47- Recherches et Maladresse

**Le chapitre est assez long et comporte beaucoup d'informations importantes, même s'il n'y a pas énormément de dialogues, je me suis donnée à fond pour l'écrire mdrr, bonne lecture!**

Point de vue de Coyle :

Aménagement de la roseraie, début de l'hiver venue des ouvriers et du célèbre architecte Cohelos, veuillez prévoir...

Coyle soupira d'exaspération et reposa le document sur la table devant lui : seul au fin fond des archives du palais, il essayait de mettre de l'ordre ici depuis tôt ce matin, mais rien à faire, il n'arrivait pas à aligner deux phrases cohérentes sans oublier le sens de la première.

Aménagement de la roseraie, début de l'hiver venue des ouvriers et du célèbre architecte Cohelos, veuillez prévoir l'installation de plusieurs...

Non décidément rien à y faire, il n'allait pas arriver à la fin de ce document maudit. Il grogna et le posa avec les autres à droite de son bureau, où reposait une immense pile d'autres documents du même type sans intérêt. Que des choses superficielles.

Il y passerait vraiment du temps en étant concentré plus tard. Il n'y avait rien à en tirer vu son état actuel. Il se leva pour se dégourdir les jambes – une manie chez lui – et explora les rayonnages en essayant de trouver un recoin encore inexploré recelant de secrets.

C'était la raison pour laquelle il aimait les archives, on y trouvait absolument de tout : permis de construire, anciens testaments, même des correspondances ou des ordres de mission parfois ! Autant un moyen de tuer le temps que de travailler. En parlant de travailler, il faudrait peut-être y retourner.

Canalisant à grand peine son envie pressante de remonter à la surface pour sortit enfin à l'air libre, il saisit un gros dossier au hasard et le déposa sans délicatesse sur le vieux bureau en bois où il s'éclata dans un bruit mat, faisant voler la poussière comme un essaim de guêpes. De quoi éternuer pendant des heures.

-Allez mon vieux, termine celui-là et tu remontes. Se promit-il à haute voix.

Amusé de penser qu'il parlait tout seul, il secoua la tête, cassa le seau royal solidifié par les années et se plongea dans la lecture de la première feuille : curieusement, les mots s'alignèrent seuls cette fois-ci, et il n'eut aucune difficulté à poursuivre sa lecture. Ce document était très intriguant.

Il n'avait pas été rédigé par n'importe qui : déjà la présence du seau indiquait que quelqu'un de haute importance l'avait constitué. L'écriture lui était inconnue mais les feuilles ne semblaient pas avoir plus de 10 ans. Très étonnant, vraiment... Mais le plus étonnant, c'était son contenu.

Ordre de mission à l'intention de Juras.

Coyle tiqua : Juras était le nom d'un assassin, le plus réputé et le plus affreux de tous les temps : il avait accompli des horreurs dans la capitale alors même qu'il n'était encore qu'un enfant. Son nom mourrait sur les lèvres avant d'avoir été prononcé intégralement tellement les gens le craignaient.

C'était étrange que quelqu'un de haute naissance ait eu recours à ses services, et surtout qu'il – ou elle Coyle n'en savait rien – ait regroupé toutes les traces de ses méfaits dans un seul endroit. Ou alors ce n'était pas le cas et il existait d'autres dossiers de ce genre, cachés un peu partout : cette idée le fit frissonner, beaucoup de dossier voulait dire dans ce cas beaucoup de choses horribles.

Objectif : éliminer deux conseillers du roi, dont les noms et les adresses vous seront communiqués lors d'un prochain courrier si vous signifiez accepter la mission.

Aucun chemin ne doit permettre de remonter jusqu'à vous. Personne ne devra vous voir. En cas d'échec de la mission vous serez éliminé pour sauvegarder le secret de cet ordre. En cas de réussit vous serez couvert d'or l'équivalent de votre poids.

