Quand je sens mon corps chuter sur une surface dure, je relève la tête. Je suis dans une pièce entouré de livres. Je suis au bon endroit : à la bibliothèque. Je me relève et passe la main à ma ceinture, je sens la présence de l'épée vorpaline et je pousse un soupire de soulagement. Je ne risque rien avec elle. J'aperçois des cartons et me met à fouiller à l'intérieur, espérant trouver des réponses. Il y a beaucoup de documentations concernant l'espèce animale du corbeau, peut-être est-ce des livres pour Marco commandé par Linda ? Je ne sais pas, mais c'est probable. Je passe ma main sur les étagères tout en réfléchissant à ce que je suis censé trouver ici. Et puis, mes yeux sont attirés par un tout petit recueil coincé entre deux gros livres. Intrigué, je sors les deux gros livres. Ce sont des livres de contes pour enfants. Sur la couverture du petit livre est inscrit le titre « Jabberwocky ». Mon sang ne fait qu'un tour. Cela veut dire que le poème interdit du pays des merveilles est rangé ici, dans la bibliothèque interdite d'un asile pour folles ? Je ne le repose pas à sa place mais le range dans ma poche. J'entends alors des pas venir. Prise au dépourvu, je me cache derrière une étagère et je veille à ne pas faire de bruit. Deux femmes entrent, ce sont Linda et Melissa, elles se dirigent toutes les deux vers le carton. C'est Linda qui parle la première.

- Mélissa, j'ai besoin que tu m'aides un petit peu à transporter ce carton.

- Que contient-il ?

- Des livres sur les corbeaux, tu sais que Marco élève des corbeaux dans son bureau au sein de club privé.

- Oui, oui, je sais bien

- Eh bien, il veut en apprendre un peu plus sur cette espèce, tu sais que ça le fascine

- Mais pourquoi les corbeaux le passionnent-ils autant ?

- Il pense qu'ils pourront l'aider à récupérer l'épée vorpaline.

Elles se mettent à transporter le carton et les voilà sortis de la bibliothèque. Je retiens un cri. Si ces corbeaux volaient à ma fenêtre l'autre soir, c'est parce qu'ils en avaient après moi. Peut-être que eux savent, ou peut-être pas. Après tout, les corbeaux ne sont pas des oiseaux très intelligents. Dés qu'elles sont parties et hors de ma vue, je sors de ma cachette, allume la lampe du bureau et m'installe pour pouvoir fouiller le recueil. Les poèmes sont tous autour du Jabberwocky ou du Bandersnatch et, en tournant les pages, je découvre griffonnée à la va-vite, des mots qui forment une phrase : « Faire régner le Jabberwocky et le bandersnatch ». En essayant de voir la taille de l'écriture, j'essaye de savoir à qui elle appartient. Elle ne ressemble pas à celle de Marco, et j'ai confiance en Mélissa. Il reste Linda, et en regardant bien l'écriture, ça lui ressemble beaucoup. Je lève les yeux au ciel. Alors, elle aussi, elle veut le règne du cauchemar au pays des merveilles. Des frissons me parcourent le dos. Je veille à sortir de la bibliothèque et à vérifier que personne ne me remarque. Je referme la porte en douceur. Je marche dans les couloirs pour essayer de rejoindre le dortoir des filles, il faut à tout prix que je parle à Maria, si elle est dans sa chambre. Je pousse la porte et la découvre sur son lit. Dés qu'elle me voit, Maria sursaute.

- Léna, qu'est-ce que tu fais là ?

- J'avais besoin de te parler et... je reviens de la bibliothèque, elle renferme un secret

- Quel secret ? Et où est Anna ?

- Linda veut faire régner la terreur au pays des merveilles, elle garde secrètement un recueil de poésie avec le poème « Jabberwocky ». Dans ce poème interdit au pays des merveilles, il y a toutes les réponses.

- Quel rapport avec Linda ?

- Le rapport ? Linda veut faire régner la terreur avec le Jabberwocky et le Bandersnatch mais le poème dit clairement que quelqu'un va les vaincre, quelqu'un qui possède l'épée vorpaline

- Cette personne, c'est toi. Ce qui veut dire que tant qu'ils sont en vie, nous sommes prisonnières.

- Exactement.

Je la prends dans mes bras, lui promettant de tout faire pour l'aider et nous sortir de ce pétrin. Elle me regarde.

- Et où vas-tu maintenant ?

- Au royaume de l'été, celui de l'automne ou celui du printemps, c'est là que je pourrais trouver des réponses

- Fais attention à toi

- Toujours, ne t'en fais pas.

Elle me sourit, et je lui fais un signe de la main. Je sors du dortoir et commence à me glisser entre les murs, pour éviter qu'on me repère. J'entends des gens parler, ce sont les gens de l'asile et, parmi eux, la voix de Linda qui est de plus en plus forte. A chaque fois que des murmures de sa voix me parviennent, j'essaye de ne pas les écouter car je sais déjà d'avance ce qu'elle prépare. Et je dois à tout prix l'en empêcher. Le miroir apparaît devant moi alors que je suis perdu dans mes pensées, mais sans réfléchir, je file pour le traverser et me laisse tomber, ignorant l'endroit où je serais à nouveau.