73- Le chemin du prisonnier
Coyle se sentait ballotté dans tous les sens. Il ferma fort les yeux pour essayer de chasser le mal de tête qui lui vrillait le crâne, mais peine perdue. Il a vraiment tapé fort cet enfoiré. Le sac en toile toujours autour de sa tête l'empêchait de distinguer où il se trouvait. Il n'avait d'ailleurs aucune idée du temps qu'il était resté inconscient.
Mais vu l'odeur qui flottait autour de lui et la manière dont son corps tressautait, il présuma qu'on l'avait mis en travers du dos d'un cheval. S'il s'agit du mien c'est ironique, songea-t-il d'un air amer. Ses poignets étaient liés dans son dos, et le souverain ne se risqua pas à essayer de les défaire. Pour l'instant, c'était son seul avantage : qu'on ne sache pas qu'il était revenu à lui.
Des voix se faisaient entendre autour de lui, sans que personne ne se doute qu'il pouvait les entendre. Il tendit l'oreille.
-On s'arrête quand ? Demanda une voix d'homme.
-Dans une heure je pense, lorsqu'on aura atteint la lisière de la forêt. Répondit le vieillard de sa voix chevrotante.
S'il allait vers la forêt, cela voulait donc dire qu'ils allaient quitter le royaume. Et ce pour aller dans le royaume de Condalt. Là on son père avait été exilé. Karmen poursuivait donc sa quête de réponses.
-On dressera le campement à ce moment là. Déclara Karmen.
Coyle sentit les poils de son échine se hérisser. Elle était juste là, toute proche de lui. Il brûlait d'envie de lui poser tout plein de questions, mais mieux valait attendre. Après tout, il n'avait aucune idée de ce qu'on attendait de lui.
-Et pour lui ? Demanda une autre voix d'homme.
Un silence, puis Karmen répondit :
-On fera des tours de garde. On ne peut pas se permettre qu'il s'échappe.
-Tu ne veux toujours pas nous dire pourquoi lui précisément ?
Aucune réponse. Une troisième voix masculine se mêla à la conversation :
-Qu'est-ce qu'il a qui va nous permettre de retrouver l'homme que tu cherches ?
Coyle ouvrit de grands yeux dans son sac : premièrement, il venait de se rappeler où il avait déjà entendu ces voix : c'était à coup sûr les amis de Karmen qu'il avait fait libérer de prison ! Et deuxièmement, Karmen ne semblait pas leur avoir révélé ni son identité, ni son lien avec l'homme qu'ils recherchaient tous.
-Ce n'est ni le lieu ni le moment. Répondit abruptement une autre voix, mais de femme cette fois-ci.
-Mais...
-Ça suffit Pit. Déclara la femme mystérieuse.
Suite à cela, plus personne ne posa de questions, et le trajet se fit dans le plus grand des silences jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent. Coyle sentait ses muscles s'engourdir un peu plus à chaque instant, il priait maintenant pour que la halte arrive depuis qu'il avait repris conscience.
On arrêta soudain son cheval, et une poigne ferme le tira en arrière avant qu'il n'ait eu le temps de comprendre. On le rattrapa fermement avant qu'il ne touche le sol, mais par réflexe il s'était gaîné, histoire de ne pas s'écraser lamentablement au sol.
-Oh mais c'est qu'il est réveillé le gaillard !
On lui retira le sac, et il cligna plusieurs fois des yeux pour s'habituer à la lumière vacillante du soir. Face à lui, un géant – c'était le cas de le dire – se tenait debout, jambes écartées et le sac entre les mains. Le crâne rasé, il le toisait d'un drôle d'air mais sans animosité.
Le vieillard apparut derrière lui, et déclara en le regardant froidement :
-Attache le à l'arbre derrière le campement. Il n'a pas intérêt à partir.
Coyle sentit la menace voilée, et ne répondit pas. L'homme aux côtés du vieux hocha la tête et empoigna le souverain par le bras pour qu'il le suive. Alors qu'il traversaient l'emplacement de leur futur campement pour la nuit, Coyle tourna la tête sur les côtés en cherchant Karmen du regard, mais elle n'était en vue nulle-part.
Pas des plus sereins, il se laissa cependant attacher au tronc d'arbre sans opposer de résistance. Il ne tenterait rien tant qu'il n'aurait pas d'explications. Le colosse s'assura que ses nœuds tenaient bien, et s'agenouilla ensuite devant lui :
-Qu'est-ce que tu lui as fait à la Karmen pour qu'elle s'empresse d'aller chercher du bois dès qu'on est arrivés ? Lui demanda-t-il.