L'exécution demandée devra être lente et douloureuse. Les traîtres à la couronne ne mérite que ça. Veuillez déposer votre acceptation dans le creux du bouleau derrière les écuries du palais avant ce soir minuit.

« A »

Perplexe, Coyle relut la première feuille plusieurs fois, soupesant chacun des mots comme pour leur trouver un sens caché. Mais rien. Concentré plus qu'il ne l'avait été en 3 heures ce matin, il tourna la page et commença la deuxième partie de l'ordre de mission : là rien d'étonnant, Juras n'avait pas failli à sa réputation et acceptait la mission en quelques mots brefs.

A la troisième feuille, il ne put retenir un haussement de sourcils stupéfait : il s'agissait des détails de l'exécution barbare qui était prévue. Répugné par tant de haine vis-à-vis de l'être humain en général, il tourna la page avant de l'avoir finie, révulsé. Il claqua si fort sa paume contre le bureau qu'une feuille s'échappa de la fin du dossier.

Il s'apprêtait à la remettre à sa place à la fin quand un détail attira son attention : ce n'était pas la même écriture : plus fine et plus serrée, elle indiquait seulement quelques mots : « Pour qu'un tel crime ne reste pas impuni et que quelqu'un puisse rendre justice un jour. E ». Le papier était plus jeune, moins corné que l'ensemble du reste des pages jaunies par le temps et les humides conditions de conservation du sous-sol.

Les sourcils si froncés qu'ils avaient l'air de ne former plus qu'un seul, Coyle relut le petit morceau de papier et commença à comprendre : bien sur que non la personne qui avait commandité ce meurtre n'avait pas volontairement réuni tous ces indices pouvant mener directement à lui.

Deux personnes semblaient avoir été tuées, du moins on avait essayé de les tuer. Et ce fameux « E » avait semblé vouloir réunir les preuves permettant d'inculper le coupable, qui devait se croire trop protégé par son statut haut-placé. Certainement une connaissance, plus ou moins proche, des victimes qui avait réalisé ce travail de titan en réunissant tant de documents certainement éparpillés aux quatre coins du palais. Et qui l'avait laissé en attendant que quelqu'un rendre justice derrière lui.

-Mon dieu...souffla Coyle en feuilletant l'épais volume.

Il devait bien y avoir une cinquantaine de feuilles ici ! Si toutes menaient au commanditaire de ce meurtre affreux les réunir avait du prendre des années ! Ébahi par un tel travail, il passa en revue les feuilles suivantes rapidement, pour se faire une idée : celui qui avait réalisé ce dossier avait été malin en mettant un sceau royal, celui-ci éloignerait les curieux et lui garantirait une lecture attentive plus tard.

Lieux de rendez-vous, fournitures d'armes, témoins à éliminer si besoin, paiement, identité des victimes...Coyle buta : il y était. Fébrile, il décortiqua la ligne indiquant les identités respectives des malheureuses victimes.

« Anna Nagilo et Rodric Nagilo »

Rien. Rien de plus que ces deux noms. Prononcés à haute voix, ils sonnaient d'une manière connue mais lointaine. Peut-être des personnes très influentes à la cour à une époque ? Lui-même étonné d'accorder autant d'attention à une simple histoire de meurtres déjà vue plus d'une fois dans sa vie, il tourna les pages suivantes comme un coup de vent, à la recherche d'autres informations. Rien.

Évidemment. Pourquoi aurait-ce été aussi simple. Si jamais quelqu'un de mal intentionné était tombé par hasard sur ce dossier, et qu'il n'y aurait pas accordé assez d'attention... En ne donnant pas toutes les informations cet architecte de la justice s'était assuré que celui qui se pencherait sur le cas aurait quelques recherches à faire. Un minimum quand on parlait de la vie de deux personnes innocentes.

Décidé à aller jusqu'au bout, il se leva brusquement et repartit dans les rayons à grand pas : il voulait savoir. Passant ses grandes mains sur la côte des ouvrages poussiéreux, il frémit lorsque quelque chose effleura sa paume : il se retourna d'un geste vif et regarda autour de lui : se pourrait-il que... ?

