67- Infection

TitiaGuibs un de tes commentaires m'a bien aidée pour ce chapitre mercii

***

Un pied. Puis l'autre. Chaque pas en appui total sur sa jambe blessée requérait une concentration totale. Nicholas ne lâcha pas le point qu'il fixait, à l'autre bout de sa chambre où l'attendait un jeune homme, les mains croisées derrière le dos.

Avec un sourire amer, il repensa à toutes ces fois où il avait poussé à bout et provoqué Karmen lorsqu'elle-même effectuait la même rééducation. Elle aurait dû le gifler pour son attitude ignoble. C'était impossible de traverser cette fichue chambre sans tomber !

Il arriva enfin à son lit, et s'assit lourdement. Aussitôt, le jeune homme s'avança vers lui et posa les mains de part et d'autre de sa jambe, contre les tiges métalliques qui l'entouraient.

-Essayez de relever le genou Majesté ?

Pour la centième fois, Coyle tendit les muscles de sa cuisse de toutes ses forces pour actionner l'atèle métallique qui enserrait sa jambe à mi-cuisse pour venir s'enrouler autour de son genou.

L'artisan qui l'avait conçu avait réellement des doigts de fée : aussi légère qu'une feuille, elle épousait parfaitement les formes de sa jambe, sans le gêner. Les mécanismes qui la composaient étaient complexes, il aurait été bien embêté d'avoir à les réparer sans l'aide de personne.

C'était le troisième prototype qu'il essayait en deux jours, et cette fois-ci semblait être la bonne. Agenouillé face à lui pour contrôler l'articulation d'un des bras métallique de la pièce, l'artisan attendait en silence le verdict.

C'était un jeune homme d'un vingtaine d'années, sympathique en toutes circonstances. Son attitude respectueuse sans s'écraser pour autant avait tout de suite plu au souverain qui s'était arrangé pour concevoir son atèle avec lui. La première fois qu'il l'avait vu, il avait été amusé par ses cheveux longs retenus en queue de cheval, chose qu'on ne voyait jamais à la cour.

-Je songe à lancer une mode, avait-il dit en rigolant à Logan ce soir-là.

-La mode du cache œil que j'aurais lancée l'écrasera bien avant qu'elle ne devienne une mode mon ami.

Un coup bref fut d'ailleurs frappé à la porte, qui s'ouvrit sur Logan lui-même. Il s'approcha en silence et hocha la tête à l'attention de son ami, tandis que le jeune artisan bondissait sur ses pieds pour s'incliner respectueusement.

-Mon général.

-Redresse-toi petit. Tu as réussi à faire une atèle qui convienne à ce vieux grincheux ?

Gêné, le jeune homme se tourna vers le roi sans un mot, l'interrogeant du regard. Coyle sourit et mit fin à son supplice : Logan avait le chic pour mettre mal à l'aise.

-Elle est parfaite. Je vais garder celle-là. Merci.

-A votre service Majesté.

Le jeune homme s'inclina encore une fois et sortit sans demander son reste. Coyle s'employa encore une fois à redresser sa jambe pour faire travailler les rouages encore serrés, serrant les dents. La douleur était encore bien présente, malgré tous les efforts des hommes de médecine du palais.

La lance qu'on lui avait planté dans l'arrière de la cuisse avant traversé l'os de part en part, déchirant un nombre immensurable de tissus et de ligaments. C'était un miracle qu'il ait réussi à garder sa jambe, peu de cas rapportait un succès sur ce plan là dans ce genre de blessures.

-Ça partira avec le temps, déclara Logan en écho à ses pensées.

-Pour l'instant ça m'occupe... grogna le souverain.

Devant l'air contrit de son ami, Logan soupira : depuis qu'il était descendu voir Karmen dans le cachot deux jours plus tôt, il était grincheux et irritable à souhait. Dieu seul savait ce qu'il se passait dans sa tête en ce moment. Il n'avait rien voulu dire à son meilleur ami en en remontant.

-Tu vas retourner la voir ?

-Tu étais venu pour quelque chose en particulier ? Évinça Coyle en relevant la tête vers lui.

Logan baissa les yeux, et montra un dossier fermé qu'il tenait à la main :

-Te donner ça entre autres.

-Qu'est-ce que c'est ?

-Une mauvaise nouvelle je le crains...

Les traits tirés, Nicholas se remit sur ses pieds et s'avança pour prendre le dossier.

-Lors de ma convalescence, déclara Logan, j'ai eu besoin de quelque chose d'autre à faire. Tu m'avais parlé de cette enquête sur le meurtre des parents de Karmen, alors j'ai continué des recherches de mon côté.