-Que vous a-t-elle dit ? S'enquérit le souverain.
-Elle n'a pas dit grand-chose.
-Je la laisse vous expliquer alors, parce que même moi je ne sais pas.
Le chauve hocha la tête et demanda :
-T'es qui ? Pour elle qui es-tu ?
-Je suis...
Il s'interrompit : qu'était-il exactement ? Celui qui l'aimait plus que tout ? Celui qui avait détruit sa vie ? Leur histoire était si compliquée et torturée qu'il ne savait même plus se définir lui-même. Finalement, il referma la bouche et fit le choix de ne rien dire.
-Je vois, constata le colosse en baissant les yeux. J'espère qu'elle sera plus bavarde que toi.
Puis il se leva et partit aider ses compagnons à monter le camps. Coyle les observa attentivement ; il était clair que le vieux et la femme âgée à ses côtés étaient très respectés vu la manière dont les 3 hommes se tenaient en leur parlant.
Quant au colosse, il avait l'air d'être celui qui donnait les ordres aux 3 autres. Le roi avait été surpris de la manière dont il lui avait parlé ; simplement, sans détour. Il avait perdu l'habitude au fil des années. Et il était clair que cet homme ignorait son statut, ou bien il n'en avait rien à faire. Il les observa longuement, perdu dans ses pensées.
Soudain, une silhouette familière sortit des bois sur sa droite : Karmen venait de revenir, les bras chargés de bois. Elle ne flanchait pas sous le poids évident des branchages, et le blond fut impressionné de la force qu'elle avait retrouvé. Le regard rivé droit devant elle, elle ne tourna pas la tête et apporta son chargement au campement.
Il la vit échanger quelques mots avec le vieillard, et repartir en direction d'un cheval attaché un peu plus loin. Elle l'enfourcha et partit au petit galop dans la direction d'où ils venaient.
Épuisé, le souverain se laissa aller contre le tronc d'arbre derrière lui et ferma les yeux. De toute évidence, les explications attendraient. Lorsqu'il rouvrit les yeux après ce qui lui parut être quelques minutes, le soleil était couché et le feu de camp de consumait déjà au centre du campement installé un peu plus tôt. La fatigue l'avait apparemment rattrapé plus vite que prévu.
Une brindille craqua sur sa droite, le faisant sursauter. Il tourna vivement la tête, et une douleur lancinante lui vrilla le cou.
-Ah ! Grogna-t-il en se raidissant contre le tronc qu'il avait oublié.
-Tu as faim ? Lui demanda une voix.
Il rouvrit les yeux, et vit alors Karmen, qui venait vraisemblablement de se lever, une écuelle à la main. Elle était juste à côté de lui, le visage dans l'ombre. Le souverain hésita un court instant, puis finit par hocher la tête. Karmen posa l'écuelle au sol, et passa derrière le tronc : quelques instants plus tard, il était à nouveau libre de ses mouvements.
La jeune femme se rassit sur un rocher devant lui, et lui tendit l'écuelle.
-Ne te fait pas d'illusions, il y a une flèche pointée sur toi, prête à être décochée si tu tentes de t'enfuir. Lâcha-t-elle.
-Je n'ai pas l'intention de partir. Opposa Coyle.
-Je ne te crois pas.
-Pourquoi Karmen ? Qu'est-ce qui fait que tu ne me crois pas ? Demanda calmement l'homme en saisissant l'écuelle.
-Tu m'as plus menti que tu ne m'as dit la vérité depuis que l'on se connaît. Cingla la jeune femme en plissant les yeux.
Coyle prit une cuisse de faisan et mordit dedans avant de répondre. Il mâchonna un moment et reprit la parole.
-J'ai fait beaucoup de mauvais choix.
-Tout comme moi.
-En tout cas, tu m'as très bien manipulé ce matin. Bravo. Tu savais parfaitement que si tu m'interdisais de venir avec toi je ferais exactement l'inverse. Lâcha le roi avec amertume, un regard triste à l'intention de sa cuisse de viande.
Karmen inspira profondément et évita son regard. Elle tourna la tête vers le feu, où ses amis festoyaient.
-Tu ne leur a pas dit qui j'étais, pas vrai ? Reprit Coyle.
