jo!
-Ah, enfin!"
La foule l'entourait étroitement, et il leur parla longuement avant qu'ils ne se dispersent. Et puis il se tourna vers moi.
"-Vois-tu, p'tit jeune, ces gens sont des victimes de personnes qui auraient dû mourir. Des violeurs, des patrons trop abusifs, des gens très méchants, qui les maintenaient étroitement sous leur coupe. Et tu sais, trente ans c'est largement suffisant pour détruire des vies. Alors quand je vois un violeur s'en tirer en accusant sa victime, ou un jeune patron qui met à la rue une mère d'une famille de six enfants... Et qu'il ne meurt pas... Ça m'écoeure, voilà."
J'écoutais le vieux présumé tueur en série en silence tandis qu'il continuait son récit.
"Je suis milliardaire, tu sais gamin. Alors j'ai construit ce dôme, ait fait en sorte qu'il se suffise à lui-même en y sacrifiant mon entreprise, et lorsqu'il arrive un acte comme ça dont personne ne se rend compte, j'y recueille la victime. J'y ai accueilli des sans-abri, des violées rejetées par leur famille, des personnes non hétérosexuelles qu'on blâme tout les jours, des choses comme ça, et parfois, lorsque celui qui les a maltraités continue d'agir, je vais faire en sorte qu'il ne le fasse plus jamais. Oui, tuer c'est mal. Mais franchement gamin. Est-ce que ne rien faire n'est pas encore pire? Pourquoi crois-tu que personne ne dépasse cent cinquante ans? Parce que tu croises des centaines de personnes maltraitées tous les jours, et tu ne fais rien."
Il caressa mes longs cheveux bruns avant de me jeter dehors.
Je méditais encore ses paroles lorsque je suis rentré chez moi.
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