53 (1)- Passage

Un bruissement tira Karmen du sommeil. Elle ouvrit juste ses yeux et ne bougea pas. La pièce était plongée de la pénombre, elle en déduisit donc qu'il devait être tard, elle avait dû dormir longtemps. Le matelas s'enfonça sous elle, puis revint à sa position initiale. Des bruits de pas résonnèrent faiblement dans la chambre, puis un léger déclic se produisit dans son dos.

Elle attendit que les pas se soient éloignés et se redressa dans les draps : elle s'enveloppa dedans et se leva pour s'approcher du pan du mur qui était... ouvert ? Mais qu'est-ce que cela voulait dire ? Au fond du couloir sur lequel il débouchait, une lueur orange s'éloignait, vacillante. Un passage renfoncé.

Elle laissa glisser le drap à terre et prit une chemise qui traînait au sol pour se vêtir un minimum. Le vêtement, beaucoup trop large pour elle, couvrait assez sa peau pour qu'elle sorte, mais de toute manière il faisait nuit.

Elle prit une chandelle mourante sur la table de chevet à côté de l'ouverture secrète et s'enfonça dans l'obscurité du corridor. Alors qu'elle marchait dans le couloir sombre, les événements de la veille lui revinrent en mémoire. Coyle, elle, qui...

Incapable d'aller au bout de sa pensée, elle repassa la scène en boucle dans sa tête et se mit à sourire toute seule en se rappelant du sentiment de béatitude qui l'avait envahie lorsqu'il lui avait fait l'amour. Il avait été si doux avec elle, et malgré la douleur du début elle avait réussi à prendre du plaisir.

Elle s'était sentie transportée : elle n'avait jamais eu personne d'autre mais elle ne regrettait pas de s'être donnée à Coyle. Ce qu'ils vivaient étaient certes compliqué et semé d'embûches mais c'était vital d'en avoir un petit bout de proximité de temps en temps.

Cette manière qu'il avait eu de prendre soin d'elle...Elle n'en attendait pas moins de lui. Il avait beau être cynique froid et pas très avenant la plupart du temps, lorsqu'il se laissait aller avec elle il était doux sans être lourd. Juste ce qu'il lui fallait. Elle allait réviser son concept de l'âme sœur qui n'existe pas tiens !

-Aïe !

Le cri sortit de sa gorge tout seul lorsque son pied buta contre une marche qu'elle n'avait pas remarquée. Un petit palier était face à elle, mais juste après le haut d'une échelle dépassait. Faire des galipettes dans le noir c'est vrai que c'est ma passion, encore plus lorsque je suis en petite tenue... Résignée, elle franchit néanmoins la courte distance qui la séparait de l'échelle et commença à descendre.

Son pied glissa soudain sur le barreau et elle perdit l'équilibre. Déséquilibrée, elle battît des bras dans le vide mais s'écrasa par terre quelques barreaux plus tard. La bougie, qu'elle tenait à bout de bras, s'écrasa au sol et s'éteignit.

-Merde !

Elle pesta contre elle même en se relevant à l'aide des murs qu'elle palpait. Une fois son équilibre - précaire - retrouvé, elle avança à tâtons jusqu'à la sortie qu'elle discernait faiblement au loin. Elle n'avait aucune idée d'où cela menait, mais elle était sûre que c'était Coyle qui était sorti par là quelques instants plus tôt.

Elle ne savait pas ce qu'il faisait dehors si tard, mais la curiosité ne se contrôle pas toujours...Elle déboucha enfin sur la sortie, et fut surprise de sentir un vent frais venir fouetter son visage : elle se trouvait dans les jardins ! Mais pas dans les jardins laissés au libre accès des courtisans : non c'était les jardins interdits, où Coyle l'avait déjà emmenée prendre un bain de minuit dans l'une des fontaines...

