64- Le prix fort
Un trou béant s'était ouvert dans les lattes de bois du mur. Touché. S'il s'étonna de ne jamais avoir vu de passage aussi grand, le souverain ne se laissa pas distraire et s'enfonça sans aucune hésitation dans l'obscurité qui lui tendait les bras. Étienne, attends moi bien sagement j'arrive.
Se repérant dans le pénombre à l'aide de ses bras, il se laissa glisser dans les dédales obscures du palais. Il ne fut confronté à aucune intersection, bien heureusement pour lui : rebrousser chemin lui aurait fait perdre un temps précieux qu'il ne possédait pas.
Au bout d'un certain temps, une ouverture se présenta à lui. Inspirant profondément, il poussa le panneau délicatement, prêt à le retenir s'il venait à tomber. Mais le panneau ne tomba pas, et lui révéla même la vision la plus prometteuse de cette invasion jusque là : il était arrivé dans l'antichambre même de la salle du trône. Vide.
Nicholas laissa échapper un soupir de soulagement, et referma le panneau derrière lui. Il alla coller son oreille contre la double porte qui le séparait très certainement du roi Étienne, et retint sa respiration. Au début, il ne distingua aucun son, mais au bout d'un moment des bruits indéfinissables lui parvinrent. Il y avait des personnes dans cette salle. C'était certain.
Il ne disposait pas du luxe qu'était l'effet de surprise, à peine entré il aurait le droit à un escadron de gardes surentraînés pour l'accueillir. Il sera le col de son veston, et regretta une bonne vieille armure. Lourde, mais pratique pour éviter de finir transpercé de part en part tout de même. Il allait devoir se contenter de son épée et de ses deux poignards, accompagnés si possible de la bénédiction des dieux.
Il plaça ses deux mains sur les poignées de la porte lentement, et poussa d'un coup les battants. Ces derniers partirent s'écraser contre le mur dans un grand fracas, tandis que Nicholas rentrait dans la salle du trône, l'épée tenue à deux mains contre son torse.
Ses yeux vifs balayèrent l'espace en un instant, pendant que des cris mêlés à des cliquetis d'épées sortaient d'ici et de là. Une dizaine de gardes armés se dirigeaient déjà vers lui, et une tête blonde familière se tenait au fond de la salle, debout à côté du trône.
-Étienne ! Viens voir un peu que je sépare ta tête immonde de ton corps ! Je vais lui offrir un petit tour de la ville !! hurla Nicholas en évitant habilement le premier garde qui était déjà à sa hauteur.
Il planta son épée dans le dos de son adversaire et avança vers le suivant. Du coin de l'œil, il vit Étienne contourner son trône pour se placer derrière deux de ses gardes. Puisqu'il ne pouvait compter sur la coopération de personne...
-Tant pis pour vous ! Grogna-t-il en abattant son deuxième adversaire d'un coup redoutable sur le bord de la nuque.
Un éclat d'acier inattendu le frôla au niveau du visage, ouvrant une légère plaie juste en dessous de son œil. Il s'arc-bouta en arrière pour éviter la hache filante sortie de nulle part – il aurait juré que personne n'avait de hache en entrant pourtant ! – et répliqua aussi sec avec un croche patte qui lui permit de prendre un peu de distance. Son adversaire s'écrasa au sol, et alourdi par le point de son armure, ne parvint pas à éviter le talon de Nicholas qui lui brisa le nez.
Le souverain émit un rire sarcastique en se rendant compte qu'il avait appliqué une botte enfantine, qu'il n'avait pas utilisée depuis des années. Mais l'aspect enfantin de cette parade lui avait fait oublier sa suite logique : tuer et non pas blesser comme lorsqu'on a 10 ans et une épée en bois.
-Désolé, petit saut dans le temps. Déclara-t-il en haussant les sourcils à l'attention de son adversaire à terre.
L'autre ne parut pas comprendre, mais il n'eut pas le loisir de se poser plus de question : Nicholas arma son bras et l'acheva tout aussi sec. Il était euphorique, rempli d'énergie, et beaucoup trop bavard d'ailleurs, bien plus qu'il ne l'avait été ces 10 dernières années.
Il ne lui restait plus que 8 hommes à éliminer, dont deux qui étaient restés auprès de Étienne, piégé dans sa propre salle du trône. Leurs regards se croisèrent un bref instant, et Nicholas s'autorisa un sourire provocateur avant de continuer son élimination sans pitié.
Trois soldats arrivèrent sur lui en courant, armés de longs poignards à pointe recourbée. Typique des mercenaires. Coyle remonta sa garde et sortit à son tour un poignard de sa ceinture. Il le lança d'un geste habile et parfaitement maîtrisé, et son arme alla se planter droit dans le sternum d'un des hommes. Plus que deux.