-A quoi cela servirait-il ? Émile et Iris sont au courant, c'est déjà bien assez. Murmura la jeune femme.
Coyle se souvint de la phrase qu'avait prononcé le vieillard en le voyant dans le sous-sol ; « alors c'est à ça que tu ressembles ». Elle prenait à présent tout son sens. Il ne devait pas beaucoup l'aimer celui-là.
-Karmen, je ferais tout ce que je peux pour t'aider à retrouver mon père. Mais laisse moi t'aider librement.
La jeune femme se retourna à nouveau vers lui :
-C'est hors de question. Tu m'as prouvé maintes et maintes fois que je ne pouvais pas te faire confiance. Tu feras ce qu'on te dira, et ensuite tu retourneras à ta vie parfaite.
-Tu projettes de me laisser rentrer ? Vraiment Karmen ?
Elle fronça les sourcils.
-Que veux-tu dire ?
-Le principe d'un otage – j'espère ne rien t'apprendre – c'est qu'on fait pression sur sa vie. Et c'est clairement ce que je suis n'est-ce pas ? Railla-t-il.
Karmen parut déconcertée un court instant, mais se reprit bien vite.
-Bien sûr que je le sais. J'ai parlé sans réfléchir.
-Vraiment ? Où alors était-ce vraiment ce que tu voulais dire ?
-Oh tu m'emmerdes avec tes phrases énigmatiques ! S'écria-t-elle en se relevant brusquement.
Elle commença à partir mais s'arrêta brusquement lorsque Coyle demanda :
-Hier soir, c'était quoi ? C'était aussi faux que ton sourire ce matin ?
La jeune femme ne se retourna pas, et ne dit rien.
-Karmen ! Réponds moi ! Hurla-t-il d'un coup.
Elle tressaillit, et lui fit face avec un air perdu. On aurait dit une enfant prise en flagrant délit.
-Je veux savoir si la femme qui se tient devant moi a couché avec moi pour obtenir ce qu'elle voulait. Assena-t-il durement.
Plus aucune trace de sympathie ne se lisait sur son visage à présent. Sa mâchoire était serrée, son regard assassin.
Karmen regarda autour d'elle comme si la réponse s'y trouvait, puis finit par le regarder à nouveau. Il sentait parfaitement le conflit qui grondait en elle : donner la réponse qui lui était venu au moment même où il avait posé sa question, ou mentir pour se protéger ?
Quelle qu'elle soit, la réponse perturbait la jeune femme.
-Je...
Sa voix s'étrangla dans sa gorge. Elle parut déglutir, et releva le menton en se pinçant les lèvres. Impassible, Coyle attendait. La jeune femme avait-elle totalement tiré un trait sur eux deux, ou alors était-elle prise entre deux feux ?
Elle ouvrit à nouveau la bouche, et au moment où il pensait qu'elle allait enfin répondre, tourna les talons et s'enfuit en direction du feu de camp. Impulsif, Coyle se leva d'un bond avec l'intention de la rattraper, mais aussitôt, un homme apparut devant lui, la corde de son arc tendue jusqu'à la joue.
-Assis. Ordonna-t-il sans une once de sympathie.
Bien forcé d'obéir, Coyle expira profondément et obtempéra. Son écuelle lui fut reprise, et l'homme entreprit de lui relier les mains dans le dos. Il fut de nouveau attaché à son tronc, et gratifié d'un avertissement sans équivoque :
-Tu bouges, je tire.
Coyle se tint tranquille, et peu de temps après, son gardien s'éloigna dans les profondeurs de la forêt. Il ne devait pas être loin, donc Coyle ne tenta rien qui puisse le faire finir embroché par une flèche perdue.
Au loin, l'ombre de Karmen se découpait dans la lueur du feu de bois : immobile, elle avait l'air d'être assise et de fixer les flammes. Il se jura d'arriver à bout de la jeune femme : il arriverait à comprendre ce qu'elle voulait. Et à partir de là il aviserait.
Soudain, une main massive se posa avec force sur sa bouche. Surpris, il tenta de s'arracher du tronc mais les liens étaient bien serrés.
-Chut ! C'est moi ! Chuchota une voix familière.
Coyle ouvrit des grands yeux et s'immobilisa, stupéfait. La main s'enleva et il s'exclama à voix basse :
-Logan ?! Mais qu'est-ce que...
Son ami se plaça face à lui, accroupi pour qu'on ne le voit pas.