Replongeant dans ses souvenirs, elle fit quelques pas pour s'avancer entre les haies et mieux voir où il avait bien pu aller. Une lueur vacillante attira son attention au loin : dansant comme si elle allait s'éteindre la seconde suivante, elle fut le phare de la jeune femme perdue dans cette immensité obscure.

Debout face à la mer qui s'étendait en contrebas, il était immobile, les bras croisés derrière la tête. S'il l'entendit arriver, il ne se retourna pas. Elle resta un moment en retrait, admirant le magnifique paysage qui s'offrait à elle.

La mer, sauvage et dominatrice, se défoulait de toutes ses forces sur les récifs en contrebas. Le ressac des vagues était à l'origine d'une écume blanche qui se détachait clairement à la lueur de la lune, comme une seconde peau de l'eau noire glacée. Le vent accompagnait cette vision utopique en enveloppant son corps de rouleaux chauds dans de grands grondements.

-Je n'arrivais pas à dormir, déclara-t-il enfin.

-J'ai entendu.

Elle s'approcha et l'enlaça par derrière. Ses mains posées sur son ventre contracté, elle laissa reposer sa tête sur son dos et se balança légèrement de droite à gauche. Sans opposer de résistance au mouvement, il se laissa bercer en posant sa main droite sur les siennes. L'homme qui la dépassait bien d'une tête et demie entrelaça ses doigts aux siens et chuchota :

-J'aime venir ici, ça me calme.

-Tu n'es pas censé y être pourtant.

Un silence.

-C'est vrai. Mais qui viendra à cette heure-ci ?

-Moi.

Il lâcha un petit rire et se retourna pour lui faire face.

-M'espionnerez-vous mademoiselle ?

-Non du tout, en revanche je crois ne plus avoir besoin d'explications quant à la manière dont vous l'avez fait avec moi...répliqua-t-elle avec un regard éloquent vers le passage dont elle était sortie.

-Oh...

Il cligna plusieurs fois des yeux, comme interloqué qu'elle l'ait suivi par ce passage.

-Tu connais mon secret maintenant, dit-il malicieusement.

-Je saurais en faire bon usage.

Le visage du colosse de referma : Karmen craignit d'avoir dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Elle l'interrogea du regard mais il fuit son regard et se détacha d'elle.

-Je préfère que tu n'empruntes pas ces couloirs sans moi. Lâcha-t-il froidement.

-Mais pourquoi ?

Elle ne comprenait pas ; après tout elle serait cachée non ? Que craignait-elle ?

-C'est un palais royal dans lequel nous vivons Karmen, celui de la capitale qui plus est, rien n'est prévisible et je n'aime pas te savoir seule en train de te balader tranquillement dans ses recoins obscures, on ne sait jamais sur quoi ou sur qui on va tomber.

-Et moi je n'aime pas qu'on contrôle ma vie.

Il ne répondit pas. Face à ce mur de glace inébranlable, la jeune femme capitula : la dernière fois qu'elle lui avait tenu tête pour une futilité, elle avait souffert de son absence, elle ne voulait pas que cela recommence. Elle posa une main sur son épaule et le fit se tourner face à elle, pour le regarder droit dans les yeux :

-Excuse-moi. Je n'irai pas dans ces couloirs si tu ne penses pas que ce soit une bonne idée pour moi. Et puis qu'est-ce je pourrais bien y faire de toute manière ? Rajouta-t-elle sur un ton plus léger.

Pour toute réponse, Coyle posa ses grandes mains sur ses hanches et l'avança contre lui. Il se pencha et l'embrassa du bout des lèvres, comme si elle avait été une poupée de porcelaine qu'il aurait pu briser. Elle se laissa faire, heureuse de ne pas se disputer une énième fois avec lui.

Et puis d'un coup, il la souleva du sol et la chargea sur son épaule comme un vulgaire sac de blé. Elle tempêta, cria, mais rien n'y fit, il refusa de la reposer et commença à rentrer vers le château. Elle tapa des poings dans son dos musclé mais la barrière de ses muscles l'arrêta. Super.

