Chapitre 1: La révélation
Je m'appelle Léna, je suis réalisatrice de cinéma à Paris. Mes parents sont morts quand j'étais encore un bébé, je suis donc orpheline de parents biologiques, et c'est mon oncle qui a récupéré ma garde. Il ne s'est jamais occupé de moi, j'ai toujours été gardée par une nourrice ou une baby-sitter. Mon oncle est quelqu'un de très riche, il a beaucoup d'argent et il n'hésite pas à l'utiliser. Par rapport à lui, je ne gagne pas assez, mais je m'en fiche. Je fais des films, et j'essaye de faire rêver les gens, de partager des émotions avec des images. Je travaille avec une équipe formidable, qui répond à toutes mes directives. Mon oncle est un égoïste, il n'y a que son argent qui compte. Il ne travaille pas, et il ne se préoccupe pas des autres. Il n'a jamais travaillé de sa vie et ne connaît pas les relations avec les gens, si ce n'est avec lui-même. Il ne pense qu'à lui et à son plaisir. Il ne m'a jamais frappé, pourtant, il est connu comme un tyran. La maison de mes parents a été vendue, je ne peux donc pas y retourner car je ne connais les gens qui y sont maintenant.
Mais, j'ai une personne bienveillante dans ma vie, ma meilleure amie. Elle s'appelle Meryl, et nous nous connaissons depuis toujours. C'est une fille serviable et bienveillante, toujours prête à aider son prochain. Nous avons fait nos pires bêtises ensemble, et c'est aussi avec elle que j'ai eu les meilleurs moments de bonheur.
Ce jour-là, je suis assise avec Meryl, sur les marches du manège à musique du jardin du Luxembourg. On profite du soleil.
- Tu vas vraiment rester chez ton oncle alors que tu es majeure ?
- Je n'ai pas le choix, je ne gagne pas assez avec mes films pour me payer ne serais-ce qu'un petit studio dans ce quartier.
- Dans ce quartier, non, mais si tu cherches bien, tu vas finir par trouver...
Je la regarde en souriant. J'aimerais partir de chez mon oncle, c'est vrai, mais je n'y ai encore jamais songé. De mon sac, je sors une édition ancienne du livre « Alice au pays des merveilles », un livre qui a changé beaucoup de choses dans ma vie et qui m'a fait comprendre des tas de détails sur la vie et les gens. Ce sont les livres qui m'ont aidés à grandir et ce sont aussi eux qui m'aident à avancer aujourd'hui. Quand j'étais petite, je passais mon temps à la bibliothèque. Elle sait que c'est de loin ma lecture préférée, c'est aussi le livre qui m'a donné envie de lire, et de m'intéresser au monde.
Je feuillette les pages et regarde mes annotations, Meryl se penche vers moi, un sourire aux lèvres.
- Ce livre a changé ta vie, pas vrai ?
- Oh oui, il m'a fait prendre conscience de pleins de choses. Surtout sur le monde qui m'entoure.
- D'ailleurs, trinquons à ça ! à ta prise de conscience.
- Faisons ça, oui !
Elle sourit et nous trinquons à la vie avec nos verres à moitié pleins. Devant mes yeux, une souris blanche se promène, elle tient une horloge dans sa main. Elle semble courir, comme si elle était pressée et n'a pas de temps à perdre. C'est très furtif, mais mon regard s'arrête durant un quart de seconde. C'est une souris blanche qui cours comme une humaine et qui ne fait pas attention à ce qui l'entoure. A-t-on déjà vu une souris blanche courir ? Ou alors est-ce juste le début d'une hallucination ? D'ailleurs, elle est si petite que personne ne semble l'avoir remarqué, à part moi. Surprise, je cligne des yeux.
- Tu as vu ça, Meryl ?
- Quoi donc ?
- Là, il y avait une souris blanche qui courait.
- Une souris blanche ? Au jardin du Luxembourg ? Tu es sûr que tu n'as pas une hallucination ?
- Non, non, je suis sûr de l'avoir vu.
- Ecoute, je ne vois rien. Peut-être que tu es fatigué et que tu devrais te reposer. Il faut que tu rentres.
- Oui, mais je suis certaine de l'avoir vu.