-Je t'avais prévenu que c'était une mauvaise idée. J'ai eu raison de te suivre.
-Personne ne t'a vu ? S'inquiéta le souverain
-Non, mais l'autre gus risque de revenir, je n'ai pas beaucoup de temps. (il sortit un couteau de sa ceinture et approcha la lame des cordes) Allez on s'en va.
-Attend, attend ! Lui ordonna Coyle.
-Quoi ça ne t'a pas suffit ? Allez Nick on se tire !
-Non ! Loggy tu comprends pas. Elle a besoin de moi, elle est complètement paumée, et elle va à l'abattoir là. Tenta le souverain.
-Elle n'a aucune intention bienveillante envers toi. Cesse de trouver des excuses.
-Je la laisserai pas. Je ne lui donnerai pas la preuve qu'elle attend qu'elle ne peut pas me faire confiance.
-Tu es buté c'est pas croyable. Marmonna Logan.
-Si ça te rassure, continue à nous suivre de loin. Mais je reste là. Déclara-t-il.
-Tu ne changeras pas d'avis pas vrai ?
-Aucun risque.
-Dans ce cas, au moindre danger je te sors de là et on file. Promets moi.
-Je...
-Ou alors je t'assomme et on repart maintenant, imposa le général.
Coyle soupira mais finit par acquiescer. Logan rangea sa dague et après un dernier regard lourd de sens, disparu dans les fourrés. Le roi laissa sa tête reposer à nouveau contre le tronc derrière lui, et tenta de dormir un peu. La journée qui allait suivre serait longue.
Au petit matin, il se réveilla à l'aurore : le soleil levant projetait une lumière dorée sur la lande devant eux, c'était magnifique. Tout ressortait dans de douces lueurs orangées. Et autour du feu de camp, tout le monde s'affairait déjà et rangeait le camp.
Ils reprirent leur progression peu de temps après, et cette fois-ci Coyle eut le droit d'être assis sur un cheval. Deux des hommes l'encadraient, près à intervenir si il tentait quoi que ce soit. Si ses souvenirs étaient exacts, il s'agissait de Pit et de Joan.
Et loin devant, chevauchait Karmen. Elle l'avait évité depuis ce matin, coupant net tous les contacts visuels qu'il tentait d'instaurer. Elle était farouche, encore plus qu'avant. Il sentait qu'elle avait changé, et qu'elle s'était endurcie encore plus. Et il craignait qu'à cause de cela elle ne soit plus accessible. Jamais.
Ils arrivèrent au village frontalier avec le royaume de Condalt : il entendit Iris et Emile discuter derrière lui :
-Pourquoi est-elle persuadée de trouver des informations ici ? S'enquit le vieillard.
-Elle dit que n'importe qui qui veut quitter le royaume s'arrête ici une nuit: la traversée qui suit est dangereuse.
-Qu'entends-tu par là ?
-Juste après la frontière il y a un immense désert. S'y engager sans se ravitailler avant serait de la folie.
-Trouver quelqu'un qui se souvienne de ce qui s'est passé il y a 15 ans serait un miracle...marmonna le vieux.
Coyle pensa la même chose : ils avaient peu de chance de trouver quelque chose ici. Et pourtant ; c'était le dernier endroit où son père avait dû passer en quittant le pays. Cela valait le coup d'essayer.
Ils s'arrêtèrent devant une taverne, bondée de monde bien qu'il ne soit que midi. On le fit descendre de sa monture, et tous rentrèrent à l'intérieur.
-Tu ne bouges pas, tu ne parles pas. Le prévint froidement le vieillard en passant à côté de lui.
Coyle hocha la tête, et Emile s'éloigna pour rejoindre Karmen. Quelques pas devant lui, elle parlait déjà avec le propriétaire de la taverne.
-Vous travaillez ici depuis longtemps ? Lui demanda-t-elle.
-Depuis que j'suis gosse, j'ai repris l'affaire avec mon père dès que j'ai pu porter une chope de bière pleine ! Affirma l'homme d'âge mûr.
-Vous pouvez peut-être m'aider alors.
-Dites moi en quoi, lui sourit le taverniste en lorgnant son corps de haut en bas.
Coyle sentit tout son corps se tendre à ce constat, mais apparemment il n'était pas le seul agacé par l'attitude de l'homme, puisque Maxime s'avança aux côtés de Karmen et lorgna l'homme qui devait lever la tête pour le regarder d'un air mauvais. Ce dernier baissa les yeux et reporta son attention sur la jeune femme face à lui, sans que son regard dévie cette fois.