-Mais pose moi !

-Pas question miss, nous rentrons !

-Je peux marcher seule !

-Ainsi exposée ? Pas question, je garde cette vue délicieuse pour moi seul.

La jeune femme comprit qu'il faisait référence à sa tenue légère et ne put retenir un rire léger. Elle se sentait si bien. Pour l'embêter, elle détendit tous ses muscles le plus possible et se fit molle sur son épaule. Ainsi, elle était beaucoup plus difficile à porter et surtout à maintenir en place.

Grognant d'un air mécontent, Coyle la replaça plusieurs fois sur son épaule, mais rien n'y faisait elle finissait toujours par tomber. Il changea alors de tactique et la fit rouler vers l'avant.

-Ah mais tu es fou ! Hurla-t-elle en se rattrapant à lui de toutes ses forces.

-Trop prévisible ! Railla-t-il en la portant à présent comme un bébé.

Coincée entre ses bras, elle avait au moins l'avantage de bénéficier de son regard.

-Tu m'aurais rattrapée de toute manière, affirma-t-elle.

-Tu en es si sûre que ça ?

Ils se défièrent longuement du regard, farouche tout autant l'un que l'autre, alors que Coyle continuait de marcher. Karmen prit le parti de le déconcentrer et commença à agrandir l'ouverture du col de la grande chemise qu'elle portait en lui lançant un regard sans équivoque. De là où il était, perché au dessus d'elle, l'homme ne pouvait pas ignorer la vue plongeante sur ses seins qui s'offrait à lui. Il capitula dans un soupir agacé.

-Tu es une adversaire déloyale.

-Tu m'as cherchée aussi !

Il feignit de la faire tomber une nouvelle fois mais cette fois-ci la rattrapa beaucoup plus tard. Le visage à quelques millimètres du sien, il plongea son regard dans le sien en chuchotant :

-Je te rattraperai toujours.

Le cœur de Karmen fit un bond dans sa poitrine. Il voulait la rendre folle ! De désir, de colère, de peur et d'amour ! Cela ne faisait-il pas déjà assez ? Il fallait croire que non. Mais allait-elle s'en plaindre ? Pas vraiment...

Arrivé devant la porte de la chambre, il la poussa du pied et rentra à l'intérieur. Il déposa Karmen sur le bord du matelas et se débarrassa de ses bottes avant de la rejoindre. La nuit était noire à présent, la chambre était plongée dans la pénombre, seule la lune laissait entrevoir le relief des meubles. Sa douce lumière découpait les visages du couple d'une manière anguleuse assez amusante et troublante.

-Il faut dormir maintenant, on ne sera pas hors du temps indéfiniment, déclara Coyle en s'allongeant.

-Je meurs de sommeil de toute manière.

La jeune femme se laissa tomber en arrière à son tour, mais incapable de s'endormir avec son visage si parfait - dont les yeux la fixaient intensément - face à elle, elle se tourna vers la fenêtre. Elle sentit le matelas onduler sous elle, puis un bras musclé passer autour de son ventre pour venir la serrer contre le corps massif derrière elle, contre lequel elle s'emboîta parfaitement.

Elle s'endormit le sourire aux lèvres, le parfum et l'image de l'homme derrière elle en tête. A ce moment là, tout était parfait.

***

Hello

Le chapitre faisait 4200 mots, je l'ai coupé en deux et je poste la seconde partie dès que possible.

Moi je dis...Profitez des petits moments douillets en ce moment...Après je dis ça je dis rien!

Vos avis/idées pour la suite?

Vraiment désolée de ne plus publier aussi régulièrement, je suis vraiment fatiguée et le bac blanc approche donc je bosse aussi.

Je ne vous oublie pas, merci de vos commentaires qui me font sourire a chaque fois!

Xoxo

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