52 (1)- Aveux
Point de vue de Coyle :
Ce fut une désagréable sensation de fourmillement dans son avant bras qui le réveilla. Hagard, il mit quelques secondes à en trouver l'origine : coincé sous le corps frêle de Karmen, son membre se trouvait privé de son approvisionnement en sang. Affaissé n'importe comment sur le côté, il se redressa et libéra son bras en prenant soin de ne pas réveiller la jeune femme.
La tête tournée vers lui, elle paraissait dormir à poings fermés, avec sa petite mine boudeuse si mignonne. Ses cheveux bruns s'étaient enroulés autour de son visage, soulignant ses contours délicats. Dans son sommeil elle avait passé un de ses bras autour du corps de l'homme à ses côtés et s'était assoupie contre lui.
Coyle se souvenait de son état critique lorsqu'il l'avait retrouvée la veille : affaissée contre l'armoire, elle paraissait fantomatique dans sa large chemise ample. Elle pleurait encore et encore, tellement qu'elle ne l'avait pas entendu arriver. Elle avait hurlé comme une demeurée lorsqu'il avait essayé de la relever, même lui avait senti son cœur s'emballer.
Logan était venu le trouver directement après l'avoir vue « dans un drôle d'état » selon lui. Il n'avait pas voulu en dire plus, et c'était cette petite lueur alarmée dans son regard qui avait poussé Coyle à traverser le palais en courant pour aller la retrouver. S'insultant de tous les noms, il avait regretté son attitude puérile de la semaine après la réaction « excessive » de la jeune femme.
Il l'avait évitée comme la peste, mais pas totalement. Il avait passé plus de temps dans les passages secrets à la suivre que dehors. Malgré sa colère face à son innocence et à sa volonté de fermer les yeux quant à la véritable nature du roi Étienne, il n'avait pu se résoudre à la laisser vagabonder seule. Il était resté dans l'ombre jusqu'à ce soir.
Et après le triste spectacle auquel il avait assisté en rentrant dans la chambre, il s'en était voulu à mort de s'être montré aussi égoïste. Il avait compris que la jeune femme n'était pas en état de lui raconter ce qui l'avait mise aussi mal, alors il l'avait couchée comme un bébé, et l'avait bercé jusqu'à ce qu'elle s'endorme enfin.
Il s'était juré de rester jusqu'au matin cette fois, pour avoir une sérieuse discussion avec elle. Son état l'avait réellement alarmé cette fois, il ne voulait pas passer à côté d'un souci majeur la concernant. Pas cette fois. Et même s'il l'avait voulu...Cela serait resté une envie non concrète selon lui.
-Mmh...
Un gémissement à ses côtés l'interrompit dans ses pensées : elle était en train d'émerger. Les yeux toujours clos, elle releva la tête et étira ses bras langoureusement au dessus de sa tête. Ainsi, la chemise qui lui arrivait juste en dessous de la taille remonta sur son ventre, dévoilant une peau d'une blancheur infinie.
Les yeux fixés sur cette peau de porcelaine, il ne sentit pas tout de suite le regard posé sur lui. Lorsqu'il en avisa, il ne sut plus où se mettre. Elle ne disait rien. Elle se contentait de le fixer. Apparemment elle ne va pas me faciliter la tâche... Ni sourire ni aucun éclat amusé dans ses yeux verts pour le rassurer quant à son état d'esprit. Quoi qu'il était normal qu'elle soit en colère après tout...
-Bonjour...tenta-t-il.
Aucune réaction, hormis ses yeux qui partirent fixer un autre point dans la pièce. Très bien : il allait devoir se creuser un peu la tête cette fois. Pas question de repartir en laissant les choses telles quelles. Il se tourna franchement face à elle et se lança.
-Je sais ce que tu dois penser de moi. Que j'ai encore fui, pas assumé mes responsabilités vis à vis de toi. Et tu as raison. Je n'ai rien à dire pour ma défense. Mais je suis perdu dès qu'il s'agit de toi, je déteste ne pas contrôler ce qui se passe dans ma vie.
-Tu n'as en aucun cas à me contrôler, intervint froidement Karmen.
-Je ne parlais pas de toi, mais de ce que tu me fais ressentir et qui m'effraie. Je ne suis pas doué pour les longues déclarations, je ne vais pas essayer de t'en faire et...
-Je t'en serais gré, lâcha-t-elle froidement.
