54- Liens familiaux

Lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle ne comprit pas. Quelques instants plus tôt elle fixait le mur de la salle de bain et à présent elle avait face à elle le plafond de la chambre. Que s'était-il passé ?! Elle tenta de se redresser mais un violent mal de crâne la força à se rallonger.

Impossible de voir si elle se trouvait seule dans la chambre, mais l'absence de bruit semblait indiquer que c'était bien le cas. Elle se passa une main sur le front, et sentit une croûte rêche contre sa paume. Appuyant légèrement dessus, elle supposa qu'elle avait dû se cogner en tombant et qu'elle avait tapé trop fort.

Mais où était Coyle ? Comment avait-elle pu sortir de la salle d'eau si elle avait verrouillée derrière elle ? Déterminée à ne pas rester alitée pour si peu, elle se redressa tant bien que mal et retourna à la salle de bain en s'appuyant contre les meubles pour ne pas tomber.

Elle allait y entrer lorsqu'un détail attira son attention : un trou DANS le bois de la porte. De la taille de sa main. Et de l'autre côté, la poignée semblait avoir été arrachée et gisait au sol. Ah oui quand même...

-Mais qu'est-ce que tu fais debout retourne te coucher ! Gronda une voix derrière elle.

Elle ne se retourna même pas, sûre de qui il s'agissait.

-Tu m'avais caché ton amour pour trouer des portes à coups de poings... lança-t-elle en ignorant la réprimande de Coyle.

Il apparut dans son champs de vision, l'air furieux. Il l'attrapa par les épaules et la força à retourner dans le lit d'un air sévère.

-Je ne peux pas en dire autant de ton talent pour te cogner n'importe où et n'importe quand...maugréa-t-il en l'allongeant de force.

-Comme si j'y pouvais quelque chose.

-Tu es quand même partie comme une furie pour t'enfermer seule là-bas! S'écria-t-il en haussant le ton.

Il était vraiment énervé. Et la jeune femme ne se sentait pas de repenser à ce qui l'avait mise dans un état pareil, c'était trop dur pour le moment. Elle comprenait qu'il se soit inquiété – la pauvre porte en témoignait – mais pour l'instant elle devait se reposer. Juste se reposer.

-Je veux dormir. Lâcha-t-elle.

-Très bien.

Le même ton qu'elle. Voilà qui promettait. Sauf qu'au lieu de quitter la chambre comme elle l'avait prévu, il partit s'asseoir sur le divan près de la bibliothèque. Il lui tourna le dos et attrapa une liasse de papiers qui traînait, pour se plonger dedans comme s'il avait été seul.

Vexée d'être ignorée de la sorte, Karmen refoula son envie de disparaître sous la couette et se rassit sur les draps. De là où il était, Coyle n'avait pas pu remarquer son changement de position, seulement elle ne le vit même pas frémir lorsqu'elle prit la parole.

-J'ai paniqué. Je n'ai pensé à rien d'autre que de m'éloigner le plus possible pour que tu ne me vois pas craquer.

Il ne répondit pas. Elle souffla de mécontentement et essaya de faire un effort.

-Coyle je veux vraiment que tu cesses de me voir comme la pauvre fille malheureuse que tu as recueillie en miettes. C'est...

-C'est comme oublier une partie de toi Karmen. Tu as été cette femme, et je sais parfaitement que tu ne l'es plus. La coupa-t-il.

-Mais j'ai l'impression que tu...

-...te confonds avec celle que tu étais ? La compléta-t-il en se retournant enfin.

La gorge nouée, la jeune femme acquiesça sans parvenir à parler. Il avait raison, elle ne l'aurait pas dit mieux. Après tout, s'il voyait aussi clairement en elle, peut-être avait-elle tord de s'en faire à ce propos ?

-Je pense qu'à présent, nous arrivons à séparer les bonnes choses Karmen. Nous sommes adultes.

En fait, en ce moment même, elle avait plus l'impression d'être une enfant sermonnée par son père. Mais passons. Elle devait encore lui expliquer pas mal de choses...

-Je dois te montrer quelque chose. Annonça-t-elle.

Elle chercha à se lever, tandis que Coyle se levait d'un bond pour venir l'aider. Mais elle repoussa sa main d'un air agacé.