-Qu'as-tu trouvé ?

-Ce que tu craignais...Je te laisse le lire seul. Je serais dans mon bureau si tu me cherches.

La mine sombre, son ami se retira sans rien ajouter. Anxieux de découvrir ce qui avait pu le laisser aussi grave, Coyle s'assit à son bureau et défit l'attache de la pochette. Des documents divers classés dans l'ordre en glissèrent, retraçant les recherches minutieuses menées par son ami pendant son absence.

Les sourcils froncés, il lut tout avec application. Son cœur s'emballa lorsqu'il comprit où les recherches menaient : le commanditaire de l'assassinat. Logan avait réinvesti toutes les pistes potentielles pouvant mener à lui, et cela avait payé. Comparaison d'écriture, lettres, rapports, tout était très éloquent et renvoyait aux pires craintes de Nicholas.

Archibald de la Famille Quent.

Son père.

Le roi qui l'avait précédé.

Son nom inscrit sur la dernière page du dossier était sans appel. L'homme qui était responsable de la traque et de la destruction de la famille Nagilo, la famille de Karmen, la famille de la femme qu'il aimait. Cet homme et son géniteur ne faisait qu'un.

Les enfants devaient-ils porter le poids des péchés de leurs parents ? Parce que si c'était le cas, Nicholas était lié à Karmen depuis bien avant leur rencontre. Et il aurait à jamais une dette énorme envers elle. Une dette qu'il était incapable de payer.

Sonné, le souverain se laissa aller contre le dossier de sa chaise. Il actionna machinalement le mécanisme de son atèle pour le désamorcer un peu. Cric. Son père. Cric. Exilé loin d'ici il y a de cela 15 ans. Cric. Karmen. Cric. Enfermée sur son ordre dans les cachots lugubres de son palais. Cric. L'atèle couina ainsi pendant de longues minutes, pendant lesquelles il ressassa la situation dans tous les sens.

Ce ne fut qu'en fin d'après-midi qu'il sortit de sa torpeur. Plusieurs heures s'étaient écoulées depuis sa macabre découverte. Il comprenait à présent pourquoi Logan l'avait laissé seul. Avec un peu de chance, il arriverait à rejoindre ce dernier à son bureau avant qu'il n'en parte.

Décidé, il se leva en s'appuyant sur ses bras pour s'aider, et partit de sa chambre. Seulement, alors qu'il tournait à l'angle d'un couloir, il aperçu son ami qui venait à son encontre, en plein milieu du palais. Il avait l'air affolé.

-Tu es déjà là ? S'étonna le souverain. Je partais justement te voir. Qu'est-ce qui...

-Nick. Le coupa son ami d'un air sombre en arrivant à sa hauteur.

-Qu'est-ce que j'ai dit ?

-C'est Karmen. Il faut que tu viennes immédiatement.

Sans poser aucune question, le souverain emboîta le pas à son ami. Aucune question ou hésitation ne lui avait traversé l'esprit : le prénom de Karmen associé à l'air grave de son ami avait suffi à activer un mécanisme en lui. Il ferait tout ce qu'il faudrait.

Alors qu'ils descendaient dans l'escalier en colimaçon sombre qui menait aux cachots, Logan prit la parole.

-J'ai...disons évoqué avec Mona ce qu'il s'était passé il y a deux jours. Je ne pensais pas qu'elle ferait quoi que ce soit, mais elle a été interceptée en tentant de s'introduire dans les cellules au sous-sol...Plus particulièrement celle de Karmen.

-Comment l'en blâmer...

-J'ai été averti aussitôt ; et on s'est violemment disputé quant à ma « passivité » face à la situation.

Coyle leva un regard désolé mais Logan poursuivit :

-Je lui ai promis d'aller voir Karmen pour lui transmettre un message de sa part, mais quand j'y suis allé...

Nicholas se tendit, présentant la suite alarmante. Si jamais il était arrivé quelque chose à Karmen...Si jamais il s'avérait qu'à cause de son impassibilité elle en ait payé le prix fort... Il ne se le pardonnerait pas.

-Quand j'y suis allé, reprit Logan après avoir dégluti, je l'ai trouvée inconsciente.

Sous le choc, Nicholas s'arrêta net. Les mots que venaient de prononcer son ami ne voulaient pas atteindre son cerveau. Ou alors ce dernier ne les acceptait pas. Tout comme lui.