D'une roulade vive il évita leur première attaque, et plongea pour récupérer son poignard fiché dans le cadavre à quelques mètres devant lui. Il se retourna juste à temps pour contrer une seconde attaque, menée simultanément par les deux hommes. Mais ils étaient tellement forts qu'à deux ils arrivèrent à le faire reculer. Coincé et sur le point de se faire mettre au sol, le roi n'eut pas d'autre choix, il lâcha son épée et se jeta sur le côté.
Déséquilibrés, les deux hommes tombèrent en avant mais se rattrapèrent habilement, récupérant au passage l'épée qui leur avait été abandonné. Furieux, Coyle sortit son second poignard et avança.
-Vous n'auriez jamais dû toucher à ça bande de rats, siffla-t-il en passant à l'attaque.
Son premier coup ne trancha que du tissu, mais sa seconde lame qu'il avait adroitement lancée pendant le laps de temps où il commençait à attaquer d'une main, elle, alla se planter dans le ventre d'un des deux hommes, le plus petit. Enfin petit c'était vite dit, il arriverait facilement au garrot d'un des plus grands chevaux des écuries...
Toujours accaparé par ses pensées délirantes, Nicholas remua la lame dans la plaie presque machinalement avant de la remonter d'un coup sec contre le sternum. Une hémorragie monstrueuse se déclencha alors, mais il n'eut pas le temps de voir les yeux de son adversaire se vider de la vie puisque son troisième adversaire était déjà devant lui. Il récupéra son poignard et jeta un coup d'œil à l'épée qui lui avait été dérobé, que le troisième mercenaire tenait d'une main.
-Vous savez quel est le cliché de l'enfant roi qui est en fait une réalité ? Lança-t-il sur le ton de la conversation.
Aucune réponse. L'autre arma son bras qui tenait le poignard, mais Coyle fut plus rapide, et en quelques coups, le délesta de son poignard. L'autre tenta bien d'utiliser l'épée qui restait à sa disposition, mais que voulez-vous bien faire d'une arme qui pèse trois fois le poids des poignards que vous avez l'habitude de manier ?
Nicholas porta un coup sur la main qui tenait l'épée, forçant l'homme à la lâcher. Il saisit brutalement l'autre par le cou, et approcha son visage si proche du sien qu'il pouvait décrire l'iris de ses yeux.
-On déteste lorsqu'on prend nos affaires...chuchota-t-il pour répondre à sa propre question.
Sur ces mots, il planta d'un coup sec la lame qu'il tenait dans la gorge de l'autre, entre les deux omoplates. Sa propre soif de sang le surprit, mais il ne s'attarda pas dessus. Il lui restait 3 autres hommes à s'occuper. Mais heureusement pour lui, il s'avéra que ceux-là étaient encore moins doués que les précédents : les mercenaires avaient dû s'élancer avant dans l'espoir d'arriver à l'éliminer...
Il se débarrassa sans peine des trois incapables, et leva un regard empli de haine vers le trône : Étienne se tenait derrière ses larbins, et était en train de les pousser en avant.
-Mais allez-y ! Défendez votre roi ! Vous serez récompensé, couverts d'or ! Criait-il.
-Piètre récompense qu'est la mort...constata Nicholas à haute voix.
Mais il n'avait plus de temps à perdre avec les sous-fifres d'un roi trop lâche pour se battre lui-même. Il renfila son épée dans son fourreau en priant pour que le sang dessus ne colle pas trop pendant la minute dont il allait avoir besoin pour tuer ces deux derniers hommes.
Il empoigna fermement ses deux poignards, et croisa les bras sur sa poitrine. Il continua d'avancer encore un peu, et lorsqu'il fut à la distance idéale, projeta ses armes de toutes ses forces droit devant lui. Il visa d'instinct, sans regarder un adversaire en particulier. L'acier se ficha à l'endroit même où il l'avait prévu : les deux corps s'écrasèrent par terre simultanément, quelques mètres devant Nicholas.
Il continua d'avancer sans s'arrêter, et s'agenouilla au niveau des cadavres pour récupérer ses poignards, pour les glisser dans sa ceinture sous son veston. Il dégaina à nouveau son épée, qui, heureusement, vint sans trop de difficulté. Le sang poisseux sur la lame lui donnait un aspect cuivré presque effrayant ! Toujours à côté de son trône, Étienne le regardait arriver, figé. Désireux de le faire angoisser encore un plus, Nicholas cria :
-Eh ! Tu sais que pour se défendre une arme c'est tout de même conseillé non ?