-Je peux me débrouiller, laisse moi.

Coucou c'est moi, ton amie la fierté, lui souffla sa conscience. Abrutie. Mais Coyle ne s'en formalisa pas puisqu'il recula sans un mot. Péniblement, mais sans tomber, la jeune femme accéda au bureau. D'une main tremblante, elle se saisit d'une plume et tira un parchemin vers elle.

Debout derrière elle, Coyle se tenait raide comme un piquet, attendant la suite. Très peu sûre d'elle sur ce coup là, la jeune femme hésita encore un instant : devait-elle vraiment lui dévoiler ce qu'elle pensait avoir compris la veille ?

-Karmen ?

-Je...Une seconde.

La main suspendue au dessus de la feuille, elle vérifia une énième fois dans sa tête que sa théorie collait. Ce qui était malheureusement le cas. Elle abaissa sa main et traça d'une écriture fine un mot. Un prénom et un nom plus exactement.

Karmen Oligan.

Ainsi couchés sur le papier ces deux mots allaient à eux seuls chambouler beaucoup de choses. Mais elle ne pouvait ignorer ce qu'elle ressentait au plus profond d'elle même. Certaines choses devaient parfois être déterrées pour avoir une sépulture digne de ce nom.

Elle revint à la ligne, et lentement, écrivit un deuxième nom en dessous du sien.

Nagilo.

Sa main tremblait, mais elle se força à relier les lettres entre elles d'un trait fin, pour que Coyle puisse enfin voir ce qu'elle avait immédiatement senti.

Oligan. Nagilo. Oligan . Nagilo.

La coïncidence était parfaite. Trop parfaite pour être imaginaire ou pur produit de son imagination. Une larme au coin de l'œil, elle se redressa pour regarder Coyle dans les yeux, qui, immobile, se contentait de relire encore et encore les quelques mots tracés sur la feuille.

-Anna était le nom de ma mère. Mon père s'appelait Rodric.

Le visage fermé et la mâchoire serrée, son expression ne laissait transparaître aucune émotion. Elle savait qu'il avait compris, c'était un homme intelligent. Mais de là à imaginer sa réaction ? Elle en aurait été incapable. Il était trop imprévisible.

Elle attendit, anxieuse, qu'il déclare enfin quelque chose. Elle imaginait très bien qu'il réfléchissait à toute allure à un tas de choses différentes, mais la pression montait un peu plus à chaque seconde, et l'attente était insupportable.

-Tu es sûre ? Déclara-t-il enfin.

-Oui. Trop de choses coïncident.

-Assieds-toi, on va les lister ensemble, j'ai besoin d'un maximum d'éléments. Murmura-t-il sans la regarder.

Elle obtempéra, mais elle tenait à éclaircir quelque chose avant.

-Coyle ? Tout va bien. J'étais chamboulée sur le moment, mais c'était il y a longtemps, ce ne sont plus que des cauchemars. J'arriverais à gérer, mais j'ai besoin de toi. Je ne t'en veux pas d'avoir déterré ça. C'est important pour moi, plus que tu ne le crois.

-C'était tes parents Karmen. Tout porte à le croire.

-Je sais. Et ça remet en question la moitié de mon existence. Mais je n'ai plus le choix, je dois aller au bout à tout prix, tu dois me dire tout ce que tu as appris.

-Asseyons-nous.

L'air toujours absent mais un peu plus rassuré, il tira une seconde chaise et prit place à ses côtés. Il parut réfléchir puis se lança.

-Il y a deux semaines, juste après ce...bal, j'ai trouvé ce dossier (il désigna l'épais volume) aux archives. Je l'ai survolé mais des incohérences ont attiré mon attention alors je l'ai rapporté pour l'étudier plus sérieusement.

-Je veux l'étudier avec toi à partir de maintenant.

-Je ne t'en empêcherai pas. Mais Karmen, ce que tu pourrais apprendre pourrait te détruire.

-Je ne crois pas. Cette histoire m'a détruite une bonne fois pour toute le jour où j'ai vu mes parents se faire assassiner et sentit leur sang ruisseler sur moi. Depuis rien ne peut être pire.

-Tu...tu as quoi ?

