Quand je sors du miroir pour passer de l'autre côté, je me retrouve dans une grande pièce avec des étagères couvertes de livres. Je reconnais la bibliothèque, mais elle a l'air d'être beaucoup plus grande que dans mon souvenir. J'avance un peu vers les différentes étagères et découvre que les couloirs s'étendent à l'infini. Sur chaque rayonnage, il y a un livre qui attire mon œil. Beaucoup sont des ouvrages concernant l'Asile d'Abraxas et j'en profite pour remettre l'exemplaire « Le pays des songes » qui est toujours dans ma poche sur une étagère. Sur certains emplacements, il y a de la poussière, et quand je souffle sur les couvertures, les titres font référence à quelque chose d'interdit. Est-ce cela l'interdit ? L'accès à l'imagination. Il y a aussi quelques livres de contes pour enfants comme « La princesse au petit pois » ou encore » Cendrillon ». J'avance un peu plus, l'épée à ma ceinture, jusqu'à une place centrale où est installé une petite souris qui tape sur son ordinateur. Je m'approche doucement. Quand elle me voit arriver vers elle, elle sursaute.

- Oh ! Bonjour, je ne vous avais pas vu arriver. Je suis Maéva, la bibliothécaire.

- Bonjour, je ne vous dérange pas ?

- Pas du tout, je suis là pour renseigner les gens. Je remplace Anna, que puis-je faire pour toi ?

- Je cherche le livre des quatre saisons. J'en ai besoin. Je voudrais faire quelques recherches sur les différents royaumes.

- Pourquoi faire ?

- J'aimerais visiter chaque royaume gouverné par des saisons, ce sont des mondes qui m'intéressent.

- Oh ! je vois, dans ce cas, je vous conseille d'aller au rayon des saisons un peu plus loin. Mais je dois vous prévenir, c'est un livre un peu particulier, comme un livre interdit. Il contient des secrets, des informations que nous ne pouvons pas révéler à n'importe qui.

- Merci. Mais quel type de secrets ?

- Oh ! des secrets sur les mondes qui nous entourent

- Bon... eh bien, je vais quand même aller chercher ce livre alors

- Pas de problèmes, je suis là si jamais vous avez besoin d'aide.

- Merci

Je lui fais un signe de la main avant de lui tourner le dos. Je m'avance petit à petit dans les allés et arpente le rayon des 4 saisons. Les livres sont rangés selon les saisons, puisque chacune a son histoire, que ce se soit sur sa royauté ou même sur son peuple. Je laisse ma main traîner sur les étagères, elle passe des livres d'histoires de toutes les saisons aux livres de cuisine. Quand je finis par trouver ce que je cherche, je le feuillette avec avidité et curiosité. Au fur et à mesure de tourner les pages, je découvre la culture de ces royaumes, chacun à la sienne. Au milieu du livre, mes yeux s'attardent sur un texte écrit en gros, les mots me sautent aux yeux : « ce livre transmet de la magie à celui qui le détient ». Une lumière s'échappe du livre et s'enroule petit à petit autour de mes bras. Paniquée, je referme le livre qui tombe, tandis que la lumière s'enroule autour de mon corps. La petite souris qui m'a accueilli vient à ma rescousse et range le livre, surprise.

- Ce sont des livres précieux, voyons ! Il ne faut pas les faire tomber.

- Oui, pardon.

Elle me regarde, et retient un cri.

- C'est toi.

- De quoi ?

- La légende de ce livre disait qu'il transmettrait des pouvoirs à celui qui détiendrait l'épée vorpaline, alors c'est toi qui a l'épée

- Oui, mais ne le dis à personne. Tout le monde veut ma peau ici, et je dois tout faire pour leur échapper.

- Je garderais ton secret, ne t'en fais pas. Tu peux venir te cacher ici.

- Merci, mais j'aimerais avoir plus d'information au sujet de ce livre.

- Dis-moi

- Quelle en est la légende?

Elle s'installe sur un fauteuil et je m'accroupie face à elle pour l'écouter.

- Ce livre est depuis très longtemps dans cette bibliothèque, il a toujours ce petit côté mystérieux, c'est un livre qui explique l'équilibre qu'il y a entre les mondes et ce qui les unit au pays des merveilles. Depuis que l'équilibre est rompu, le livre attend sagement le héros qui osera briser le sortilège et ramener l'équilibre, jusqu'à ton arrivée.

- Mais... Dans le livre, j'ai lu une phrase qui disait ceci : « Ce livre transmet de la magie à celui qui le détient », pourquoi est-ce moi ? Et pas quelqu'un d'autre ?