Coyle ne put retenir un sourire : elle n'était pas très fleur bleue non plus, et venait clairement de se trahir. Mais rien n'était gagné à en juger par son attitude distante et détachée. Il devait faire mieux. Beaucoup mieux.
-Je suis encore dans une phase d'interrogation vis à vis de moi même, pour essayer de me situer par rapport à tout ça. Mais j'ai merdé et j'en ai conscience. Je suis désolé de ne pas avoir été là alors que tu avais besoin de moi. Souffla-t-il.
Karmen tourna - enfin - la tête vers lui et le fixa en silence. Elle avait l'air de le sonder, comme pour voir au plus profond de son âme. C'était angoissant et saisissant à la fois. La regarder dans les yeux c'était comme tomber dans un gouffre sans fin : vertigineux, effrayant mais nouveau, attirant. Il aurait pu y lire le monde.
-J'avais besoin de toi, et tu n'étais pas là. Murmura-t-elle enfin.
-Je sais et...
-Non laisse moi continuer. Tu as certainement l'impression que tu es le fautif ici et que tu dois te faire pardonner. Mais quand j'en aurai fini, je ne serais pas étonnée que tu partes. Vraiment.
Coyle fronça les sourcils sans rien dire : que voulait-elle dire par là ? Que s'était-il passé de si grave pour qu'elle en arrive à dire tout ça ? Qu'est-ce que Logan ne lui avait pas dit ?
-Tu as été honnête avec moi, je me dois de l'être aussi.
Son cœur se serra mais il se força à l'ignorer pour continuer de l'écouter.
-Je n'ai pas voulu t'écouter par rapport à Étienne, enfin le roi. Mais j'aurai dû. J'étais furieuse d'apprendre que tu m'avais espionnée, je ne comprenais pas et je me sentais trahie. Mais hier soir j'aurai presque aimé que tu sois là à m'espionner pour m'aider.
Coyle serra les poings inconsciemment : que s'était-il passé bon sang ?! Karmen ferma les yeux très fort et se lança.
-Hier soir a eu lieu le bal en l'honneur de leur départ, en petit comité. J'ai été invitée par le roi - ça tu le sais. Mais après...Tout est parti en vrille, je vais finir par croire que le problème c'est moi...
-Ne dis pas ça...
-Écoute. Il a voulu que je vienne au royaume de Mélandres avec lui. Il m'a clairement fait des avances, et pas qu'amicales. Je l'ai repoussé, et rudement, notamment à cause de ce qui se passait entre nous cette semaine là, et je parle du négatif.
-Comment as-tu...
-Comment je me suis échappée ? Je l'ai giflé. J'ai giflé un roi Coyle. Mais il a réagi et m'a menacée de représailles. J'étais morte de peur et...(elle lui jeta un regard) j'étais seule.
-Karmen...gronda-t-il.
-Je suis allée le trouver tard dans la nuit pour m'excuser. Balança-t-elle d'une traite.
Coyle craignit d'avoir mal compris, mais à en juger par l'air angoissé qu'abordait à présent la jeune femme, il comprit que non.
-Tu as quoi ?! Rugit-il.
De là où il était, il vit parfaitement la gorge de la jeune femme se serrer lorsqu'elle déglutit péniblement. Bon sang, il ne s'attendait pas à ce qu'elle soit aussi inconsciente !
-Mais ce n'est pas le pire. Je l'ai trouvé en train d'essayer de violer Julie.
-Julie ? Qui est Julie ?
Il ne voyait vraiment pas de qui elle parlait.
-Oh...(elle se passa la main sur le visage) C'est vrai que je ne t'en avais pas parlé...Étienne est venu ici avec une certaine servante qui se trouvait être la sœur de mon ami Maxime et la femme qui a presque élevé Lina. C'est une longue histoire mais j'avais d'autres choses en tête la dernière fois...
Il voyait parfaitement à quoi elle faisait référence là par contre. Comment l'oublier ? Comment oublier ce moment de proximité qu'ils avaient partagé avant que tout ne parte en vrille ? Cette image d'elle l'avait hanté toute la semaine.
-Mais je te promets...Que voir ça, c'était horrible. Ça m'a ramenée à...lui.
A la manière qu'elle eut de prononcer le pronom, limite en le soufflant, il comprit qu'elle parlait du bâtard qui avait fait de sa vie un enfer en la harcelant jusqu'au soir où il l'avait trouvée dans ce cachot lugubre.