Elle baissa les yeux sur ses mains qu'elle tordait l'une contre l'autre depuis qu'elle s'était assise. Avouer son passé était une chose, le faire avec l'homme qu'elle aimait en était une autre. Mais elle devait se montrer forte, elle avait affirmé l'être.

-J'étais présente ce jour là. Peut-être que ça pourrait aider.

-Sûrement, si tu te sens tu pourrais me décrire ce que tu as vu, ça fera des éléments en plus. C'est important. (il attrapa le volume et le lui tendit) J'aimerai vraiment que tu te reposes, tu as pris un violent coup sur la tête, profites en pour lire un peu tout ça.

-C'est d'accord.

Coyle se releva et déposa le dossier au bout du lit en quelques enjambés. Il revint ensuite vers la jeune femme, et déposa un rapide baiser sur son front avant de l'aider à se relever à son tour. Elle ne protesta pas, trop fatiguée pour entrer dans un autre combat ce soir. Après s'être assuré qu'elle était bien installée, il s'assit à côté d'elle sur le bord du lit et caressa ses cheveux d'un air préoccupé.

-Est-ce que ça va ? S'enquit la jeune femme.

-Tout va bien. Repose toi.

-Reste...

Elle savait qu'avant il serait parti de la chambre, mais là elle sentait que seule, elle allait broyer du noir. Avec lui à ses côtés, peut-être que ce serait plus facile... Heureusement, il parut le comprendre puisqu'il retira ses chaussures et sa veste pour venir la rejoindre. Il passa un bras derrière sa tête et continua à jouer avec ses cheveux, jusqu'à ce qu'elle s'endorme.

Seulement, lui, ne dormit pas. Il garda les yeux grands ouvert, et fixa le plafond avec une seule idée en tête : pourquoi avait-il fallu qu'il tombe sur CE putain de dossier, celui qui traitait du meurtre des parents de la jeune femme ?! Comment une telle chose était-elle possible ?

***

Karmen se frotta les yeux, fatiguée à force de lire. Voilà une semaine que tout avait changé. Depuis le départ de la délégation du royaume de Mélandres, elle bossait nuit et jour sur le dossier que lui avait confié Coyle. Absent la plupart du temps, il ne lui était pas d'une grande aide.

Mais après tout, lui avait déjà lu et relu le dossier, il fallait d'abord qu'elle en prenne connaissance pour qu'ils puissent avancer ensemble comme prévu. Mais en attendant, leurs contacts se limitaient à de brefs baisers entre deux passages furtifs de Coyle à la chambre, mais c'était tout.

Elle sentait qu'elle se languissait de lui mais fort heureusement, les recherches sur ceux qu'elle supposait être ses parents l'occupaient assez pour qu'elle puisse faire abstraction de ce manque temporairement. Elle était presque sûre que cela correspondait. Ses parents avaient toujours refusé catégoriquement d'évoquer leur passé et comment ils étaient arrivés à Tosale, ce qui paraissait logique s'ils avaient fui la capitale.

Elle se sentait tiraillée entre son passé et le présent en permanence, et cela n'avait rien d'agréable. Était-ce forcément une bonne chose d'aller au bout de ces recherches ? N'allait-elle pas craquer avant ? Depuis qu'elle avait lu le faux nom qu'ils avaient pris, ses cauchemars s'étaient intensifiés et Coyle devait souvent la réveiller tellement elle se débattait en criant pendant son sommeil.

-Salut !

-Mona ! Comment tu vas ?

Son amie entra complètement dans la chambre et referma la porte derrière elle. Karmen était comblée de la voir, la dernière fois elle lui avait dit clairement de dégager, et depuis elle n'avait pas pu s'excuser. Mais apparemment, à en juger par le grand sourire de son amie, celle-ci n'avait pas l'air de beaucoup lui en vouloir.

-Bien et toi ? Sortie de la déprime ?

-Oui, à ce propos je...

-Pas la peine d'en reparler, si tu vas mieux c'est ce qui compte.

Son amie était parfaite. Juste parfaite. Parce que parfois une action valait mieux que des mots, la jeune femme délaissa son fauteuil et sauta au cou de son amie. Celle-ci lui rendit son étreinte et se détacha en riant.

-Bon en attendant, tu as beaucoup de choses à me raconter !

