Le soir tombe...°
La nuit est sur le point de recouvrir la plaine. Il promet de faire noir, quelques nuages cachent les faibles rayons de ce qu'il reste de soleil. Il n'y a pas un animal à l'horizon. Pas un bruit. Juste le soleil qui s'en va et te laisse seul. Tu n'y verras bientôt plus rien, tu es épuisé par tous ces combats successifs, et tu n'as plus rien à manger. Tu décides donc d'aller chercher un abri.
La plaine s'étend sur plusieurs dizaines de kilomètres. Il n'y a ni point d'eau, ni abri quelconque, juste un bout de bois par-ci par là. Tu les récupères, l'un après l'autre. Par chance, c'est du bois sec: Se faire un feu est donc possible. Se faire un feu, certes, mais pour griller quoi? Tu n'as plus rien à manger. Plus rien, juste ton estomac qui gargouille, encore, et encore.
Tu peux sentir ton énergie diminuer à chaque pas que tu fais, cependant une lueur d'espoir point à l'horizon: une étrange lumière jaune qui te rappelle celle des lampadaires de ta ville. Mais quelle était ta ville? Où es-tu né? Tu ne t'en souviens plus.
Tu décides de suivre cette lueur. Le chemin est long et difficile, et tu te sens faiblir, mais la lumière est toujours là. Tout autour de toi, il fait noir, la nuit est bien tombée. Il n'y a plus que le noir, le noir et la lumière qui semble t'attirer davantage à chaque pas que tu fais.
Tu peux presque entendre des voix t'appeler, des voix douces et familières. Après un long moment de réfléxion, tu les reconnais: C'est ta famille. Que font-ils ici, te demandes-tu: Dans ta quête désespérée, tu te croyais seul. Tu finis par assumer que ce ne sont que des hallucinations, dûes à la faim qui te tenaille toujours plus. Oui. Rien d'autre que des chimères à ne pas écouter.
Ta famille... Ils te manquent, mine de rien. Mais même si le manque est présent, tu ne te souviens plus de leur visage. Tu peines même à te souvenir de la personne qui t'a épousé, toi, l'humain qu'on ne remarque jamais. Ces gens ne sont plus qu'une vague apparition dans ton cerveau, une voix qu'il faut faire taire. Il n'est pas bon de se perdre dans les rêves, et tu le sais mieux que personne, n'est-ce pas? Toi qui aimais tant lire, encore et toujours plus.
Le chemin est de plus en plus dur, tu te sens tiré en arrière de plus en plus fort. Les voix se font de plus en plus faibles au fur et à mesure que tu avances vers la lumière salvatrice, mais chaque instant d'inattention les fait revenir à la charge, et l'obscurité te tire toujours plus en arrière, loin de la lumière.
Tu en as marre, n'est-ce pas? Tu n'en peux plus. Pourtant, tu continues, car l'obscurité provoque en toi une telle sensation de malaise que tu refuses ne serait-ce de la regarder. La lumière est tellement plus accueillante, tellement plus douce et tentante, elle t'attend, elle te veut toi, t'emmener dans sa bienfaisante étreinte. Et toi, tu ne désires que répondre à son appel.
Et, enfin, après tant de difficultés, la lumière paraît se rapprocher. Tu n'entends plus les voix. Ta faim est oubliée, tu ne sens plus ton corps, il n'y a plus que la lumière. Délicieuse sensation que celle de ne plus rien ressentir. La lumière est prête à t'avaler, et toi à t'y jeter.
Tu y es presque, il n'y a désormais plus que de la clarté dans ton champ de vision. L'obscurité t'abandonne, et avec elle un étrange battement dont tu ne t'étais même pas aperçu avant qu'il ne disparaisse. Tu ne sens plus rien, n'entends plus rien, ne vois que la lumière, et cette sensation te procure un bonheur infini.
Alors tu te jettes dans la lumière, et elle t'avale tout entier. Oubliée, ta quête pour trouver je ne sais quelle sortie. Oubliés, ta famille et tes proches, oubliées, tes sensations. Il n'y a plus que la lumière. La lumière qui t'éblouit, prend forme, petit à petit, autour de toi.
Et puis tes yeux s'habituent à ton nouvel univers. Tu vois ce qu'il y avait au delà des ombres. Et tu comprends.
Car autour de toi, il y a une chambre d'hôpital. Des médecins qui tiennent la main d'une famille en pleurs. Un électrocardiogramme plat. Un bip incessant, une atmosphère lourde, pleine de deuil et de tragédies. Et ton propre corps, étendu sous toi, les yeux fermés, secoué de toutes ses forces par une jeune personne en pleurs. Est-ce un homme? Une femme? Tu ne sais pas, ta vue s'est soudain troublée. Mais tes souvenirs, eux, sont d'une clarté limpide.
Car oui, tu te souviens de tout.
De la voiture.
De l'accident.
Du coma.
Sur le dossier médical, il y aura écrit "arrêt cardiaque", tout le monde se demandera pourquoi alors que tu réagissais bien aux stimuli, mais toi tu sais.
Tu l'as voulu.
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