Chapitre 19 -Retour à la réalité-


Je sentis mon cœur battre de plus en plus fort dans ma poitrine. Je l'entendais jusque dans mes tempes tellement je ressentais le monde dans mon corps. Était-ce la fin ? Aucune idée. Tout ce qui m'importait dès lors était ce paysage que je surplombais de toute ma hauteur. Le soleil était bas, comme si il voulait que je le touche. Mes jambes voulaient tenir. Mais elle cédèrent à l'emprise de la vie qui me quittait. Je tombais à genoux au sol, la tête baissée. Des gouttes de sang atterrirent sur mes genoux repliés. Mon nez s'était remis à saigner pour une innombrable fois depuis ce mois de Mai.

Les images de mes proches me vinrent une à une. Le visage de ma mère et de ses longs cheveux blonds, la carrure imposante de mon père, le grand sourire de Sandra, les beaux yeux d'Hugo, les cheveux éparpillés de Nathan... En parlant de cheveux, je commençais à perdre d'importantes mèches à cause des médicaments qui m'étaient attribués.

J'eus la force de prendre mes écouteurs pour l'ultime et dernière fois. Ma playlist me passa le morceau que je rêvais d'entendre à ce moment. "Let it be" était la musique la plus belle que l'on aurait pu me faire écouter. Ironique comme chanson non ? Mes mains tremblaient comme jamais. Je décidais d'appuyer mon corps contre le grand platane qui ornait gracieusement la colline. Ma bouche était sèche. La tête me tournait et j'avais la nausée. Je levais les yeux vers l'horizon et j'aperçut une silhouette qui s'approchait vers moi. Comment c'était possible ? Personne ne pouvait savoir où j'étais à cette heure-ci. Cet endroit demeurait être mon jardin secret. En plus, on était plutôt loin de la ville. Et puis tant pis... Si la personne qui se rapprochait vers moi s'inquiétait pour mon sort, mon plan tomberait à l'eau et tous mes efforts pour que ma maladie paraisse le moins possible auraient été conçus pour rien.

Et puis à quoi bon cette résistance...

Je ne pouvais pas penser ça ! Je voulais vivre, pour eux, pour ceux que j'aime... Les compliments et les commentaires marrants que l'on me faisait me revinrent un à un.

"Élève sérieuse et mature", c'était le commentaire que je retrouvais très souvent sur mon bulletin.

"Une artiste à la recherche de l'inspiration" disait mon professeur d'art.

"Une vraie sauvage" me disait Hugo.

"Une amie digne de confiance" de la part de Sandra.

"Une tarée" répétait sans cesse Nathan.

"Une fille géniale" de ma mère.

"Une enfant responsable" m'a toujours dit mon père.

Pourquoi... Pourquoi depuis 14 ans de vie il a fallut que cette maladie me détruise en l'espace d'un mois ?! Je ne pouvais plus y réfléchir, ou plutôt je ne voulais plus y réfléchir.

Mes yeux se fermèrent sans que je ne cherche à les garder ouverts. Un frisson me parcourut et je sentis des larmes couler sur mes joues. Je m'étais promis de ne pas pleurer pourtant...

"Let it be-eeee"

-LIA !


J'ouvris subitement les yeux. Un rêve étrange qui me mit mal à l'aise... Je passais la main sous mon oreiller, attrapais mon portable et regardais l'heure. Cela faisait déjà une bonne heure que je dormais. Je me levais et me dirigeais vers la salle de bain avec quelques habits qu'Eilean m'avait apporté auparavant. J'enfilais mes fringues et observais mon reflet dans la glace. la fille que j'étais devenue était effrayante à voir.

STOP. Il faut que j'arrête de réfléchir ainsi. Je descends les escaliers,à la recherche d'Hugo. Aucune traces.

J'en profitais pour chercher des ciseaux dans la cuisine. Je fouillais légèrement, évitant le plus possible de mettre du désordre. Enfin, j'ouvris un tiroir, et trouvais une paire de ciseaux. A côté, il y avait des antidépresseurs prescrits à "Jade Munich". Cela devait être sa maman. Je refermais le tiroir, songeant à ce que je savais.

Je remontais dans la salle de bain, face au miroir.

De nous deux, c'est moi qui gagnerais. Je ne laisserais pas mon reflet influencer mon moral. 

Je pris les ciseaux, et coupais de longues mèches de mes cheveux qui tombèrent au sol.  

On est quitte à présent.

Je retournais dans la chambre, une seule idée en tête. Je pris mon téléphone. 

Une détonation... Deux...

-HEY LIA !! Comment tu vas ?

-Salut Lia !!

-Hey ! Saluts les gens...

Je fis face à Sandra et Nathan sur Skype.

-Eh mais t'es chez Hugo toi ! , dit Nathan

Oh putain de merde...

-Euh bah écoute... C'est trop long à expliquer et_

-LIA !! QU'EST-CE-QUE T'AS FAIT !!

-Hein ? Mais t'inquiète, on a rien fait et puis même..._

-De quoi tu parles ? Moi je te parle de tes cheveux idiote !, dit Sandra. 