-Oh que oui, viens assieds-toi, ça risque de prendre un moment.

-J'espère que c'est croustillant...piailla Mona.

Karmen lui lança un regard éloquent et se mit à rire de bon cœur lorsque son amie lui fit les gros yeux. Elle osait à peine imaginer sa réaction lorsqu'elle aurait fini de parler. Elle s'assit sur le divan qu'elle avait déplacé devant la fenêtre et invita son amie à la rejoindre. Mona s'allongea, l'air plus fatiguée que d'habitude.

-Dis moi tout.

-Tu te souviens, lorsque Logan t'avais dit qu'on lui avait demandé de veiller sur moi ?

-Oui bien sûr !

-C'était son ami, Coyle qui lui avait demandé.

-Qui est-il pour toi ? Demanda immédiatement Mona.

Futée la petite. Elle avait compris avant même que Karmen ait à lui expliquer.

-Et bien...

-Je le savais !!

Mona se redressa brusquement, et s'approcha de son amie en la fixant avec de grands yeux :

-Raconte tout à tata Mona !

-Ce que tu peux être enfantine. C'était compliqué entre nous, vois-tu...

Et elle lui raconta tout. Leurs débuts chaotiques, leurs disputes, leurs rapprochements regrettés ensuite, puis pur finir cette fameuse soirée où il l'avait embrassée pour la première fois.

-Il a quoi ?! L'interrompit Mona.

-Il l'a tabassé à mort. Je te jure j'étais tétanisée. Tu aurais vu sa tête à cet abruti après...

-Cet abruti ? Je croyais que tu l'aimais bien !

-Ce n'est pas si simple...

Elle lui expliqua ensuite sa découverte aux écuries, où elle avait surpris Thomas et Liliana ensemble. L'air horrifié, Mona suivit son récit avec attention, la main plaquée sur la bouche. Elle se mit à insulter Thomas de tous les noms lorsque Karmen lui raconta ce qu'il avait proposé à Liliana vis-à-vis de Karmen.

-Quel porc, je suis tellement...Non mais oh ! S'écria-t-elle.

-Je sais...

-Je ne savais pas, je suis tellement désolée...

-Ne le sois pas, c'est du passé.

Elle continua ensuite en parlant de ses retrouvailles mouvementées avec Coyle, qui s'étaient soldées en un désastre. Revivre ce moment à travers des mots fut plus difficile que ce à quoi elle s'attendait, elle dut s'interrompre plusieurs fois avant de reprendre. Compréhensive, Mona attendit et la réconforta du mieux qu'elle put.

-Vous vous êtes bien trouvés tiens...marmonna-t-elle lorsqu'elle lui conta leurs duels endiablés.

-On parle de toi ou ça ira ? Railla Karmen.

Mona abdiqua et lui fit signe de poursuivre. Karmen continua sur sa lancée, suivant l'ordre chronologique des événements. Elle lui parla de l'incident avec Étienne, comment il s'était terminé. Lorsqu'elle évoque Julie, Mona l'interrompit :

-Je l'ai vue aux cuisines l'autre fois, elle sert les repas. Elle s'est fait des amies et elle va bien.

-Vraiment ? C'est une bonne chose, la pauvre, qui sait ce qu'elle a réellement vécu là-bas...

-On a tous notre passé...

Karmen acquiesça, et si mit à rougir en continuant son récit. Elle lui parla de ses retrouvailles avec Coyle, de la manière dont ils s'était expliqués...Elle tenta de passer rapidement sur leur nuit ensemble, mais Mona ne l'entendait pas de cette oreille.

-Vous avez quoi ?!

-Tu m'as très bien entendue.

-J'ai eu un brusque accès de surdité. Redis le ?

-Non.

-Karmen allez !

Karmen lui envoya un coussin en pleine tête pour toute réponse, et esquiva la main de son amie qui filait droit vers sa tête. En pleine crise de fou rire, elles mirent un certain temps à retrouver leur calme. Karmen essaya de retrouver le fil de ce qu'elle disait, et perdit son sourire en réalisant qu'elle arrivait à la partie concernant ses parents. Mona dut le sentir puisqu'elle posa une main sur son épaule en déclarant :

-Karmen, est-ce que tout va bien ?