-Inconsciente ? Qu'est-ce que tu veux dire ? Logan ?! Qu'est-ce qu'elle a ? s'écria-t-il.

-Il semblerait....que ses blessures se soient infectées, déclenchant une forte fièvre. Elle va mal, elle va très mal Nick.

Les yeux dans le vague, le souverain vacilla. Non c'était impossible. Karmen allait bien, c'était une femme forte. Elle ne pouvait pas mourir de ses blessures. Imbécile, lui souffla sa conscience. Comment peut-elle aller bien après les coups de fouets qu'elle a reçu ?! Dans son état de faiblesse ?

-Je dois...il faut que je...bégaya le roi.

Les mots refusaient de sortir de sa bouche. Tout était flou autour de lui, ses sens se mélangeaient, brouillant la réalité. Tout son corps accusait le choc. Ses jambes prirent le relai seules, et il s'élança le plus vite qu'il le put avec sa jambe blessée. Il n'y avait qu'un seul endroit où il devait aller en ce moment. C'était auprès d'elle. Ce besoin, cette nécessité, étaient si forts qu'ils le broyaient l'intérieur.

Au pas de course, il dévala les escaliers et manqua de s'étaler sur le sol en atterrissant sur sa mauvaise jambe. Mais il se redressa, et continua sur sa lancée. Les gardes en fonction se retournèrent d'un air surpris sur son passage, mais il ne leur accorda pas un regard. Il ne savait même pas si Logan le suivait. Il ne se souvenait même pas être parti. Le temps s'enroulait et se dépliait sans aucune logique autour de lui.

Lorsqu'il arriva devant la porte du cachot lugubre où se trouvait Karmen, il arracha les clés du ceinturon du garde, et lui fit signe de dégager. Interloqué, ce dernier obtempéra cependant, peut-être effrayé par la lueur dans les yeux du souverain.

Nicholas fit irruption dans le noir le plus total, le cœur affolé battant frénétiquement dans sa poitrine. Vite, de la lumière. Avec de grands gestes précipités, il arracha la torche au mur du couloir, sans même ressortir complètement du cachot. Comme si, il était possible que Karmen s'en aille définitivement pendant ce petit intervalle de temps. Tout était suspendu, maintenu à un fil.

La torche enflammée à bout de bras, il illumina la pièce et repéra le corps inerte, étendu au sol à côté du lit de fortune en paille. Comme si elle avait essayé de ramper pour s'écrouler en plein mouvement. Il se précipita à ses côtés, et la retourna sur le dos.

-Karmen ! Répond moi !

Mais les yeux de la jeune femme étaient irrémédiablement clos. Aucun frémissement sur son visage pour lui indiquer qu'elle l'avait ne serait-ce qu'entendu. Son visage aminci par les mois passés dans cet endroit sombre était sale, la peau s'était rétractée sur les os de sa mâchoire jusqu'à la faire ressortir de manière morbide. Sa chevelure jusque là si brillante et soyeuse, était terne et emmêlée.

-Je t'en supplie...Karmen, je suis désolé. Je t'en prie, donne moi un signe, n'importe quoi...sanglota le souverain à genoux.

Ses larmes coulaient sans aucune retenue le long de ses joues, brouillant sa vue. D'un geste rageur, il les essuya, et reposa avec douceur la tête de la jeune femme sur ses genoux, veillant à ce que l'atèle métallique ne la gêne pas. Ses épaules massives se secouaient à chaque inspiration qu'il prenait, alors que son masque dur et impassible se fissurait de part en part. Ça en était trop à supporter.

Au même moment, des bruits de pas se firent entendre derrière lui. Logan fit irruption dans la cellule, accompagné de Mona. Nicholas se retourna et la reconnue grâce à la description détaillée que Karmen lui en avait fait une fois. En pleurs, la jeune infirmière porta la main contre sa bouche lorsqu'elle aperçu son amie inconsciente au sol.

Nicholas décala la tête de Karmen et se releva. Mais Mona fondit sur lui, les poings levés : elle se mit à le matraquer de coups, hurlant à s'en casser les cordes vocales :

-Espèce de con ! Tu l'as laissée moisir ici et maintenant tu viens pleurer ?! Tu ne ressent la culpabilité que quand ça t'arrange !

Conscient de la vérité présente dans ses dires, le roi la laissa le frapper et ne réagi pas, encaissant les coups. Folle de rage, Mona continua de faire pleuvoir des coups sans aucune retenue.