Semblant réaliser qu'il n'était pas en condition pour se battre, Étienne se pencha en avant et ramassa une épée au sol. A la manière dont il la tenait, on sentait que ce n'était pas la sienne. Nicholas comprit alors que le souverain adverse ne pensait pas à avoir à se battre aujourd'hui. Il comptait intégralement sur sa garde rapprochée pour éliminer tout adversaire. Raté. Eux n'étaient plus là, et Nicholas tenait encore debout, bien déterminé à le tuer.
Du sang chaud coulait de sa blessure juste en dessous de l'œil, maculant sa joue comme si l'on en avait arraché la peau. Il essuya le résidu qui n'avait pas encore séché du bout du doigt et s'empara de son épée à deux mains.
-Si je viens te chercher tu n'auras aucune chance. Viens te battre dignement au moins ! Lança-t-il.
-Imbécile, tu penses vraiment remporter ce combat ? Nous avons été entraînés de la même manière.
Nicholas leva les yeux au ciel avant de répondre :
-Cause toujours tu m'intéresses. Tu as cessé de t'entraîner il y a des années, ne te voile pas la face !
-Je ne crois pas être celui qui me voila la face, riposta Étienne en descendant les marches menant au trône. Tu es aveuglé par la colère et tu es persuadé de ta victoire.
Nicholas abaissa son épée contre sa cuisse en éclata de rire.
-Oh vraiment ! N'ai-je pas décimé tes villages un à un ? N'ai-je pas forcé l'entrée de ta capitale sans la moindre difficulté ? Dis moi !
Il ne pensait pas réellement ses mots, il n'avait aucune fierté pour ces actes, mais les évoquer lui assurait la perte de confiance de Étienne. Il voulait qu'il se sente seul, démuni et condamné.
-Ce n'était que des incapables, tu ne me vaincras pas aussi aisément. Cracha son adversaire.
-Un roi qui n'estime pas son peuple est faible et ignorant.
Sur ces mots, il releva son arme et s'élança à l'encontre de son adversaire, l'ensemble de ses muscles gainés à leur paroxysme. Il porta les premiers coups dans le but de mesure la force de résistance de Étienne. Passable mais pas terrible.
Ce dernier grognait sous l'effort, et tout ce qu'il ressentait se lisait sur son visage crispé. Trop facile à décrypter. Nicholas entrevit des vestiges d'un entraînement semblable au sien en effet, mais pas de quoi l'inquiéter. Concentré, il réussit à le toucher sévèrement plusieurs fois, tailladant sa chair de toutes parts. Il porta un coup terrible en direction de sa cuisse, mais fut paré contre toute attente.
Emporté dans son élan comme un débutant, il se détourna et fit quelques pas en arrière pour se mettre hors d'attente quelques secondes. Légèrement fléchi sur ses jambes, il raffermit sa prise sur le pommeau de son épée quand il vit Étienne faire un signe de tête en regardant derrière Nicholas.
Se maudissant par sa stupidité, il se jeta sur le côté à l'aveugle, mais il était trop tard. La lance que tenait le onzième garde qu'il n'avait pas vu derrière lui transperça sa cuisse par l'arrière de part en part. Hurlant de douleur, il lâcha son arme et pressa ses mains contre sa blessure et resta allongé sur le côté. Vaincu. J'ai été vaincu par derrière !
La lame aiguisée de l'arme ressortait de l'autre côté de sa jambe, sanguinolente à souhait. La douleur était insoutenable, elle irradiait tout son être comme un feu brûlant prêt à le dévorer de l'intérieur. Le poids du manche de l'arme la tirait vers l'arrière agrandissant la blessure un peu plus à chaque tressautement.
Il ne pouvait pas laisser Étienne gagner. C'était impossible. Pas comme ça ! Son adversaire approcha de lui, et s'agenouilla à sa hauteur de manière à le regarder bien en face.
-Qu'est-ce que je disais ?
Nicholas dut faire un immense effort pour desserrer les lèvres afin de faire autre chose que de hurler. Un goût amer de sang lui emplissait la bouche à force de s'être mordu pour essayer de canaliser la douleur.
-Tu n'es...Qu'un lâche.
-Non non, point du tout. Je suis seulement plus futé. Sourit le traître.
-Avoir recours à quelqu'un d'autre pour mettre à terre un homme n'es pas de l'intelligence imbécile...C'est...avoir de l'argent.
-Comment oses-tu...
-Sans argent aucun de ces hommes ne se seraient battus pour toi. Ils ne t'aiment pas.
-Tss en parlant d'amour, qu'en est-il de ta chère Karmen ? N'a-t-elle rien dit que tu partes en guerre contre moi ? Cela m'étonne d'elle, elle est si...Chaude quand elle est en colère ! Susurra Étienne.
Nicholas eut envie de vomir. Il n'avait jamais pensé qu'il oserait parler d'elle. Accumulé à sa douleur terrible, ça faisait beaucoup à supporter. Grognant de douleur, il tourna le visage contre le sol tandis que Étienne se relevait.