-Je... J'avais presque tout oublié passé un instant. La suite est beaucoup moins bien, je te préviens.

Repartant dans ses souvenirs, elle lui décrivit les grandes lignes de son passé et ignora la réaction horrifiée de son amie, à qui elle n'avait jamais raconté tout ça. Elle enchaîna en lui racontant les découvertes de Coyle, et tout ce que cela allait impliquer pour l'avenir.

-Tu veux vraiment trouver qui a fait ça ?

-Je ne peux plus dormir, il faut que je sache.

-Et si jamais ce que tu trouves ne te satisfait pas ? Qu'est-ce que tu feras ?

-Je n'en sais rien.

Et c'était vrai. Elle allait peut-être trouver un nom, un endroit où retrouver le commanditaire, mais après ? Que pourrait-elle bien faire ? Aller le ou la tuer ? Mona avait raison. Elle pourrait se retrouver face à quelque chose dont elle ne saurait quoi faire.

Alors qu'elle était plongée dans ses pensées, la poignée de la porte grinça et Coyle entra dans la pièce, l'air exténué. Aussitôt, Mona bondit sur ses pieds et quitta la chambre en catimini, en lançant un regard lourd de sens à Karmen, qui lui sourit d'un air désabusé en retour. Pourquoi est-ce que je lui ai dit ce qu'il s'était passé entre nous déjà ? Ah oui parce qu'elle n'aurait pas de réactions exagérées « en principe ».

-Ça va ?

La voix rocailleuse de Coyle la tira de ses pensées, comme à chaque fois qu'elle s'y perdait. Elle hocha la tête d'un air distrait, mais étant donné qu'il était en train de se débarrasser de ses vêtements, elle douta qu'il l'ait vu. Elle se replongea dans la contemplation des jardins qui s'étendaient à perte de vue devant elle, fatiguée.

-Tu es plus bavarde d'habitude.

-Certainement.

Elle se rendit compte que sa réponse pouvait paraître un peu sèche, alors elle se retourna pour lui adresser un sourire rassurant. Impassible, il s'approcha d'elle et s'assit sur le divan, appuyant son dos contre le mur qui bordait la fenêtre. Il attrapa sa taille d'une de ses grandes mains et l'attira contre lui. Elle se laissa faire, savourant son odeur qui lui avait manqué.

-Tu as l'air tracassée...murmura-t-il à son oreille.

-C'est certainement toutes ces informations qui tombent sur eux...

-Tu peux arrêter à tout moment tu sais.

Karmen vit rouge. Peut-être était-ce l'accumulation de tous ce qui lui tombaient dessus en ce moment, mais elle n'en pouvait plus.

-Mais pourquoi est-ce que tout le monde s'obstine à me dire que je peux laisser tomber ? Ce ne sont pas vos parents donc ce n'est pas important c'est ça ? Ou alors vous pensez que parce qu'ils sont morts on s'en fiche car on ne les ramènera pas ?! Cria-t-elle en se dégageant de son bras protecteur.

-Absolument pas.

Très calme, il resta assis, peut-être sentit-il que ce n'était pas le moment d'entrer en conflit avec elle, ou alors peut-être s'en fichait-il. Karmen, debout face à lui, ressentit le besoin de le faire réagir, et poussa son coup d'éclat un peu plus loin.

-Je crus toute ma vie que mes parents étaient des gens honnêtes, qui étaient aimés de tout le monde, et du jour au lendemain, cette image d'eux m'est arrachée ! Je me suis toujours consolée en me disant que leur mort n'était qu'un tragique malentendu, mais non ! Apparemment quelqu'un leur voulait du mal, et ça me tue !

-Je sais.

-Mais tu t'en fous ! Tu n'imagines pas comment ça me torture de seulement imaginer qu'ils aient pu être fautifs de quelque chose ! Et de constamment me dire « et s'ils étaient les méchants dans tout ça ? » Qu'est-ce que je pourrais bien faire ? M'auto flageller ?!

-Arrête de dire de pareilles inepties ! Cria Coyle en se levant.

Il avait eu l'air vraiment énervé au moment où elle avait parlé de se flageller. Elle sentit quelque chose vriller dans son regard, lorsqu'il s'approcha d'elle avec sa démarche de fauve. La dominant de presque deux têtes, il planta son regard dans le sien d'un air sévère.

