Le vent soufflait, agitant les longs cheveux de la chasseuse de monstres alors que cette dernière, tendue, armait son fusil spécial ferox, conçu tout spécialement pour ces sales bêtes.

Ça faisait longtemps que la rue était désertée, tous les habitants se cachaient, soit dans des abris anti-atomiques, soit dans les refuges montés à la hâte dans le gouvernement. Gouvernement qui, comme à son habitude, dépensait l'argent du pays dans des fumisteries sans trouver de vraies solutions, où même reconnaître le groupe clandestin des chasseurs de monstres, qui travaillait depuis le début de la crise pour réduire la population des ferox. Créer des refuges, c'est cool. Mais quelle est la probabilité qu'un de ces sales monstres se déguise en humain et ne se glisse dans un des abris avant de faire bombance?

D'après Phil, le chef des chasseurs... 87%.

Pas fameux, hein, Mr President? Messieurs les présidents en général d'ailleurs? Il n'y avait décidément pas que la France qui foutait des conneries sur le cas ferox...

La brunette soupira en consultant ses informations sur la tablette qu'on lui avait accordée. La cible d'aujourd'hui était une goule surnommée "Petite sœur". Contrairement à beaucoup d'autres ferox qui étaient sauvages et indisciplinés, les goules pouvaient parfaitement se fondre dans un environnement humain et se tenir à carreau, du moins avant que leur faim ne les rattrape. Leur faim d'humains. Contrairement aux vampires, qui ne buvaient que le sang, et aux garous, qui tuaient pour le plaisir, les goules pouvaient engloutir un cadavre entier d'un poids et taille moyens en moins de trente secondes. Et à cause de leur intelligence humaine, ils pouvaient assez aisément se dissimuler parmi une population innocente pour l'exterminer à l'heure des repas.

La chasseuse fronça le nez. Sales monstres.

Depuis les mutations "inexpliquées", survenues plusieurs dizaines d'années auparavant, de certains êtres vivants, l'humanité vivait dans la peur. Les créatures fantastiques que tout le monde admirait dans les livres étaient craintes de tous dans la vraie vie. L'humain n'était pas fait pour le rôle de proie. Alors il s'était battu, avait classifié les monstres par niveau de dangerosité, avait recherché des informations. Enfin, pas l'humanité en entier. Ceux qui voulaient se battre. Les actuels chasseurs de monstres. Ordre clandestins depuis 2136.

Il était temps d'y aller. Petite soeur n'allait pas attendre indéfiniment. Et la chasseuse ne voulait pas de nouveau sentir l'odeur du sang humain. C'était quelque chose de répugnant de voir les restes de tes frères et sœurs, au sens large, au coin de la gueule d'un monstre.

"Pauline!"

L'interpellée se retourna, replaçant ses cheveux. Molly. Il fallait qu'elle arrive maintenant. Pourquoi on l'avait assignée sur cette mission d'abord? À part le soin, elle n'avait aucun talent. Et n'avait pas la rage de vaincre de sa meilleure amie et des autres chasseurs de monstres.

"Qu'est-ce que tu veux, maman Weasley?"

L'intéressée, une petite ronde aux cheveux roux flamboyants, chevelure qui lui avait valu son très beau surnom, se mit à grogner, les yeux bleus tournés vers le ciel.

"Très drôle, sale moldue. Espère plutôt qu'on ne verra jamais de dragon.
-En attendant, je bosse, moi, Molly. Fallait pas rentrer chez les chasseurs de monstres si c'était pour parler à tout va. Surtout quand on est pas fait pour ça."

Surprise par l'exaspération dans la voix de la jeune chasseuse, son amie s'approcha d'elle et la prit par les épaules.

"Pauline, enfin. On a plus le droit de rigoler?
-Pas en mission. Jamais. Je t'adore, Molly, tu le sais depuis qu'on est petites, mais là non."

La rousse grogna, mais abandonna la partie.

"Bon, en attendant. Qu'est-ce qu'on fait? Où est cette fameuse goule?"

Pauline se leva en soupirant. Elle en avait vraiment, mais alors vraiment marre de devoir réexpliquer sa mission. Surtout à une personne qui n'écoute pas les briefings et pour qui les informations rentrent par une oreille et sortent par l'autre.

"-La goule dénommée "Petite soeur" a été aperçue plusieurs fois dans les environs. On l'a surprise une fois avec un cadavre, et d'autres l'ont entendue se lamenter sur l'absence de sa grande sœur. D'où le surnom. Je dois la trouver et l'éliminer.
-Whoa, whoa, whoa, calme-toi, on dirait une machine...
-Je m'en fous, Molly. J'ai une mission."

Molly se redressa.

"Tu ne fais que me convaincre davantage que tu es un robot. Ça rentre dans la catégorie "bêtes sauvages", ça?
-Je ne bouffe pas d'humains. Donc je ne suis pas un ferox. Ramène toi."