Non c'était impossible, elle ne pouvait pas être descendue ici, elle ne connaissait même pas cet endroit. Pas encore du moins. Il secoua la tête en réalisant qu'il songeait une fois de plus au sujet qu'il tentait de se sortir de l'esprit depuis ce matin. Pas croyable. N'empêche que...

Rien que d'imaginer ses yeux rivés aux siens il sentait son cœur battre plus fort. Ses jolies petites iris vertes bordées d'un éclat de brun...Puis ce soleil orange à leurs centres, si étonnant, si vif ! Si petit autour de la pupille qu'on pouvait douter de l'avoir vu...Sauf que Coyle, lui, l'avait vu, et revu, puis revu encore. Il semblait scintiller lorsqu'elle rigolait ou qu'elle pleurait, avec le reflet de ses larmes – fussent-elles de joie ou de peine.

Il réalisa qu'il ne pourrait pas s'empêcher d'y penser indéfiniment : rien qu'à la simple pensée de ses yeux il s'était sentit s'absenter. Il sentait encore l'empreinte de ses lèvres sur les siennes, laissée hier soir. Hier soir...Quel soulagement, quelle délivrance ! Il ne s'était jamais sentit aussi comblé et aussi stupide aussi depuis des années. Savoir qu'il avait repoussé son désir et cette envie pressante de la faire sienne pour finalement mieux retomber... Quel idiot.

Il n'avait pas encore décidé si ce qu'il avait fait était une erreur mais de toute évidence...Son corps – et plus particulièrement la toile de son pantalon trop serré – lui faisait bien sentir que lui si. Il n'arrivait pas à décider... était-il bon pour elle ? Ne lui faisait-il pas un cadeau empoisonné en se rapprochant d'elle ?

Passant d'un air pensif son pouce sur sa lèvre inférieure gonflée à force de la mordiller en réfléchissant, il essaya de se remémorer encore une fois comment il s'était senti entier lorsqu'il l'avait embrassée. Non décidément, ce ne pouvait pas être une erreur, pas avec elle. Son innocence, mêlée à son caractère si fort – et si unique ! – lui faisait perdre la raison.

Discuter avec elle était toujours un coup à se faire des nœuds au cerveau, mais il sourit à la pensée qu'il pourrait la faire taire en scellant ses lèvres d'une tout autre manière désormais... Oui, il fallait qu'il essaye. Il ne se sentait plus de ne pas le faire, il s'était trop attaché à elle pour essayer de se convaincre du contraire. Ce qu'il ressentait était encore trop fort et trop indistinct pour mettre un nom dessus, mais ce n'était pas l'essentiel.

L'essentiel étant ? Il ne le savait pas encore. Au brûle-pourpoint il répondrait son prénom, mais avec un peu de réflexion il savait qu'il pourrait mettre un mot plus juste dessus plus tard. Rien ne presse. A part mettre ta jalousie maladive de côté ! Lui souffla sa conscience.

Grimaçant quant à la pensée de sa réaction ce soir là, il s'appuya fermement contre l'étagère face à lui en tendant son corps : il s'était emporté d'une manière...Cela ne lui était pas arrivé depuis des années. Voir ce fils de pute avec ses sales mains pleines de crasse, sur elle ! Il était littéralement sorti de ses gonds. Sans réfléchir aux risques – quelques soient leurs natures – il avait bondi et avait extériorisé cette rage qui grondait en lui, et qui était montée si vite qu'il avait à peine eu le temps de la ressentir pleinement.

Ses poings étaient alors des massues de centaines de livres et sa mâchoire serrée lui semblait soudée tellement il se retenait...Et encore c'était un euphémisme ! Il aurait réellement pu le tuer, et c'est à cette pensée qu'il se rendit compte de l'effet et de l'emprise que Karmen avait sur lui.