-Tu as le droit d'être en colère, de douter, d'insulter tout ce qu'il te plaira, mais pas de te rendre responsable de ce qui est arrivé ! En parlant comme ça tu poursuivras toujours le mauvais but, alors assez ! Gronda-t-il.

D'abord énervée par ses paroles, elle ouvrit la bouche pour répliquer. Mais les paroles qu'il venait de prononcer prirent tout leur sens, et elle se ravisa. L'air soudain démunie, elle baissa les yeux, comme à la recherche de quelque chose. Toujours dressé contre elle, Coyle demeura immobile et ne la lâcha pas des yeux.

-Je...bégaya-t-elle.

-Tu rien du tout !

Il lâcha cette phrase d'un ton sec, et passant sa main derrière sa nuque, l'attira contre lui pour l'embrasser sauvagement. Son geste, chargé de colère et d'exaspération, se différenciait des autres fois où ils s'étaient embrassés. Plus rude mais aussi plus profond, il surprit d'abord la jeune femme.

Mais prise dans le feu de l'action, elle répondit à ses baisers et se surprit à apprécier leur aspect plus sauvage, plus passionné. Ils déversèrent leur rancœur ensemble, pour que ne reste plus que la passion. Leur étreinte évolua en même temps que leur état d'esprit, Karmen jeta ses bras autour de son cou et accrocha ses jambes autour de sa taille tandis qu'il la soulevait comme une plume.

Il marcha jusqu'au lit, où il la déposa délicatement, avant de venir sur elle. Il l'embrassa encore un moment, comme pour la calmer. A mille lieues des reproches qu'elle lui jetait à la figure quelques instants auparavant, la jeune femme était uniquement concentrée sur le plaisir qu'il lui procurait. Elle aimait cette sensation d'être sienne, elle adorait lorsqu'il signifiait clairement qu'elle était à lui.

C'était contradictoire à ce qu'elle pensait avant de le rencontrer, comme quoi elle ne voulait jamais dépendre de quelqu'un, tout particulièrement d'un homme. Mais aujourd'hui, elle était bien forcée de l'admettre, sans lui elle serait en miettes, bonne à rien. Elle ne serait pas en vie, ou alors elle serait sans vraiment le ressentir.

-C'est bon tu as fini ? Souffla Coyle contre ses lèvres.

-J'ai eu besoin de tout crier, désolée que ce soit tombé sur toi.

-Du moment que ça se termine comme ça, moi ça me va, plaisanta-t-il.

Il se laissa rouler à côté d'elle, et tira quelques fourrures sur eux. Alors qu'elle baillait, la jeune femme se retrouva avec une monstrueuse touffe de poils dans la bouche. Elle cracha immédiatement pour respirer, et se retrouva face à un Coyle hilare.

-Non mais ça te fait rire ?! Tu veux manger des poils au petit déjeuner demain toi ? S'écria-t-elle.

-Je m'en passerai, c'est ton truc de manger des aliments bizarres et inconnus de l'homme !

Elle comprit la référence au début de leur relation où il l'avait trouvé en train de lécher une couverture pleine de confiture, et ne put retenir un rire.

-Non mais tu me cherches !

Elle envoya de toutes ses forces la couverture dans la tête de l'homme à ses côtés, qui l'évita en tirant un drap sur sa tête. Mécontente mais morte de rire, elle plongea dessous le drap à son tour, où elle se fit capturer par ses bras puissants.

Il embrassa furtivement son nez avant de déclarer :

-On devrait dormir, demain on doit résumer tout ce qu'on a dans le dossier ensemble, on aura besoin d'énergie.

-Tu as raison... Mais je te promets une vengeance de folie en bataille de coussins, ne t'en fais pas !

-Je prends note, ricana Coyle. Allez maintenant, au lit.

Il repoussa un peu le drap, et positionna quelques coussins derrière sa tête d'un geste nonchalant. Karmen, pour sa part, décida que cette nuit son coussin serait son torse. Elle cala sa tête contre, et grogna de contentement lorsqu'il passa sa main dans ses cheveux, comme elle aimait tant.

-Bonne nuit amour.

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