Chapitre13 : La danse intemporelle
Quand le miroir me relâche, je suis dans la salle de danse et il est dans mon dos. Mais l'accès à l'autre monde est fermé à clef, alors je regarde ma tenue et constate que je porte mon justaucorps. La tenue de guerrière s'est modifiée et je me relève afin de me préparer à entrer en scène. Je sors la pierre de ma poche, un éclat de lumière émane d'elle et je frissonne. Mélissa passe la porte, ainsi qu'Anna, Maria et les autres filles. Elles semblent me fixer avec interrogation, histoire de savoir comment cela se fait-il que je sois déjà là. Mais je n'y fais pas attention. Je rejoins les filles et je me place à côté d'elles. Mélissa nous adresse la parole :
- Aujourd'hui, notre directeur Marco va venir vous voir danser
- Pourquoi donc ?
- Il veut pouvoir sélectionner les meilleures d'entre vous pour son cabaret
- Un cabaret de quoi ?
- Un cabaret de curiosités féminines, c'est une chance pour vous, car il est situé sur les champs Elysées. Ce sera un cabaret réservé aux hommes où vous aurez l'obligation de les faire rêver.
- Et peux-t-on savoir comment s'appelle ce cabaret ?
- Il s'appelle Sexy Street.
Je soupire. Il ne veut pas seulement nous voler nos rêves, il veut pouvoir nous enfermer et se jouer de nous. Nous nous mettons en file indienne, Mélissa met la musique et je commence à danser la première, en oubliant totalement les autres. Mes cheveux sont lâchés, mais ne me gênent pas. La porte s'ouvre et le directeur entre, je ne lui jette même pas un regard, je me concentre sur mes figures. J'essaye d'oublier son regard possessif sur moi et Anna, mais à peine ai-je baisser les yeux qu'il s'adresse à Mélissa en me montrant.
- Elle, c'est elle que je veux. Et Anna aussi.
- Bien. Ton club est situé non loin des champs Elysées, c'est ça ?
- Oui, dans une petite rue perpendiculaire.
- Quand les veux-tu ?
- Tout à l'heure.
Je me fige et avale ma salive. Anna, elle, me prend par le bras comme si elle avait peur. Mais je ne flanche pas, l'épée vorpaline m'a donné du courage et je résiste à la peur. Melissa nous autorise à quitter son cours et j'entraîne alors Anna avec moi pour que nous allions nous poser dans ma chambre. Elle stresse un peu à l'idée d'intégrer ce club, mais pas moi. Une fois toutes les deux assises sur mon lit, elle pousse un soupire.
- Oh ! Léna, j'ai tellement peur. Que va-t-il nous arriver une fois qu'on y sera ?
- Rien, tant que je serais là. Je te le promets.
- Comment tu le sais ?
- Je ne peux pas te le dire, mais tu verras.
Je la prends contre moi et la serre fort dans mes bras. Et puis, on se sépare pour chacune aller préparer nos affaires. Je sors de ma poche le livre « Le pays des songes », le pendentif et la pierre, et j'évalue le risque qu'ils ont de se perdre si je ne les prends pas avec moi. Ma valise risque un peu si je la trimballe avec moi jusqu'au cabaret et ces objets sont trop précieux. Je les reprends et les remet dans ma poche. Tout en rangeant ma chambre, je tombe sur une perle, une petite perle tout petite et, piqué par la curiosité, je m'empare d'elle. Ma trousse de toilette, mon shampooing, mes quelques tenues qu'on m'a donné ici, tout finit par être bien bouclé dans ma valise. Je rejoins Anna en bas de l'escalier.
- Alors, tu es prête ?
- Je pense, oui
- C'est une nouvelle aventure qui nous attend.
- On peut dire ça, oui.
Avant que nous passions la porte, Maria se précipite vers nous. Elle tient dans ses mains un livre.
- Les filles, attendez ! J'ai quelque chose pour vous, prenez ce livre, je l'ai chipé à la bibliothèque.
- Tiens, salut Maria.
- C'est quoi comme livre ?
- Je tenais absolument à vous dire au revoir, et à vous donner ceci, c'est un livre qui s'intitule « Le Meilleur des deux mondes ».
- Merci, mais... tu sais ce qu'il y a dedans ?
- Non, mais vous en aurez besoin, je pense.
Chacune à notre tour, nous la serrons dans nos bras.
- On se reverra, ne t'en fais pas
- Tu es en sûr, Léna ?
- Oui, j'ai un bon pressentiment.
- N'oubliez pas les livres, ils font partis des clefs dont vous aurez besoin.
- Merci Maria, on se reverra, ne t'en fais pas.
Maria nous fait un signe de la main avant de retourner à ses occupations. J'attrape le bras d'Anna et nous passons la porte d'entrée, Marco nous rejoint et nous adresse des mots autoritaires.
- Venez les filles ! Je vais vous y emmener
Notre destin est en marche, et nous n'avons pas d'autres choix que de le suivre. Je prends la main d'Anna pour la rassurer et nous quittons Abraxas en compagnie de Marco, qui nous surveille de l'œil. Dans ma valise, j'ai rangé le livre « Le meilleur des deux mondes » comme si en passant de l'asile au cabaret, nous allions changés de monde.