-Je cherche un homme qui aurait pu passer ici il y a des années. Annonça Karmen.
-Vous avez une description pour m'aider ?
La jeune femme brune lança un regard à Maxime : ce dernier retourna derrière et empoigna fermement le bras du souverain. Il se pencha vers lui et siffla :
-Pas de conneries blondinet.
Il l'amena devant, et Karmen se tourna alors vers lui, le regard indéchiffrable.
-Dit lui à quoi il ressemble. Articula-t-elle.
-Euh..Vous voyagez ensemble ? Intervint le taverniste en les regardant tour à tour.
Karmen le foudroya du regard, et il leva les mains en l'air pour s'excuser de sa question indiscrète. Coyle attendit qu'il l'écoute, et prit la parole calmement.
-C'est un homme assez grand, un peu moins que moi cependant. Cheveux blancs et barbe taillée en pointe probablement. (il creusa dans sa mémoire et ajouta) Ses yeux sont d'un bleu très clair, et il a une cicatrice le long de la joue. Je ne sais plus laquelle.
Il sentit le regard de Karmen rivé sur lui, mais resta concentré sur l'homme face à lui, qui semblait réfléchir.
-Votre gars... Il voyageait seul ? Demanda-t-il enfin.
-C'est possible, mais je ne saurais pas vous dire. Admit Coyle en penchant la tête sur le côté.
-Parce que des yeux bleus comme les vôtres...Ça s'oublie pas. Je me souviens d'un gars, qui avait mis la pagaille ici un soir. Il voulait recruter des hommes j'me souviens.
-Des hommes ? Intervint Karmen.
-Ouais des hommes ; il voulait former une espèce de groupe si je me souviens bien, sauf qu'il était pas mal éméché ce soir là, et personne n'avait été emballé.
-Que s'est-il passé ensuite ? Le pressa la brune.
-Oh vous savez...Ils sont tous battus, puis le type est parti en criant qu'il trouverait bien des gens ailleurs, plus intelligents qu'eux et blablabla... expliqua le taverniste.
-C'était il y a longtemps ? Intervint Coyle sans réfléchir.
-Oh je dirais bien 10-12 ans...Si ce n'est pas plus. Ma femme venait d'accoucher.
Coyle tourna le regard vers Karmen, qui le regardait depuis qu'il venait de prendre la parole. Derrière l'animosité qui brûlait dans son regard se cachait une nouvelle flamme : celle de l'espoir. Ils tenaient quelque chose.
-Sauriez-vous où il est parti le lendemain ? Ajouta Karmen.
-Ah bah ça, je dirais comme tout les autres : derrière la frontière, vers le désert. Seulement, il était à pied, donc j'ignore comment il aurait pu survivre à ça aussi longtemps, en marchant.
-Personne n'a jamais traversé ce désert à pied ? Intervint Iris en s'approchant.
-Oh que non ! Déjà à cheval c'est une poignée de jour sous un soleil de plomb, mais à pied ce serait du suicide ! S'exclama l'homme en se passant les doigts dans la barbe.
Le regard de Karmen se ternit : si ce que l'homme disait était vrai, les chances que Archibald ait survécu étaient minces. Cependant elle se reprit et remercia le taverniste avant de tourner les talons pour ressortir. Tout le monde la suivi sans un mot, chacun réfléchissant à la suite des événements.
Une fois à l'extérieure, elle se tourna vers ses amis et s'adressa à eux calmement.
-Je ne sais pas s'il a vraiment traversé ce désert. Cela me semble étrange de partir là bas sans monture. Il n'a peut-être pas pris le trajet que tout le monde prenait, peut-être qu'il a changé d'avis en cours de route. Annonça-t-elle.
-Pourquoi serait-il venu ici en premier lieu ? Demanda Oliver.
-Il était en exil, il devait quitter le pays, expliqua placidement la jeune femme.
-Pourquoi ?
-Trop long à expliquer. Évinça la jeune femme.
Coyle se pinça les lèvres, parfaitement au courant de ce qui se passerait si elle leur révélait les raisons de l'exil de son père : tous comprendrait alors qu'il s'agissait de l'ancien roi, et commenceraient à s'interroger sur le lien de leur otage avec un roi déchu.
-Qu'est-ce qu'on fait ? Demanda Maxime.