Nous nous quittons et je jette nos verres vides. Nos chemins se séparent devant le manège à musique, et elle se dirige vers la sortie, tandis que moi, j'essaye de me souvenir le chemin emprunté par la souris, mais je suis incapable de retrouver la direction exacte. Je suis certaine de l'avoir entraperçu, de l'avoir vu mais cela a été tellement rapide que je ne sais pas si c'était réel. C'est comme si elle s'était volatilisée sans laisser aucune trace. Je ne suis pas folle, je sais ce que j'ai vu. Non sans peine, je décide de rentrer chez mon oncle, qui n'habite pas très loin du jardin. Je n'ai même pas eu le temps de bien observer ce lapin, peut-être que c'était juste un rêve furtif après tout. Ou peut-être est-ce que c'était juste une hallucination après tout. Suis-je vraiment en train de devenir folle pour avoir des hallucinations comme ça ? Ou peut-être suis- je un peu trop épuisée par la vie ? Quand je pousse la porte de l'immeuble, je tombe sur un prospectus dans la boîte aux lettres, c'est une publicité pour une maison de redressement pour jeunes filles, la plus cher de Paris. C'est une information sans intérêt alors je le jette dans la poubelle la plus proche. Je pousse la porte de l'appartement qui est entrouverte, mon oncle est assis à son bureau et ne me regarde pas. Sans un bruit, je file dans ma chambre. Mais quelques minutes plus tard, il passe la porte.
- écoute, Léna, je ne te supporte plus. Je trouve que ta santé mentale se dégrade. Je t'ai trouvé une place dans une pension pour jeunes filles, la plus cher de la ville: Abraxas. Tu as bien vu le prospectus dans la boîte aux lettres ? Tu pars dans deux jours.
- Mais... pourquoi là-bas ? Pourquoi te débarrasse-tu de moi ?
- Parce que je ne te supporte plus, je ne supporte plus tes histoires, je pense que tu as un vrai souci de santé mentale. donc dorénavant, tu vivras dans cet hôpital pour les fous. Et d'ailleurs, je ne t'ai jamais vraiment cautionné. Les médecins s'occuperont très bien de toi. Tu as du trouver le prospectus que j'avais glissé dans la boîte aux lettres.
- Ça ne me dit toujours pas pourquoi tu m'envoies là-bas ?
- Je connais très bien le directeur, il s'est déjà occupé de ton dossier, et les infirmières sont bienveillantes.
- Mais.... Pourquoi veux-tu m'envoyer là-bas ?
- Parce que je n'ai jamais voulu de toi dans ma vie, j'ai pris ta garde quand mon frère est décédé parce qu'on est de la même famille. Je l'ai fait par bonté, vois-tu, mais à part ça, je n'ai aucune raison de te garder chez moi.
- Je... Je n'ai pas mon mot à dire ?
- Pas du tout, non ! Tu obéis, et puis, c'est tout !
- Mais pourquoi m'enfermer ?
- Parce que tu mets ma vie en danger, tu ne peux pas continuer comme ça, et moi, je ne supporte plus ça.
Je le regarde, avec des yeux en colère... Je ne peux pas être enfermée, pas maintenant. Mais lui ne le voit pas de cet œil-là, apparemment. Il sort de la chambre en claquant la porte. Prise de panique, je me jette sur mon téléphone, je m'apprête à envoyer un texto à Meryl quand je me retiens. Avant de demander de l'aide, je fais quelques recherches sur le net au sujet de cet institut. Mon but n'est pas de rendre mon séjour le plus agréable possible, bien au contraire, mais d'en trouver les failles. En fouillant sur le site, je découvre que les patientes sont obligés de suivre un cours de danse moderne, c'est le seul espace de liberté qu'elles ont. Mais c'est un cours avec très peu de place. En dehors, chacune est obliger de faire le ménage. Mon téléphone sonne, c'est Méryl qui m'appelle. Je décroche à la première sonnerie.
- Salut Léna, ça va un peu mieux ?
- Meryl, tu ne vas jamais me croire !
- Que t'arrives-t-il ?
- Mon oncle veut m'envoyer à Abraxas, tu sais cet institut pour les fous situé dans une ville perdue de la région parisienne. Pourtant, il paraît que c'est un endroit cher. Est-ce que tu trouves que ma santé mentale se dégrade ?
- Ça, c'est un lieu dangereux, c'est plutôt une sorte de maison de correction pour jeunes filles, et non, tu as su rester digne de toi-même. Mais je connais un peu cet endroit, ma mère y a été internée pendant un temps, il y a des cachettes partout, il faut juste savoir les trouver et les ouvrir, tu peux sortir facilement.
- Ah oui ? Et comment je fais selon toi, si je ne connais personne ?
- Il faut que tu trouves la professeure de danse, elle pourra t'aider. Elle a aidé ma mère quand elle y était, et ça a fonctionné. Elle à aussi un chat, qui connaît beaucoup de secret, il faut que tu le trouves.
- Des secrets ? Comment ça ? Un chat qui connaît des secrets ?
- Cet endroit mène à un autre monde, le pays des merveilles, où là, tu pourras trouver toutes les réponses à tes questions. Le chat ne se montre qu'à ceux qui ont le cœur pur, et je sais qu'il se montrera à toi.