-Quand j'en aurais fini avec toi, reprit ce dernier, je me ferais peut-être le luxe du lui rendre une petite visite, qu'en penses-tu ?
Nicholas vit rouge. Imaginer ce porc poser ses mains sales sur Karmen lui était encore plus insupportable que cette lance qui était en train de le saigner lentement, jusqu'à ce que sa peau devienne blanche puis bleue. Dans un élan de colère mêlée à de la jalousie, il se redressa à la force de son bras et coinça le manche de la lance entre ses mollets. Puis il étira ses jambes. De toutes ses forces. L'acier sortit d'un coup de sa cuisse, lui arrachant un cri à peine humain.
Étienne se retourna vivement, surpris de l'entendre encore. Mais Nicholas était déjà en train de sortir ses deux poignards, prêt à les lancer sur le dernier garde qui l'avait vu faire, mais trop tard. Les deux lames se plantèrent dans son torse dans un bruit mat. L'homme s'écroula dans un hoquet de surprise qui mourut dans un gargouillement inhumain.
Quand Nicholas se retourna vers Étienne, toujours à terre, il vit le visage de ce dernier se décomposer pour se muer en une façade blanche décrivant parfaitement un sentiment bien connu : la peur, pure et simple. Dans un effort surhumain, il se remit sur ses pieds, boitillant. Sa jambe blessée était raide, mais l'autre devait lui permettre d'arriver au moins jusqu'à sa proie.
-Mais regarde toi ! Tu es dans un état lamentable et tu gardes encore l'espoir ! Ricana Étienne pour se donner contenance.
-J'avais promis à ta tête un petit tour de la ville souviens toi....
-Que veux-tu faire ainsi désarmé? Hein ?!
Nicholas grimaça, et plongea la main derrière son dos. Il la ressortit, tenant fermement deux minuscules éclats de métal incurvés, aiguisés comme des rasoirs, invisibles pour Étienne de là où il était. C'était des armes utilisées en général par les assassins, avec lesquelles il ne s'était jamais entraîné. Mais ça, son adversaire ne le savait pas.
D'un geste fluide, il lança les deux en même temps. Il pensa très fort à Logan, priant pour que les lamelles aillent bien se planter là où il le voulait. Étienne avait agrandi les yeux en voyant Nicholas lancer son bras dans le vide, et ce fut sa grande erreur. Il s'effondra au sol en se tenant le visage à deux mains, hurlant à la mort. Nicholas arriva à lui, et le surplomba de toute sa hauteur, sans une once de pitié. Ses minuscules pétales de métal avaient crevé les yeux de Étienne, à la manière dont Logan avait perdu son œil droit.
-C'est pour l'embuscade où tu as envoyé cette mini-mercenaire dans le but de tuer mes généraux. Mon meilleur ami y a perdu un œil, je suis sûr que tu le rencontreras sur ton chemin vers la mort. L'œil j'entends.
Les mains crispés sur l'emplacement où se trouvaient ses yeux, Étienne grinça :
-Je n'ai jamais fait une telle chose ! JAMAIS ! J'ignore tout de ça !
Nicholas tiqua mais ne posa pas plus de questions. Dans l'état où il était, difficile de mentir. Mais dans ce cas, qui commandait ces hommes étranges qui les avaient attaqués cette nuit là ?
-Peu importe. Tu es responsable du malheur d'un trop grand nombre de gens. Tout ça s'arrête ici pour toi, aujourd'hui. Tu ne nuiras plus à personne là où je vais t'envoyer.
-Non ! Non pitié, je ne veux pas mourir comme ça ! Je suis un roi !!
-Tu ne peux pas mourir comme un roi, tu ne l'as jamais été. Déclara froidement Nicholas.
Étienne tenta encore de le supplier, mais le souverain n'entendait plus. Il avait levé son épée droit au dessus de sa tête, visant l'endroit où il allait l'abaisser prochainement. Il n'avait jamais autant voulu tuer quelqu'un, de toute sa vie.
-Dis bonjour aux dieux des enfers pour moi.
Et il abaissa l'épée de toutes ses forces, droit sur la trachée de Étienne. Il refit la même opération plusieurs fois, avant d'arriver au résultat souhaité. Lorsque ce dernier se présenta enfin, il se pencha en appui son épée, et récupéra la tête par les cheveux pour la soulever à bout de bras. Il la regarda droit dans les yeux – ou plutôt droit dans les globes oculaires maintenant – et sourit.
-Je t'avais promis un petit tour de la ville. Allons-y.
Pas content le petit.
Vos ressentis sur le chapitre?
La blessure de Nicholas?
Son retour chez lui?
Xoxo
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