-Ce n'était pas Étienne et Julie que je voyais à ce moment là, mais ce porc et moi. J'étais figée, incapable de bouger. Mais lorsque j'ai enfin réussi à crier quelque chose, il n'en a même pas tenu compte, on aurait dit qu'il voulait chasser une mouche. Je me suis donc approchée.
-Ne me dis pas que...
-Il m'a giflée pour m'écarter.
-Non de dieu...Je vais...gronda-t-il.
Il allait le tuer. L'étrangler, le dépecer et éparpiller ce qui resterait de lui aux quatre coins des 9 royaumes. Et ce en le gardant en vie le plus tard possible ! Obnubilé par ses idées de meurtre, il ne réagit pas tout de suite lorsqu'elle posa sa main sur son bras pour le calmer. Ses poils se hérissèrent contre sa paume chaude, et il se força à déplier ses poings crispés avant de lui faire signe de continuer.
-Je lui ai balancé un chandelier en pleine tête (il écarquilla les yeux dans le vide) et je me suis enfuie avec Julie. Il nous a suivi jusqu'à ce qu'on le sème en descendant aux cuisines, mais j'ai eu le temps d'entendre qu'il aurait nos têtes. Il l'a hurlé, fort, si fort que j'en ai rêvé cette nuit... chuchota-t-elle.
Elle paraissait terrifiée. Blottie dans les couvertures, elle offrait une vision si triste à l'homme à ses côtés que toute sa colère retomba d'un coup. Il la savait dirigée vers Étienne, mais dans le feu de l'action il aurait été capable de la retourner contre Karmen. Sauf qu'elle n'avait rien fait de mal, elle n'avait que subi.
Désireux de lui faire comprendre que tout allait bien, il passa son bras derrière sa nuque et la serra contre lui. Elle posa sa tête sur ses cuisses tendues à l'extrême et inspira longuement. Oh, toi tu ne m'as pas tout dit...
-Il y autre chose...
Bingo.
-Tu vas me haïr mais...Je dois aller jusqu'au bout ou sinon je ne n'aurai pas ta confiance de manière équitable.
Elle repoussa son bras et se redressa dans le lit pour lui faire face. Les jambes croisées, elle tira les pans de la chemise pour essayer de se couvrir mais abandonna bien vite. Coyle, impassible, se força à se taire en attendant qu'elle parle.
-Lorsque le roi Étienne a voulu me convaincre de rentrer avec lui...Il a d'abord essayé de m'attirer avec des biens matériaux...Mais voyant que cela n'avait aucune influence sur mon choix, il a essayé de me convaincre d'une manière plus...physique.
-Tu veux dire qu'il t'a frappé ? S'écria-t-il.
-Pas frappée non, rectifia-t-elle. Il m'a embrassé. De force ! Rajouta-t-elle en haussant le ton à la fin de sa phrase.
Mais l'accent mis sur le dernier mot n'eut aucun effet : centré uniquement sur la première partie de sa phrase, Coyle bouillait de l'intérieur. Il l'avait touchée. Insultée. Menacée. Mais embrassée ?! Mais pour qui se prenait-il ? Un roi idiot...lui souffla sa conscience.
C'était trop, il ne pouvait pas...Non. Agissant comme à son habitude de manière impulsive, il bondit hors du lit et se mit à faire les cents pas dans la chambre, luttant contre l'envie de partir comme une tornade. Il ne devait pas.
Toujours assise dans le lit, Karmen attendait, l'air angoissée de ce qui allait suivre. Les bras croisés sur sa poitrine légèrement visible à travers le tissu, elle abordait une expression proche du désespoir en le regardant faire ses allers retours tel un chien en cage.
-Je ne voulais pas, je l'ai repoussé immédiatement tu sais ! Et je m'en veux terriblement de n'avoir pas réagi assez vite, mais ses mots et son statut m'ont effrayée, comprends moi je...
-Arrête.
Chapitre en deux parties, la seconde un chouilla plus courte, je la poste demain ou après demain, histoire que personne ne commence par la mauvaise moitié! (excuse pour avoir le temps de se relire pour la 100e fois)
Non plus sérieusement, les explications étaient essentielles contrairement à la seconde partie du chapitre que certains ne voudront peut-être pas lire...(second livre...😏)
Xoxo.
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