- Parce que toi, tu as eu la curiosité de l'ouvrir, ce que personne n'a jamais osé faire. C'est peut-être aussi pour ça que l'épée t'a choisi. Tu n'as pas eu peur quand on te l'a confié, ni quand tu as bu la potion qui t'a envoyé au pays des merveilles.

- C'est vrai, ça. Mais maintenant, qu'est-ce que ce livre est censé m'apporter ?

- C'est à lui de décider

Je le regarde et continue de tourner les pages. Les mots me restent en mémoire et mon cœur commence à cogner de plus en plus fort dans ma poitrine. Où est-ce que je dois aller ? Je ne sais pas encore. Je repose le livre et continue de marcher parmi les rayonnages. La bibliothécaire me rattrape malgré sa petite taille.

- Tu cherches des réponses, n'est-ce pas ?

- Oui, c'est ça. Je veux comprendre cet équilibre, et surtout comment je dois le briser.

- Certaines de tes réponses se trouvent ici, dans les livres.

- C'est ce que j'espère

Je m'arrête devant un rayonnage « Histoire » et balaye certains exemplaires du regard. Contrairement à la plupart des bibliothèques, ce rayonnage contient beaucoup de livres en rapport avec l'histoire de la magie. Je les regarde tous attentivement avant de revenir vers le rayonnage des saisons et reprendre le livre qui contient peut-être toutes mes réponses. Je regarde la bibliothécaire.

- Le livre des saisons. ... Que me transmet-il comme pouvoir ?

- Eh bien.... Je ne sais pas exactement, mais tu possèdes déjà le courage de l'épée vorplaline, il doit te transmettre la faculté de pouvoir lire dans les pensées.

- Le pouvoir de lire dans les pensées, ça existe ?

- Eh bien, oui. Ta curiosité t'a poussé à ouvrir le livre, ça veut dire que c'est toi l'élue. Ce livre ne pouvait pas être ouvert par quelqu'un d'autre, seule l'héritière de l'épée vorpaline en avait la capacité.

- Et du coup, pourquoi Marco, le directeur d'un asile pour folles, veut ce livre ?

- Parce que c'est la réponse a beaucoup de choses, c'est la réponse à tous nos questionnements, et c'est aussi l'ouverture vers le monde des possibles, celui où l'équilibre sera retrouvé et que le pays des merveilles aura retrouvé de sa couleur.

Nous entendons des pas venir vers nous et je sens comme un très mauvais présage. Je fouille dans ma besace et avale quelques gouttes de la boisson qu'on m'a confiées au pays des échecs. Dés que le goût touche ma langue, mon corps commence à ressentir des frissons, et je me sens disparaître de la bibliothèque, j'y reste simplement en observatrice, mais personne ne me voit. C'est Marco qui vient d'entrer, il s'adresse à la bibliothécaire.

- Bonjour Maéva, j'espère que tout se passe bien selon mes plans

- Oui, monsieur

- Bien. Linda va être contente, elle qui rêve de voyager au sein des différents royaumes.

- A-t-elle déjà absorbé les rêves des jeux filles innocentes ?

- Non, pas encore, mais ça ne saurait tarder. J'espère que je pourrais compter sur vous, pour la soutenir.

- Oui, monsieur.

Il s'en va, claque la porte derrière lui et mon corps réapparaît peu à peu. Je m'approche alors de Maéva.

- C'est donc ça le plan ? Il veut faire visiter chaque royaume pour qu'elle puisse les gouverner un à un ?

- Il me semble, c'est en tout cas ce que j'ai compris.

- Que puis-je faire ?

- Il faut que tu sois plus rapide qu'eux, si Marco parvient à ses fins, le sortilège ne sera jamais rompu. Tu dois faire confiance à ton épée

- Oui, c'est ce que tout le monde me dit.

- Si tu as besoin de plus de conseils, retourne aux enfers pour voir Charon.

- Vous le connaissez ?

- Oui, c'était lui avant qui maintenait l'équilibre entre les mondes. Avant que la reine rouge ne prenne le pouvoir du pays des merveilles.

- C'est ce que je ferais alors

Je l'a remercie du regard et me plonge à nouveau dans le livre des quatre saisons. Les histoires de chaque royaume sont répertoriées de façon chronologique, au fur et à mesure des pages, des frissons me parcourent et la lumière circule autour de mon corps. Je panique, je ne sais pas ce qui se passe, je lâche le livre et je sens peu à peu mon corps disparaître. Pas de miroir, il y a juste le néant sous mes pieds. Et ma feuille d'automne brille dans mes cheveux, comme si elle m'alertait de quelque chose. Mais à peine ai-je le temps de dire ouf que ma chute s'accélère de plus en plus et que mon cri devient de plus en plus grand.