Karmen...Rien que son prénom lui donnait envie de tout fermer pour remonter la retrouver : mais depuis ce matin il éloignait cette pensée en essayant de se convaincre qu'elle avait besoin de temps – il l'avait lu dans ses yeux hier soir. Tout autant que lui d'ailleurs. Leurs deux corps dans une même pièce donnaient presque des étincelles tellement leur relation était explosive et complexe.

Il se redressa et repensa aux délicieux frissons qui avaient parcouru tout son épiderme lorsqu'elle avait posé ses mains sur lui pour la première fois : sa manière – presque craintive – d'effleurer son cou de bout de ses doigts fins avant d'y poser la paume comme le ferait une plume, ça l'avait transporté ailleurs. Et puis la manière qu'elle avait eu de passer ses doigts dans ses cheveux... Bon dieu son érection l'avait rappelé à l'ordre toute seule !

C'était incroyable l'emprise qu'elle avait sur lui, et ce sans même s'en rendre compte ! Elle paraissait si novice dans les jeux de l'amour...A cette pensée, d'autres souvenirs plus anciens refirent surface, plus douloureux : immédiatement son visage se verrouilla et il chassa toute pensée de son esprit. Pas le moment.

Repartant dans son projet de recherche, il chercha les annales des habitants du palais, un épais volume noir dans lequel étaient inscrites toutes les familles ayant séjourné au palais depuis plus d'une quinzaine d'années. Le tirant difficilement de son emplacement, il le chargea sur ses bras d'un coup sec de l'épaule et l'amena vite à la table encore faiblement éclairée.

Il alluma sa seconde bougie et la plaça à côté de la première puis se replongea dans sa lecture : au début, rien ne lui sauta aux yeux. Des noms suivis de noms, tous plus inconnus les uns que les autres. Des périodes laissées au hasard parmi lesquelles il nagea un bon moment avant de buter sur un prénom connu : « Rodric ».

Passant aussitôt son doigts sous la ligne concernée pour ne pas la perdre, il poursuivit : « Rodric Nagilo, marié à Anna Godrigues de naissance. Conseillers personnels du roi. Sacrés alliés de la couronne à seulement 23 ans, habitants du palais par la suite. On prit la fuite pendant l'automne de la Lune vide. »

Coyle tiqua : l'automne de la Lune vide était une période qui avait précédé l'année de ses 15 ans ! L'assassinat avait donc eu lieu peu de temps après, soit lorsqu'il était adolescent. Donc le roi de l'époque était.... Le roi Archibald. Il frissonna malgré lui. Ce prénom était sorti de sa mémoire depuis bien longtemps...

Il tira un recueil de l'étagère derrière lui en basculant sa chaise en arrière et l'ouvrit au hasard : ce livre recelait de toutes les périodes étranges de l'histoire, il le connaissait bien pour avoir du l'apprendre par cœur enfant, en guise de punition...Hiver des 4 saisons, Automne sans Lune voilà il y était !

Il survola les passages où on décrivait les événements météorologiques de la période et arriva enfin au passage qui l'intéressait : faits divers. « L'automne sans Lune a été marqué par la fuite surprenante des deux plus proches conseillers du roi, nommés Anna et Rodric Nagilo, pourtant réputés comme les personnes les plus proches du roi à ses débuts. Ils ont été portés disparus dans un premier temps avant que l'on ne se rende compte qu'ils avaient vidés leurs chambres royales et vendus leurs biens aux quatre coins de la capitale avant de fuir comme des voleurs. Personne aujourd'hui encore ne connaît leurs motivations. Le roi a fait dépêcher une garde entière à leur recherche, qui n'a rien rapporté de concret »

Coyle resta un moment immobile, essayant de comprendre... Deux des plus proches conseillers du roi qui prendraient la fuite ? Mais pourquoi ? Pourquoi fuir le la protection royale et le luxe ? C'était insensé ! Perdu au milieu de toutes ces données contradictoires, il décida de laisser reposer ces informations pour y revenir plus tard.