- Comment es-tu au courant pour cet autre monde ?
- Ma mère y a été interné pendant un moment, je te l'ai dis. Et c'est par ce monde-là qu'elle a réussi à s'évader.
- D'accord, on verra bien si je le trouve ce chat. Merci en tout cas
- Fais attention à toi, une fois là-bas. J'ai entendu dire que les gens qui s'occupaient de ce centre étaient très étranges.
- Etranges dans quel sens ?
- Ils ne s'occupent pas assez de toi. Ils sont là uniquement pour remplir l'argent qu'une jeune femme leur rapporte et se moquent bien de l'humain.
- Pourquoi mon oncle m'envoit-il là-bas à ton avis ?
- Je ne sais pas.
Je coupe la communication et commence à remplir une valise. J'emporte peu de vêtements, mais je glisse un justaucorps à l'intérieur car cela pourra toujours me servir. Je n'ai que quarante – huit heures pour faire ma valise, mais je mets déjà le minimum de choses. Et puis, j'ouvre la fenêtre, je me pose sur le rebord et observe le ciel. L'appartement est situé au premier étage, mais ce n'est pas très haut par rapport au trottoir. Prise d'une envie soudaine, je prends mon élan et saute, je cours jusqu'au jardin du Luxembourg et essaye de visualiser le chemin que la souris a emprunté. Les pas sont minuscules, mais en étant très attentive, je parviens à retrouver la faille qui se trouve dans un des buissons du jardin. Mais le trou est trop petit et je ne peux pas rentrer à l'intérieur, il n'y a pas d'autres issus. Frustrée, je sors du jardin et commence à marcher le long de la rue. Je ne peux pas rentrer, pas tout de suite. Il faut que j'essaye de trouver qui est cette professeure de danse. Qui est cette femme qui apprend aux filles à danser. Est-ce que c'est elle qui me donnera les clefs pour sortir de cet endroit ? Je ne sais pas. Le vent souffle dans mes cheveux, mais ça ne me fait pas peur. Je passe devant un café et respire l'ambiance que celui-ci dégage. Si je suis enfermée dans un asile de fous, je n'aurais plus le droit à ce plaisir et c'est ce qui me rends triste.
A la fin de la journée, je rentre chez mon oncle en vitesse, et je me prépare un repas. Il est sorti mais il m'a laissé une note. Ce n'est pas un mot d'adieu ou d'encouragement, c'est un plan de l'institut où il m'envoie. D'abord paniqué, mes yeux se posent sur le détail du plan, tout y est noté, y compris les différentes entrées et sorties. Je prends le plan et le range dans mes affaires. Je suis seule dans l'appartement, mais j'ai l'impression d'être prise au piège et qu'il se referme sur moi. Il suffit de trouver la clef pour sortir de la cage dans laquelle il veut m'enfermer. Mon regard se fixe sur l'horloge qui produit son fameux tic-tac, elle est là pour me rappeler qu'il ne me reste que quelque heures avant d'être enfermée. Je laisse la fenêtre ouverte et respire mes derniers instants de liberté. Le bruit de l'horloge tourne dans ma tête et me donne des frissons. Les murs de ma chambre se resserrent autour de moi. C'est comme si le sentiment d'enfermement se faisait déjà ressentir.
Quand mon oncle rentre, il va dans la cuisine et se met à boire. Intriguée, je le suis à petits pas et le regarde. Il boit, jusqu'à devenir soul et s'effondrer. Je m'approche et voit qu'il a laissé tomber la clef de l'appartement juste à côté de lui. Il ne l'a tient pas dans sa main, elle est en accès libre. Je m'approche très doucement, en faisant attention à ne pas le réveiller. Une fois que les clefs sont dans mes mains, je sort à nouveau de la cuisine à pas de loups, attrape ma valise et sort par la fenêtre, en prenant bien soin de ne pas le réveiller. Une fois dehors, je rentre l'adresse de l'institut dans mon GPS, sur mon portable. Je ne peux pas aller chez Méryl, car mon oncle sait où elle habite, il risquerait de me retrouver, il sait que c'est souvent là que je vais pour me réfugier. En revanche, il ne sait pas que je vais directement m'enfermer dans la prison qu'il m'a lui-même attribuée. Après des heures de marche et de RER, j'arrive enfin devant l'immeuble gigantesque d'Abraxas. Il pleut, l'orage gronde. J'ai l'impression que l'atmosphère s'est assombrie et que le brouillard a effacé toute trace de bonheur. C'est comme si le monde était devenu d'un seul coup très sombre. Prenant mon courage à deux mains, je pousse la grille du portail d'Abraxas et emprunte le chemin de la porte d'entrée.
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