-Ah !! ha ha ha... Oui, bien sûre... éhé je vois pas de quoi d'autre tu pouvais parler...éhé évidemment !

-Lia...Qu'est-ce-que tu nous cache...?, demanda Nathan.


Je pris une grande inspiration et dit :

-Vous êtes seuls chez vous là ?

-Moi oui et toi Nathan ?

-Ouais pourquoi ?

-Bon OK... Fermez quand même la porte et mettez vos écouteurs. J'ai quelque chose d'important à vous dire.

-UUUU !! Tu prends ton air sérieux c'est bizarre. , commenta Nathan.

-Ouais t'as raison... T'as pas fumé ou fait une connerie du genre j'espère ?!

-Nan nan... "on va dire que coucher avec Hugo à ton âge n'a rien d'une connerie vu que tu le voulais" me dit ma conscience.

-Allez dis-nous tout ! , ajouta Sandra


-Hum... Je veux que vous soyez courageux parce-que ça risque d'être dur à encaisser les gars...

Les deux me firent une tête inquiète. Je leur expliqua tout. Au fur et à mesure que je parlais, je voyais les larmes monter aux yeux de Sandra et Nathan se replier de plus en plus sur lui-même. Je ne leur dis rien sur la mutilation. Juste ce qui m'attendait.

-Je suis désolée de ne pas vous l'avoir dit plus tôt. Je n'ai pas pu trouver le courage avant. L'infirmière est de la famille d'Hugo, et d'une façon que j'ignore, il a su ce qu'il m'arrivait. C'est pour ça que je me retrouve ici. J'ai honte de ne pas avoir osé vous en parler avant,mais c'était trop dur...

Ils restèrent un long moment silencieux. De temps à autres, je voyais Sandra qui essuyait ses yeux et Nathan qui serrait les poings et les dents pour ne pas craquer. Enfin, il dit :

-Hey... Tu nous fait pas une blague à la con hein ? Dis-moi que c'est une putain de blague Lia.

-Il a raison, tu dois rire en fait c'est ça ?! Roh putain, tu sais que j'ai marché à ton jeu en plus !, rit Sandra.

-Je ne rigole pas. Tout ce que je vous ai dit jusqu'ici est vrai.

-PUTAIN MAIS ARRÊTE DE MENTIR ! , explosa Sandra.

-Sandra je...

-Calme-toi Sandra. Elle va nous le dire qu'en fait c'est une blague. Hein Lia ? Pas vrai ?

-Arrêtez ça tous les deux. Puisque je vous dis que c'est vrai.

Sandra eut un rire nerveux et dit :

-Ah ouais ?! Si c'était vraiment le cas, tu crois pas qu'on l'aurait vu ? On est tes meilleurs potes depuis que t'es en primaire et on aurait pas été capable de remarquer que t'étais atteinte d'une maladie incurable ?! Admettons ! et dans ce cas combien de temps il te resterais à vivre ?! Ça colle pas Lia !

-J'ai tout fait pour ne pas vous le dire. J'ai voulu le cacher de plus en plus. Pas même mes parents sont au courants et je ne veux pas qu'ils le sachent. Le problème, c'est que je m'affaiblit de plus en plus physiquement. Tu sais que j'ai toujours aimé le sport, la marche, la natation etc...? Ça m'est difficile maintenant tu te rends compte ?

-Mais je m'en fout !! Combien de temps ?!

-Depuis l'hospitalisation, l'infirmière m'a rapporté que je pouvais compter un mois pour vivre.

Sandra, de l'autre côté devint livide. Sans expressions. Quand à Nathan, il dit juste :

-Je...vous laisse, j'ai des choses à faire.

Il raccrocha, même si je devinais que de l'autre côté d'un écran, il s'écroulerait tel Hugo ou moi au début.

-Je te jure que c'est vrai Sandra. Je te mentirais pas sur un truc grave comme ça.

Je vis de la rage et une infinie tristesse dans ses yeux avant qu'elle ne me dise.

-Certes. A plus. Enfin si tu vis encore.

Elle raccrocha. Je laissais tomber mon téléphone sur le lit et sortis retirer un peu d'argent au village. Il fallait que je peigne. J'achetais des toiles et de l'aquarelle en grande surface avant de rentrer et de retrouver Hugo qui était rentré de son excursion en collines.

-Hey ! Comment tu vas ?, dit-il en se servant un verre d'eau.

-BOF. J'ai tout dis aux autres concernant mon cancer.

Il faillit s'étouffer en buvant son verre suite à mes paroles.

-Wow wow ! Et ils ont dit quoi ?

-En gros, ils ne me croyaient pas, puis Nat' a raccroché sans émotions faciales et Sandy a eut un genre de mépris avant de raccrocher. Mais c'est normal... Chacun sa réaction.

-Oh putain ma pauvre... ça a dut être dur !

-'Fallait que j'leur dise. Bref, je monte ça en haut et on y va ?

-Aucuns soucis.

Je posais mes toiles et mon matériel, avant de songer à ce que je venais de faire, tout en descendant voir celui que j'aimais, pour rejoindre son fidèle vélo.

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top