En attendant, il allait remonter les ouvrages susceptibles de l'aider dans sa chambre – étant donné qu'il avait bien l'intention d'y revenir maintenant que les choses s'étaient arrangées avec Karmen – ainsi que le dossier. Il fallait qu'il comprenne à présent, il s'était déjà trop investi dans se recherches pour laisser tomber maintenant.

Et puis...Il n'avait rien contre l'idée de voir si la femme qui le faisait vibrer dormait encore à poings fermés comme la nuit dernière... Souriant à cette image volée qu'il chérissait, il ressembla ses livres et le dossier dans une pile qu'il chargea sur un seul de ses bras et remonta à la lumière, direction sa chambre.

Il emprunta les passages secrets, peu désireux de faire des rencontres inattendues. Au moins ici personne ne viendra l'interrompre. Les gens voulaient tous toujours parler, parler et encore parler ! Il détestait cela, il aimait aller à l'essentiel. C'était l'une des principales qualités de Karmen qu'il admirait. Même si elle aimait jacasser je ne pourrais pas me passer d'elle de toute manière.

Amusé de l'imaginer blablater sur des sujets inintéressants, il faillit oublier de jeter un coup d'œil dans la chambre avant d'entrer par le passage dérobé : quel idiot ! Si jamais Karmen avait été dedans, il aurait été sacrément embêté pour lui expliquer ce petit mystère. Pour le moment il préférait garder cela pour lui.

Posant l'épais dossier sur son bureau en marbre – bon sang depuis combien de temps n'était-il pas venu ici en pleine journée ?! – il regarda autour de lui : rien n'avait vraiment changé...Ah si, cette petite banquette sous la fenêtre n'y était pas avant. Amusé qu'elle ait pu arranger la chambre sans demander, il se promit de la taquiner à la prochaine occasion. Ce manque de proximité et de complicité n'avait que trop duré.

Il referma soigneusement le passage derrière lui et repartit dans les galeries encastrées dans les murs sans plus tarder. Sans savoir vraiment trop où il allait, il erra quelques minutes à l'aveuglette. Alors qu'il passait non loin du mur d'une chambre sur laquelle donnait le passage, il entendit une voix connue déclarer :

-Mais quel charmant collier vous avez là !

Tiens l'autre bouffon.

-Merci, c'est fort aimable, répondit une douce voix féminine.

Tout son corps se raidit : elle, et lui ?! Dans la même pièce ? Étaient-ils seuls ?! Les poings serrés à l'extrême, il osa un rapide coup d'œil par une œillère dissimulée : il s'agissait bien de Karmen, assise sur un divan avec la posture d'une noble née, devant qui se tenait le roi Étienne. Bon dieu il sentait qu'il allait rentrer et le fracasser lui aussi !

-Une personne chère me l'a offert, ajouta-t-elle en caressant distraitement la pierre ronde qui pendait à son cou.

S'il allait rentrer dans la chambre sans réfléchir la seconde d'avant, Coyle se détendit immédiatement en identifiant le collier dont elle parlait. Son collier. Elle le portait. Et elle venait de dire qu'il venait d'une personne chère. Oh bon dieu.

Il avait l'impression que son cœur allait exploser. Elle était si...parfaite. Il la voyait mal à cause l'ouverture trop petite mais il imaginait sans peine ses petites mains – en avait-on jamais vues de si petites et de si fines ? – se tordre l'une contre l'autre. Comme à chaque fois qu'elle était tendue, de la même manière que ce petit pli entre ses sourcils se formait lorsqu'elle réfléchissait, concentrée.

-Elle a parfaitement su saisir la pierre qui vous irait à ravir, susurra Étienne d'une voix mielleuse.

