Dans les sushis

L'homme face à moi ne répond d'abord rien ; il m'observe, interloqué, ne semble pas comprendre exactement ce qu'est un "plat de pigeon". J'hésite entre m'enfuir en courant ou rester ici, dans le malaise. J'opte pour la deuxième option, j'ai déjà fait trop d'idioties pour faire demi-tour. Enfin, après de longues secondes de gêne absolue, l'homme me tourne le dos et va prendre un sac dans le frigo derrière lui. Je l'empoigne sans un mot et contemple les branches d'arbres qui le décorent.

Alors je vois écrit sur le sac au marqueur "De la part du mec qui s'ennuie - Mange bien !".

Et un sourire illumine mon visage, face au vendeur qui semble amusé par ce spectacle. J'hésite à lui demander s'il sait, lui, à quoi ressemble le garçon qui lui a commandé ça, puis finalement, je me dis que c'est de la triche, en quelque sorte. Alors je sors de la boutique en le remerciant et me dirige vers le parc que j'ai quitté un peu plus tôt dans la journée, destination guidée par les motifs du sac en plastique que je tiens dans la main.

Car ce motif est le seul indice qu'il me reste sur ma destination, puisque je ne peux pas ouvrir le sac maintenant. Je n'ai donc que ça comme indice.

Enfin, sauf si je désire passer pour une psychopathe totalement incontrôlable qui déverse le contenu de son sac à la recherche d'un morceau de papier.

Ma mère doit s'inquiéter, elle doit être rentrée désormais, mais c'est le cadet de mes soucis. Alors je m'assoie sur un banc et commence à vider le sac avec une impatience mal refrénée. Des sushis, des makis et des brochettes, le tout accompagné de riz. Je me mets à sourire toute seule, avec l'impression idiote qu'il a acheté tout ça en sachant ce que j'aimais.

Sauf qu'il n'y a pas de papier.

Dépitée, je n'ai plus d'autre choix que d'entamer mes sushis avec amertume. Il a forcément caché un indice quelque part, sauf que je n'ai plus la force de remuer le parc pour le trouver, alors j'engloutis les six sushis, autant de makis, la moitié de mon riz et deux brochettes. C'est à ce niveau-là que mon ventre commence à se calmer, ma demi-rage avec.

Je décide de commencer à fouiller le parc aux alentours - s'il a choisi de planquer son message dans une branche d'arbre, je lui brise la nuque à distance, si je ne casse pas la mienne en escaladant le tronc.

Sauf que j'ai beau remuer chaque brin d'herbe - c'est une façon de parler, je n'ai ni la patience ni l'irraisonnabilité (ce mot existe le temps d'une phrase) pour faire cela. Je commence à fouiller dans les buissons environnants, remuant vite fait leurs branches pour voir si un papier en tombe. Je sais qu'il n'est pas vicieux au point de le camoufler entre deux feuilles, au milieu d'un buisson de roses.

Là, ce n'est plus être vicieux, c'est être monstrueux, me souffle une petite voix - la mienne.

Mais il n'y a strictement rien dans les vingts buissons que je m'amuse à secouer. Bon, dans ce cas... J'observe le sac avec légèreté, et je commence à le déchirer. Peut-être que...

Non, il n'y a aucun papier dans le fond. Cette fois, j'en ai un peu marre.

Je saisis une ultime cuillerée de riz (avec des baguettes, ce n'est pas très logique) en froissant les restes du sac de carton entre mes mains. Cette fois la rage est revenue, et en entier, elle n'a plus hésité. Mais j'ai toujours été calme, et la nourriture a un effet bienfaisant sur ma santé mentale, alors je finis complètement mon repas. Et mon regard se pose sur le seul endroit encore entouré de mystère qu'il me reste.

Ni une ni deux, je finis le riz agglutiné au fond du bol avec empressement, ce qui me dévoile le carré blanc tant attendu, englué de riz pâteux et de sauce soja sucrée.

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