-Il nous reste un peu de temps : donnons-nous jusqu'au soir pour interroger les habitants. Peut-être que certains d'entre eux étaient dans cette taverne ce soir là et pourraient avoir vu quelque chose. Déclara la jeune femme.
-On se retrouve ici ? L'interrogea Joan.
-Oui, ça me semble pas mal. Faisons ça. Confirma-t-elle.
Emile s'avança parmi eux et annonça :
-Je reste avec Iris et les chevaux. (il désigna Coyle du menton) Et l'autre.
-Non, opposa Karmen. Il vient avec moi.
Coyle fronça les sourcils en tournant la tête dans sa direction. Emile eut la même réaction et demanda :
-Tu es sûre de toi ?
-Il sait donner une description précise de l'homme qu'on cherche. Il peut nous être utile. Répondit-t-elle.
Elle fit un signe de tête à Maxime, qui abaissa le poignard pointé dans les côtes du souverain depuis tout à l'heure. Coyle roula des épaules pour s'étirer, tandis que Karmen faisait un signe de tête à chacun de ses amis, qui se dispersèrent dans des directions différentes.
Ils se retrouvèrent enfin seuls, et Karmen le regarda fixement. Il crut qu'elle allait prendre la parole, mais finalement elle se mit en marche en silence. Ils croisèrent quelques habitants, mais aucun ne fut capable de les aider. Docile, Coyle suivait la jeune femme en silence, prêt à l'aider si besoin était. Et alors qu'ils étaient en train de marcher dans une ruelle étroite, une carriole arriva à toute allure droit sur eux. Le fermier semblait avoir perdu totalement le contrôle de ses chevaux, et il était clair que passer à côté d'eux à cette vitesse allait se révéler périlleux.
Instinctivement, le souverain fit un grand pas en avant pour se placer devant la jeune femme qui s'était figée, et la poussa contre le mur en briques en faisant rempart de son corps. Le chariot les frôla de très près, mais ne blessa personne. Quelques secondes plus tard, un grand fracas se fit entendre : le virage au bout de la ruelle avait été trop dur à négocier, mais au moins l'attelage s'était arrêté.
Reportant son attention sur la jeune femme écrasée contre lui, Coyle s'autorisa à souffler un soupir de soulagement discret ; plus de peur que de mal. Un peu sonnée, elle mit quelques secondes à s'écarter en vacillant. Il garda les bras serrés autour d'elle, au cas où elle viendrait à tomber.
Elle leva les yeux vers lui, et au moment où elle s'apprêtait à parler, une voix cria à l'autre bout de la rue :
-Ah ! Vous êtes là ! Attendez !
Accourut alors vers eux une femme d'âge mûr, qui tenait ses jupons à la main en trottinant vers eux. Aussitôt, Karmen repoussa l'homme qui la surplombait et fit face à la nouvelle arrivante. Celle-ci arriva essoufflée, et se plia en deux pour reprendre son souffle avant de parler.
-Je ne vous trouvais plus, mon mari vient de me dire que vous cherchiez un homme étrange. Haleta-t-elle.
-Vous sauriez quelque chose ? S'enquit immédiatement Karmen en se penchant vers elle.
-Je me souviens de cet homme, le lendemain de la bagarre dans notre taverne il était revenu. Il m'avait demandé une carte. Expliqua-t-elle.
-Pour aller où ?
-Il souhaitait connaître la route la moins fréquentée pour aller l'opposé du royaume de Condalt.
Le cœur de Coyle fit un bond dans sa poitrine ; ainsi Karmen avait raison, Archibald n'avait pas traversé le désert et était parti là où on ne l'attendait pas.
-Il souhaite aller au royaume de Mélandres. Celui qui vient d'être conquis par le roi de notre royaume. Ajouta la vieille tavernière.
Estomaqué, Coyle se tourna vers Karmen : Archibald se trouvait dans le royaume fraîchement conquis par le souverain. De l'autre côté de l'endroit du royaume où ils trouvaient. Ils allaient devoir tout refaire dans l'autre sens.
Tout d'abord, bienvenue aux nouveaux lecteurs, merci pour vos nombreux votes!
La quête de Karmen? Aveuglée par la vengeance? Ou par autre chose?
L'aide de Coyle? Sincère?
Nos deux amours, toujours une chance ensemble?
N'hésitez pas à me laisser votre avis, ça m'aide plus qu'on pourrait le penser!
Xoxo
Insta: julee_gldn
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