Curieusement, Karmen ne répondit pas. Étienne posa une autre question qu'il ne saisit pas, à laquelle Karmen répondit du bout des lèvres. Bon dieu : elle était mal à l'aise. Il aurait aimé la sortir de cette situation de toute évidence délicate, mais c'était impossible. Elle le tuerait de ses propres mains si elle le voyait sortit du mur ! Et puis Étienne ? Un sourire amer se forma à l'imagination de sa réaction.

La savoir si proche de lui mais si inaccessible le faisait bouillir : il s'assit lentement contre le mur en pierre, incapable de partir en la sachant seule avec ce type.

-Oh oui j'en ai entendu parler...

Des bruits indistincts lui parvenaient, mais sans se concentrer il n'arrivait pas à bien entendre. Peu importe ; il devait veiller sur elle. Il restait. Très vite, ses pensées dérivèrent vers d'autre sujets, le coupant de toute réalité. Il ne sentait plus le mur froid contre sa nuque ni ses muscles ankylosés. Il repensait aux paroles de Karmen la veille.

Lorsqu'elle l'avait supplié d'arrêter de frapper, il n'avait pas su s'arrêter et il s'en voulait : elle avait du le menacer de partir à jamais pour que cela l'arrête. Rien que cette idée lui faisait horreur, lui faisant gainer toutes les fibres de son corps. Elle ne devait jamais partir. Jamais. Si jamais il leur arrivait de se disputer dans le futur – ce dont il ne doutait pas – ce serait la limite à ne jamais franchir. Il ne pourrait pas.

Chaque parcelle de son corps appelaient le sien, il était irrémédiablement attiré vers elle, où qu'il soit. C'était comme une envie irrépressible. Impossible à contenir. Il ne répondait plus vraiment de lui lorsqu'elle était à ses côtés, toute limite précédemment imposée perdait son sens quoi qu'il en soit.

Réalisant qu'il avait cessé d'écouter à côté depuis un petit moment, il se redressa et colla à nouveau son oreille contre le panneau pour s'assurer que tout allait bien.

-Je serais présent au dernier bal, donné pour notre départ, déclara la voix de Étienne. J'espère vous y voir ?

-Je viendrais volontiers. Il a lieu dans six jours n'est-ce pas ?

-Exactement. J'ai dans mon escorte une formidable couturière, je vous l'envoie ce soir, je suis sûre qu'elle sera capable de vous confectionner une robe de folie !

-Ne vous donnez pas cette peine je...

-Non j'insiste, la coupa-t-il.

Des bruits indistincts suivirent, puis la porte s'ouvrit : Coyle supposa que Karmen allait sortir lorsque Étienne reprit la parole :

-Vos parents ont vraiment élevé une jeune femme pleine de richesse, ils doivent être fiers de vous.

Un grand silence.

-Karmen ? Qu'ai-je dis de mal ? Pourquoi baissez-vous la tête ainsi ? S'alarma la voix d'Étienne.

Prêt à intervenir, Coyle se força à écouter la suite avant de surréagir.

-Rien, rien d'important.

-Non dites moi, je vois bien que j'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas.

-Mes parents...balbutia-t-elle. Sont... sont morts.

Coyle ouvrit de grands yeux : il l'ignorait ! Il savait qu'elle vivait à la capitale, mais pas qu'elle vivait seule ! Au ton de sa voix blanche, il avait également compris qu'évoquer ses parents était un moment douloureux pour elle, cet imbécile de roi ne semblait pas y avoir prêté attention et avait insisté pour qu'elle parle. Il aurait pu le frapper pour moins que ça.

-Je suis désolé. Souffla Étienne.

La porte claqua sans qu'une réponse ne se fit entendre.

Coucou!

Vous vous doutez bien que je n'ai pas passé trois heures à détailler cette rechercher documentaire pour rien haha, des idées pour la suite?

Karmen avec Étienne? Coyle qui l'espionne? Une conséquence possible pour la suite?

Les réflexions embrumées de Coyle par rapport au baiser?

Xoxo

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top