La Maison Ridée
Je lève la tête face à la petite résidence où personne ne réside. Le parc autour est traversé par quelques personnes de mon âge, des vieux à la retraite et des adultes qui ne sont pas au boulot. Je ressors le papier de ma poche. Je ne sais même pas pourquoi je l'ai pris. Pour avoir une preuve, sans doute, face au mec caché derrière son tableau.
Je regarde les vitres barricadées - aucun pigeon ne peut s'y coller, à celles-là. Puis mon regard se porte sur la peinture décrépie de la façade, sur les briques fissurées à découvert. C'est bien pour cela qu'on l'appelle la Maison Ridée : deux grosses rayures sur la façade surplombent deux fenêtres, donnant l'illusion d'un visage.
C'est bien trop tard pour reculer, alors je m'avance vers la porte d'entrée qui tient à peine sur ses gonds. Je la pousse dans un grincement sonore, et de la peinture écaillée reste accrochée à ma paume que je m'empresse d'essuyer.
L'entrée n'est pas bien grande, déjà traversée par l'escalier menant au deuxième étage. Les murs sont décorés par un papier peint vieillot à fleurs, le parquet gémit dès que j'y pose le pied. C'est vraiment sinistre, cette pièce ne semble éclairée que par la porte d'entrée grande ouverte et par la lumière qui filtre sous une porte. Porte que je m'empresse de pousser pour arriver dans un salon.
Cette pièce est une copie de la précédente, sauf qu'il n'y a pas d'escalier mais une fenêtre barricadée. Et que les meubles sont toujours en place.
Là, un fauteuil usé, là, une table basse sur laquelle est posé un cendrier couvert de poussière. Le tapis au sol est en lambeaux, et je doute que ce soient les anciens propriétaires qui aient fait ça.
D'ailleurs, qui étaient ces anciens propriétaires ? Un vieux couple sans enfants qui a légué cette maison aux fantômes ? Une famille joyeuse disparue subitement dans les années quatre-vingt ? Je ne sais pas quoi en penser, alors je ne pense pas et continue mon chemin.
Malheureusement, au mur, je ne vois aucun tableau, juste les traces rectangulaires qui prouvent leur présence à un moment où à un autre. Je continue mon inspection dans le couloir, puis la cuisine. Cette dernière pièce est presque glaçante : les assiettes sont dressées sur la table, deux pauvres assiettes n'accueillant que la poussière au lieu de nourriture. Je commence à me sentir vraiment mal, je veux partir, mais en même temps je veux trouver ce tableau.
Et si c'était un coup monté ? Si ce n'était qu'une personne dérangée qui veut juste s'amuser à effrayer les gens ? Je refoule cette pensée en secouant la tête. Au moins, je dois finir ma visite. Je progresse dans un autre couloir complètement vide de décoration, un lieu impersonnel uniquement décoré de cet éternel papier peint fleuri. Et je retourne à la case départ, face à l'entrée.
Mon regard se porte sur l'escalier, désormais, et je reste un instant indécise. A droite, un lieu sombre et sinistre ; à gauche, une grande porte écaillée signifiant liberté et lumière. Mon choix est vite fait, et j'emprunte les escaliers en bois, qui me hurlent d'arrêter, que ce lieu n'est pas pour moi.
Bon, OK, en vérité, il ne fait que grincer. Mais j'aime rajouter un côté presque dramatique.
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