Elles s'avancèrent dans la rue déserte avec prudence. Pauline arma son pistolet, prête à tirer. Elle avait hâte
Depuis les premières tueries de masse de ces saloperies de monstres auxquelles elle avait assisté, elle ne voulait qu'une seule chose: S'en débarrasser. Tant pis pour les mouvements d'activistes qui prônaient leur caractère d'être vivant. Tant pis pour l'apathique gouvernement. Un ferox restait un ferox. Une bête sauvage qu'elle se devait d'éliminer.

Elle ne savait même pas d'où venait ce nom. La seule utilité du gouvernement était de savoir parler latin et de s'associer avec les pisseurs d'eau bénite pour nommer la menace.

Un bruit de métal tombé au sol retentit plus loin dans la rue. Une poubelle vide. Cela ne pouvait être que Petite sœur. De plus, l'odeur du sang tout frais ne laissait aucun doute sur sa nature. La goule venait très probablement de passer à table.

Faisant signe à Molly de la suivre, la chasseuse s'engagea dans l'obscurité de la rue, prête à allumer sa lampe frontale. Ses oreilles aux aguets, elle se concentrait sur le moindre bruit, lui permettant de localiser le monstre. Un bruit de liquide ruisselant goutte à goutre couvrait la majeure partie des bruits les plus utiles, mais la brune le savait, elle se rapprochait du but. Elle sourit. Bye bye, la goule.

Un frottement de chaussures sur le sol attira l'attention de Pauline, qui ne perdit pas de temps. Elle se tourna vers la source du bruit et alluma la lampe, qui remplit d'une lueur éblouissante le petit espace de la rue. Le temps que ses yeux s'habituent à la lumière, Pauline avait déjà levé son arme, pointée vers la goule.

Étonnamment petite pour l'âge donné par les témoins, Petite sœur était une créature maigrelette, aux cheveux roux, bouclés et ternis par l'errance. Son petit corps était amaigri par la faim et le manque de soins, et ses vêtements en lambeaux lui dissimulaient à peine les côtes visibles et des cicatrices. Le bruit de goutte-à-goutte était généré par sa main droite recouverte de sang. Ses bras etaient couverts de morsures, des fois petites, des fois causées par des crocs. Mais ce que Pauline remarqua en premier, ce furent ses yeux. C'était les yeux typiques des goules, noirs injectés de sang au point que l'iris avait perdu toute sa blancheur. Aucun doute à avoir.

Pauline chercha autour d'elle, mais ne vit aucune trace de cadavre. L'avait-elle déjà englouti? Elle venait forcément de manger. Le sang en était la preuve. Une goule ne saigne pas. On lui avait toujours répété.

Molly retint un cri derrière elle. Elle avait toujours eu trop de compassion. Pauline le savait depuis longtemps. La compassion l'avait poussée à cesser de manger de la viande, malgré que son corps n'accepte mal la plupart des autres formes de nourriture. Molly était bourrée d'allergies, mais malgré le fait qu'elle avait besoin de protéines, elle soignait les animaux blessés, donnait sa nourriture à des sans-abri en oubliant sa faim, même alors que la crise ferox battait son plein. Même alors qu'elle avait cinq ans, qu'elle avait vu tout leur village se faire exterminer par des vampires et qu'elle avait un revolver en main, elle avait refusé de tirer.

Pauline secoua la tête. C'était bien le moment de s'inquiéter de sa meilleure amie. La goule était toujours là.

Étonnamment, Petite sœur n'avait pas bougé. Elle semblait fixer un point derrière la jeune chasseuse de monstres, le regard empli d'une sorte de joie. Et puis, ses fragiles lèvres s'entrouvrirent, et elle força sa voix pour pousser deux mots hors de celles-ci :

"Grande.... Soeur?"

Pauline ne lui laissa pas le temps dr finir. La balle lui creva l'œil droit. Et Petite sœur s'abattit sans bruit sur le sol, la tête renversée en arrière.

De soudains sanglots retentirent derrière elle. Étrange, Molly n'était pas si émotionnelle d'habitude. Et elle se précipitait encore moins vers le cadavre du monstre pour l'étreindre et pleurer à chaudes larmes.

Et puis elle entraperçut une lueur noire dans l'œil habituellement bleu de sa meilleure amie. Et les pièces du puzzle se mirent en place. Elle venait de comprendre pourquoi Molly avait insisté pour se joindre à la mission.

Cette dernière n'eut même pas le temps d'implorer la pitié de la chasseuse. La dernière balle du revolver vient lui crever la tête. Et la dernière vision qu'eut la goule nouvellement découverte fut l'œil froid de celle qui se disait sa meilleure amie, avant de tomber sur le cadavre du monstre que représentait sa petite sœur.

Pas une larme ne s'échappa de l'œil de la chasseuse.

Elle avait accompli sa mission.

Elle avait exterminé les monstres.

_______________________________________

Ces temps-ci, écrire est super difficile, et si il n'y avait pas eu les Wattys 2018 et le Tournoi des 24 plumes je n'aurais avancé nulle part.

Mais j'ai l'impression de m'être forcée à écrire ça, donc je sais pas trop si c'est aussi bon que d'habitude. J'espère. Je compte sur vous pour me signaler les couacs. Sérieusement.