Septembre - Hannah Littlefeather

Je suis dans mes appartements, heureuse. Ce n'était pas une surprise, mais j'ai été tirée au sort pour participer à la quinzième édition des Hunger Games.
Les Hunger Games ! Ce nom me fait frissonner de bonheur. Je suis prête.
Cela fait plus de dix ans que je me prépare, et c'est le grand jour.
Tout à l'heure, nous irons dans l'arène. Les dés sont lancés.
Je me redresse de mon canapé moelleux et offre à mon reflet dans le miroir qui est en face de moi un sourire carnassier.
J'entends déjà les voix de tout le monde hurler : « Hannah Littlefeather, gagnante des Hunger Games ! »
Littlefeather...
Mon nom de famille est un paradoxe à lui tout seul !
Quelle idée de m'appeler « Petite plume »...
C'est de mon père que me vient ce nom. Je me fais secrètement la promesse qu'après les Jeux, il aura un malencontreux accident où il perdra la vie.
Je me lève et me rapproche du miroir.
J'ai rasé mes cheveux blonds, ce qui me rend presque chauve. Mes yeux noirs comme l'ébène, qui font toute ma fierté, brillent d'un éclat meurtrier. J'aime cet état d'esprit qui me correspond tant.
Je porte une tunique rouge sang qui a été spécialement conçue pour s'adapter au moindre de mes mouvements. Je l'adore.
Il y a peu de temps, j'ai coupé le bout de mes oreilles pour les rassembler en pointe, comme des oreilles d'elfe. La seule différence est que j'ai glissé deux lames a l'extrémité de mes oreilles, pour faire classe. Je suis folle, mais pas au point de me battre avec mes oreilles.
Enfin, à voir.
Je me souris de nouveau. Mes dents sont aiguisées comme des lames de couteau. Mes ongles aussi (ou plutôt, mes griffes).
Je suis coupée dans ma contemplation de moi-même par une voix familière.
- Es-tu prête ?
Je regarde le garçon qui vient d'entrer haineusement. Évidemment que je suis prête !
Je ne prend pas la peine de lui répondre. Je connais Chester Riverroot depuis ma naissance, ou presque. Ce pot de colle n'a jamais voulu comprendre que je ne voulais pas d'amis. Tout ce qui compte pour moi, c'est la guerre.
J'essaie de faire passer tout le mépris que j'ai pour lui dans mes yeux mais il soutient mon regard.
À cet instant notre coach entre, suivit de près par la styliste. Je les laisse nous emmener, ne jetant même pas un œil à la pièce que je viens de quitter. Pas besoin : je la reverrai.
On nous trimballe dans les couloirs si longtemps que j'ai l'impression que nous nous sommes perdus, mais nous arrivons finalement dans un immense couloir circulaire où se trouvent des portes. Vingt-quatre, je suppose. Une pour chacun de nous.
Chester s'éloigne avec la styliste tandis que je rentre dans une salle avec Sparks, le coach. C'est une salle rectangulaire aux murs lisses. Sparks ne me dit rien, observant ma réaction. Je lui sourit de toutes mes dents. Au fond, j'aime bien ce type. Il a déjà gagné des Hunger Games, après tout, il mérite mon respect.
- Donne tout ce que tu as, petite. Et gagne.
- Je vous le promet, répond-je.
- Puisse la chance...
Je le coupe en pleine phrase en levant une main.
- M'être favorable. Oui je sais. Pas besoin de ça, merci bien.
J'ai employé un ton acide, presque sauvage, qui le fait reculer d'un pas.
- Ce n'est pas bien, de tuer, tente-t-il de me convaincre.
Mais je ne l'écoute pas et me réfugie dans la cabine qui vient de s'ouvrir.
Bouleversée par ces absurdités, je ne remarque que je suis dans l'arène qu'une que fois l'air frais me caresse le visage.
Je regarde autour de moi. Chester me fait un discret signe de la main, et je lève les yeux au ciel.
Puis un énorme sourire me fend le visage en deux. Le décompte a commencé.
Deux. Un.
Je n'écoute plus et me concentre. Le signal est donné.
Je fonce vers la corne d'abondance, défonçant un garçon du district onze au passage.
Je suis arrivée à ma destination. J'y récupère un arc que j'attache dans mon dos et deux poignards que je garde dans les mains. Je me retourne vers la personne la plus proche de moi. Je la reconnais, c'est une fille du district cinq. Je l'attrape par le cou et lui enfonce mon poignard dans le ventre. Le premier coup de tambour retentit. Je lâche ma victime, aux anges. Cette dernière s'affaisse au sol comme une poupée de chiffon.
Soudain, j'entends un bruit derrière moi.
Quatre concurrents me font face. Visiblement, ceux-là n'ont pas compris les règles du jeu et se sont alliés. Que de bêtises...
Je me jette sur eux en hurlant avec sauvagerie. Je ne suis plus humaine, je suis une machine à tuer. Je suis heureuse de moi.
Ils succombent un à un à mes coups. C'était un jeu d'enfant.
Nous étions vingt-quatre, j'ai tué cinq personnes à moi toute seule.
Je sens mon petit cœur se gonfler de fierté.
Je m'éloigne des corps et me dirige vers la forêt.
Je regarde mes mains couvertes de sang. N'importe qui aurait été horrifié, mais pas moi.
•⚒•
La nuit s'est déroulée sans encombres. J'ai trouvé une grotte souterraine à l'abri des autres joueurs.
Cela faisait longtemps que je n'avais pas aussi bien dormi, d'ailleurs. C'était sans doute grâce à l'air frais de l'arène.
Sans tarder, je me lève et me dirige vers la sortie.
Le soleil m'éblouit quelques secondes mais cela passe très vite.
Je regarde autour de moi. Il n'y a personne. Puis j'entends un craquement de branche. Je lève la tête pour apercevoir un garçon du district huit. Il sera facile à éliminer. J'attrape mon arc et vise. Le pauvre garçon tremble de tout son corps. Il le sait, sa dernière heure est venue. Je décoche ma flèche qui part à une vitesse hallucinante en sifflant. La branche sur laquelle il est craque, et se casse en deux. Le hurlement de terreur qui s'échappa alors de sa bouche restera gravé à tout jamais dans ma mémoire.
Je m'en vais, satisfaite.
J'entend un sinistre craquement derrière moi qui me fait sourire.
Je retourne en courant à la corne d'abondance. J'ai faim.
Alors que je pioche parmi les victuailles, j'entends un bruit sourd derrière moi. Je n'ai pas le temps de me retourner.
Une vive douleur me transperce soudain au niveau de l'estomac. Je baisse lentement les yeux, redoutant ce que je vais voir. Une lance est plantée dans mon ventre, ressortant de part et d'autre de moi.
Je sens déjà la vie me quitter, sans pouvoir rien y faire. Un filet de sang coule sur ma lèvre. Mon sang.
Je me retourne, et croise les yeux dorés et sans pitié de Chester. D'un geste sec, il arrache la lance plantée dans moi et s'éloigne d'un pas ferme et déterminé.
Mes jambes incapables de me tenir plus longtemps debout, je m'effondre sur les genoux.
Je baisse les yeux une dernière fois sur le trou béant dans mon ventre. Ma vision se trouble. Je tombe.
Je suis morte.

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