-Elle crevait d'amour pour toi sale égoïste ! Elle a tout fait pour te protéger, même se mettre en danger ! Il n'y a vraiment que toi qui ne voit pas les choses telles qu'elles sont !!

Logan se décida à intervenir lorsque Mona gifla le souverain à la volée. Il attrapa son bras par derrière et la força à reculer.

-Ça suffit Mona...Le temps des reproches viendra plus tard.

-Je vais le...

-Tu n'es pas là pour lui. Il faut que tu soignes Karmen. Lui rappela son amant.

Coyle parut se réveiller à ces mots : il darda un regard angoissé sur son ami et réagit au quart de tour.

-On ne peut pas lui prodiguer des soins ici ! Il faut la monter à l'étage, et amener...

-Nick c'est impossible, soit lucide. Le coupa durement Logan.

-Mais les conditions d'hygiène ne sont pas réunies pour...

-A qui la faute ! Hurla Mona en se retournant, agenouillée auprès de son amie.

-Vu l'état de ses blessures, reprit Logan plus calmement que sa compagne, la déplacer reviendrait à la tuer.

Les derniers mots lui firent l'effet d'une douche froide. Alors on en était vraiment arrivés là : la vie de Karmen était en jeu. Complètement par sa faute. Le roi tourna la tête vers la meilleure amie de Karmen, et les yeux embués de larmes, la supplia :

-Je te ferais parvenir tout ce dont tu auras besoin ; je t'en supplie, garde la en vie. Ramène la moi.

-Je vais tout tenter pour la sauver sombre idiot, mais certainement pas pour qu'elle te revienne. Elle doit rester loin de toi, tu lui as fait trop de mal ! Cracha Mona en examinant les plaies qui couvraient le dos de son amie.

Serrant les lèvres pour retenir un sanglot, Nicholas acquiesça, incapable de prononcer le moindre mot. Mona avait raison : si Karmen s'en sortait, la meilleure place pour elle serait la plus loin de lui possible.

-Elle ne va pas tarder à trembler à cause de la fièvre : j'ai besoin d'une bassine d'eau froide, d'un linge propre et d'onguents pour ses plaies. Elles sont pleines de pus, il faut donc de l'eau chaude pour désinfecter les instruments que je vais utiliser pour s'en faire écouler le liquide infectieux.

-Je te fais parvenir ça tout de suite, répondit immédiatement Logan.

Tremblant, Coyle le remercia d'un hochement de tête mais garda les yeux rivés sur le corps de Karmen. Elle était devenue si maigre... Penchée au dessus d'elle, Mona palpait délicatement chacune de ses plaies. Son dos ne pouvait même plus être appelé tel quel. C'était une chose horrible à regarder, il n'y avait rien de pire que le corps mutilé d'un être aimé.

***

Coyle se laissa glisser le long du mur. Cela faisait de longues heures que Mona soignait avec parcimonie chaque plaie du dos de Karmen.

-Tu devrais aller te reposer. Lâcha-t-il.

-Ne me dis pas ce que je dois faire. Lui répondit sèchement la jeune infirmière.

-Tu devrais quand même. Je peux prendre le relais.

-Tu n'es pas roi dans ce cachot, juste un spectateur.

-Et c'est ça qui me tue. Je t'en prie, laisse moi prendre le relais....(sa voix se brisa) Je ne la laisserait aller nulle part. Je t'en fais la promesse.

Mona sentit la détresse dans la voix de l'homme derrière elle, et capitula. Elle se releva, et lui désigna la bassine d'eau froide posée au sol :

-Je veux que tu éponges son front et sa nuque sans relâche. Il faut à tout prix faire baisser sa température.

Coyle acquiesça précipitamment et se rapprocha de Karmen sans attendre. Dans son dos, Mona quitta le cachot, s'arrêtant sur le seuil pour regarder le roi agenouillé auprès de son grand amour, déchiré. Et même si cette vision lui broya le cœur, elle ne put retenir le ressentiment qui montait en elle. Après tout ce qu'il lui avait infligé, il revenait seulement maintenant...Et si jamais il s'avérait que c'était trop tard ? Mona savait qu'elle serait capable de n'importe quoi. Elle tourna enfin les talons et partit.

Dans la cellule, Coyle réajusta les couvertures sous la tête de la jeune femme, et vérifia les bords du lit qu'ils avaient constitué avec des coussins et des grosses couvertures : ce n'était pas grand-chose mais c'était mieux que rien. Si elle ne pouvait pas aller dans un endroit plus confortable, le confort viendrait à elle. Il plongea le linge dans la bassine, l'essora et le passa sur le front de la jeune femme. Ses lèvres tremblaient, et parfois sa main tressautait sur son ventre. Au moindre mouvement, Coyle fixait ses paupières dans l'espoir qu'elles souvent sur ces yeux verts qu'il aimait tant. Mais les yeux ne se montraient pas, et les paupières restaient closes.