En chemin, il n'hésite pas à non donner ses recommandations.
- Je vous ai mis des tenus à disposition, vous n'aurez plus besoin de vos vêtements sales de l'asile, ni de vos justaucorps. Je vous ai attribué à chacune des bodys en dentelle et porte-jarretelles. Ce seront les vêtements que vous porterez, dorénavant.
- Pourquoi ?
- Parce que vous allez danser grâce à notre bar de pôle dance
Le reste du trajet se fait en silence. Je soutiens Anna, qui tremble à côté de moi. Nous passons sur les champs Elysées, et ça me rappelle étrangement mon passage en enfer et les conseils de Charon. Quand nous arrivons devant le « Sexy Street », Marco nous fait entrer les premières et nous montre la salle, la piste de danse, le pôle dance. Il nous présente le bar man, Léo.
- Léo, je te présente nos deux nouvelles danseuses, Léna et Anna, elles vont loger à l'étage.
- Bonjour les filles. Ici, c'est du sérieux, on est là pour satisfaire le client
Surprise, Anna se blottit un peu plus contre moi. Je fais un signe à Léo et Marco nous entraîne à l'étage, il nous montre nos chambres, elles sont petites, mais au moins, nous ne serons pas séparés. Sur nos lits, comme promis, il y a un body et un porte-jarretelle pour chacune. Ce sont les bonnes tailles.
- Nous voici condamnée à satisfaire les hommes.
- Oh ! arrête, ça pourrait être pire. Au moins, nous avons quittés cet asile
- Oui, et on va porter autre chose que des vêtements sales.
Nous enfilons chacune nos tenues respectifs et commençons à nous échauffer. Pendant que je fais des étirements, des dizaines de questions fusent dans ma tête : Comment vais-je faire pour trouver Dinah ? Et le miroir ? Et l'épée sera-t-elle toujours avec moi ? Une fois que nous sommes en tenue, on se maquille et on descend. J 'avise la barre de pôle dance, tandis que Anna se recoiffe un peu. Je n'ai jamais fait de pôle dance de ma vie, pourtant c'est bien ce que Marco attend de nous : qu'on excite les hommes autour d'une barre de pôle dance, et que ces hommes nous glissent des billets. Je caresse la barre et commence à enrouler mes jambes autour. Léo met de la musique, une musique lente, avec une batterie qui donne le tempo. Anna me rejoint et emprunte la barre à côté de la mienne. On se laisse totalement emporter par la musique. Léo nous observe, du coin de l'œil, derrière le bar.
- Bravo les filles, vous êtes vraiment doués ! Mélissa à vraiment bien fait son travail
- Vous la connaissez ?
- Un peu, oui. Nous faisions tous les deux de la danse avant que je ne devienne barman.
A ce moment, une idée traverse mon esprit. Il sera peut-être temps de demander quelques informations supplémentaires.
- Et Linda, vous la connaissez ?
- La copine de Marco ? Un peu, oui. Je sais qu'elle est très amie avec la reine rouge du pays des merveilles
- Pourquoi Linda est-elle vieille ?
- Parce qu'elle a fait son temps, mais Marco veut lui donner une nouvelle jeunesse. Mais c'est une femme acariâtre.
Anna se cache derrière moi. Je ne sais pas ce que je suis censée faire, mais je suis certaine qu'il y a maintenant un lien entre Linda, et toutes ses filles. Nous retournons nous asseoir près de la barre de pôle dance. Anna est la première à prendre la parole.
- Que va-t-on faire ? Et comment on va faire pour sauver toutes les filles ?
- Je ne sais pas, laisse-moi le temps de réfléchir, il y a forcément une idée quelque part.
Anna me fait une mine triste et j'essaye de lui remonter le moral. Elle remonte sur sa barre de pôle dance et tente de noyer son désespoir dans la danse. Je la laisse danser et tente d'explorer un peu le bar, qui nous sert maintenant de prison, avec hommes et alcool à volonté. Peut-être qu'il y a bien pire, mais c'est aussi une forme de prison : ne pas être libre et être condamné à danser. Je remonte dans ma chambre pour sortir le livre « Le pays des songes » que j'ai toujours gardé avec moi. La lire sera peut-être ma seule évasion. En tournant les pages, je découvre une histoire surprenante, avec des mots crus et un vocabulaire très réaliste, un livre qui ne contient pas le champ lexical du rêve, ça me paraît très étrange pour une fois. Je repense au livre « Le meilleur des deux mondes » que j'ai rangé dans ma valise, et ça me donne des frissons. Quel sera le meilleur des mondes que je vais visiter ? Est-ce que ce livre était une façon de prédire ce qui allait nous arriver ? Peut-être. Quand je relève les yeux, le miroir est devant moi et semble m'appeler, je range le livre dans ma poche, et en sort le pendentif que je mets autour du coup avant de sauter dans le miroir. Ma tenue se transforme, c'est la robe grise et rouge qui remplace mon body. L'épée apparaît dans ma main, et je me laisse faire. Je ne hurle pas, ni ne ferme les yeux, je me laisse tomber en serrant l'épée vorpaline dans mes mains, en espérant que la chute ne soit pas trop brutale.
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