Broyé de l'intérieur, le souverain passa le linge mouillé avec tendresse sur le reste de son visage, et se mit à murmurer par réflexe. Pour ne pas la réveiller. Quelle ironie.

-La première fois que je t'ai aperçue, c'était lors d'une exécution en pleine ville, où l'on m'avait forcé à aller. Logan l'avait fait. Il disait que je devais montrer ma présence même ça me répugnait. J'y étais allé.

Il passa le linge sur ses paupières. Et continua.

-D'habitude, je reste dans mon palanquin, porté par ces pauvres gens qui se rompent le dos sous mon poids. Et je ne regarde pas. Mais cette fois-ci, une vieille dame condamnée s'est mise à hurler. J'ai jeté un œil sans réfléchir. Et j'ai tout vu. Je t'ai vue. Jeter ce couteau, avec un si joli lancer ! Une courbe parfaite. Puis tu t'es enfuie.

Il fit glisser la compresse humide le long de son cou, où palpitait la carotide, seul signe de vie apparent de tout son corps.

-Je t'ai ré aperçue au tribunal par hasard, deux fois. J'ai déploré le fait que tu te sois faite prendre mais je dois avouer que je n'y ai pas prêté beaucoup d'attention tout de suite.

Parler ainsi le soulageait, même s'il n'avait aucune assurance qu'elle ne l'entende. Il ne lui avait jamais dit comment il s'était retrouvé dans ce cachot ce soir là, à ce moment précis.

-Puis un jour, Logan m'a raconté des anecdotes de sa journée. Et notamment de cette fois où il avait trouvé une jeune prisonnière seule, enfermée dans une salle de torture avec un soldat. Il était intervenu cette fois-ci, tu te souviens ? Il avait évoqué tes yeux verts. Je ne sais pas pourquoi j'ai fait le lien, mais c'était le seul détail notable qui m'a fait repenser à cette jeune femme brune que j'avais vue pendant l'exécution.

Il sourit seul en repensant à la manière dont il avait serré le poing de satisfaction, lorsque ce jour là, il avait vue la jeune femme filer entre les doigts de ses soldats. Il aurait dû être furieux de leur incompétence, mais tout ce qui avait retenu son attention c'était qu'une justice extérieure s'était imposée à cet instant. Sans que personne n'y puisse rien.

-J'ai mis des jours à me décider, puis je suis descendu aux cachots. J'étais curieux j'imagine, de revoir cette jeune femme impétueuse sortie de nulle part. Mais tout s'est déroulé très différemment de ce que j'avais prévu. Je t'ai trouvée ce soir là, et la suite tu la connais.

Nicholas souhaitait tellement que la jeune femme puisse l'entendre. Il aurait aimé crier tout ce qu'elle lui avait apporté de bon, mais le souvenir de leur dispute avant qu'il ne la fasse enfermer le retenait. Pourquoi avait-elle dit toutes ces choses ? Mentait-elle ? Était-ce la vérité ? Comment savoir ?

Soudain, la jeune femme tourna violemment la tête sur le côté. Comme pour fuir le linge humide posé alors sur son front. En état d'alerte, Coyle guetta le moindre signe de réveil, mais plus rien pendant quelques instants. Et puis... Elle se mit à crier en se tordant dans tous les sens :

-Non !! Lâchez-les !

Elle agita son bras dans le vide, comme pour combattre un ennemi invisible. Elle poussa un cri, et se mit à pleurer dans son sommeil. Elle murmurait à présent une litanie incompréhensible en roulant la tête de droite à gauche.

-Karmen ! Calme toi ! Ce n'est pas réel...lui insuffla Coyle à l'oreille.

Mais la jeune femme continua de baragouiner des mots sans queue ni tête, parmi lesquels ressortirent deux mots distincts, qui revenaient incessamment :

-Papa...Maman.

Sonné, le souverain comprit que le pire était en train de se produire. Le corps de Karmen lâchait, et elle était en train d'halluciner. Elle revivait la mort de ses parents, le jour où ils avaient été assassinés.

Et ainsi, elle utilisait toute l'énergie qui lui restait...Pour se battre contre des fantômes. Mais en utilisant ainsi cette énergie, comme allait-elle trouver la force de survivre ?

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